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Police-Justice

Evasion de Rédoine Faïd: le récit minute par minute du pilote de l'hélicoptère

Hélicoptère utilisé pour l'évasion de Rédoine Faïd, le 1er juillet 2018

Hélicoptère utilisé pour l'évasion de Rédoine Faïd, le 1er juillet 2018 - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Trois jours après l'évasion spectaculaire de Redoine Faïd de la prison de Réau, Stéphane Buy, le pilote de l'hélicoptère qui a été pris en otage par le commando, a détaillé sur RTL le récit de cette folle journée qui l'a traumatisé.

"Je pense qu'ils ont dû bien se renseigner sur la manière dont je pilotais". Dimanche 1er juillet, Stéphane Buy, pilote confirmé et instructeur à l'aérodrome de Lognes, en Seine-et-Marne, est victime d'une prise d'otages par deux hommes âgés d'une cinquantaine et d'une vingtaine d'années, qui le contraignent à participer à l'évasion de Redoine Faïd, incarcéré au centre pénitentiaire de Réau. Trois jours après cette opération spectaculaire, le pilote est venu témoigner ce mercredi sur l'antenne de RTL. Il se dit toujours "sous le choc".

Dimanche dans la matinée, deux hommes arrivent à l'aérodrome pour un vol d'initiation qu'ils avaient réservé, raconte le pilote qui précise qu'il les avait déjà vus lors d'un précédent baptême. "C'était pour moi un père qui voulait faire plaisir à son fils. Pour moi, c'était un baptême comme un autre", se souvient Stéphane Buy.

"Quand ils sont arrivés, j'étais seul dans le hangar. Nous avions rendez-vous à 9h30. A leur arrivée, je ferme le rideau de fer et je me dirige vers le R44 Robinson 4 places pour le sortir et là, ils me disent qu'ils préfèreraient faire un vol dans l'Alouette 2 qui était entreposé dans le même hangar", raconte-t-il.

Victime de nombreux coups de crosse

C'est après le refus du pilote, qui argue que la machine ne possède pas assez d'essence pour faire un vol d'initiation, que "tout bascule". "Ils m'agressent et me condamnent à prendre cette machine. Ils m'ont prévenu que ma famille était en danger", relate Stéphane Buy, encore très ému. "Je comprends alors que j'ai affaire à des gentils qui deviennent très méchants", poursuit-il. 

Après avoir fait le plein, Stéphane Buy décolle en direction du sud-est. "Ensuite, ils me font poser dans un champ sous prétexte d'avoir envie d'uriner. Ils me font descendre de l'hélicoptère et me prennent en joue avec des armes et des coups de crosse et m'expliquent ce qu'on va faire: aller chercher un ami à la prison de Réau", raconte le pilote à qui les deux hommes "demandent d'obtempérer et de bien faire (son) travail". "Avec deux Colt sur la tête, je n'avais pas le choix", assure Stéphane Buy.

Quelques instants plus tard, les passagers réclament à l'instructeur une nouvelle halte dans un terrain vague où Stéphane Buy, contraint de baisser la tête, entend des personnes charger des sacs dans l'hélicoptère. Au moment de repartir, "la machine n'a pas démarré et c'est là qu'a commencé le cauchemar", raconte-t-il, évoquant un blocage de démarreur.

C'est en sortant de l'appareil pour tenter de réparer la panne que le pilote aperçoit des hommes cagoulés avec "des combinaisons du genre GIGN", qui chargent le matériel. 

Redoine Faïd "très silencieux"

Frappé à plusieurs reprises, jusqu'à tomber inconscient pendant quelques secondes, Stéphane Buy parvient finalement à faire redémarrer la machine et prend la direction de la prison de Réau en volant "très bas".

"Je ne me sens pas en danger du tout, je suis tellement concentré sur mon vol", confie-t-il. "Je me pose dans une cour triangulaire, on me fait poser sur une petite allée de bitume qui doit faire 1,50m de large et on me demande de rester 10 minutes en stationnaire dans cette cour", précise-t-il. Il assure ne toujours pas savoir à qui il a affaire et ne pas reconnaître Rédoine Faïd qui est resté "très silencieux". 

Après avoir redécollé de la prison, le commando indique à Stéphane Buy "une allée près d'une station essence, au bord d'une voie rapide". Le pilote entend les passagers parler d'essence et d'eau de javel, et comprend qu'ils envisagent de mettre le feu à l'appareil. Mais par chance, ils le laisseront s'échapper avant de tenter d'incendier la cabine de l'hélicoptère et de prendre la fuite.

Mélanie Rostagnat