"Elle ne vous a jamais appartenu", le bouleversant témoignage lors du procès du "tueur de Perpignan"

La cour d'assises de Perpignan rendra son verdict le 26 mars. - AFP
Ce sont des paroles qui ont ému jusqu'à l'avocat général. Sabine était la meilleure amie de Mokhtaria Chaïb, l'une des victimes du "tueur de Perpignan". Elle s'est présentée mardi devant la cour d'assises de Perpignan, qui juge Jacques Rançon depuis la semaine dernière, pour parler de son amie qui "avait des choses magnifiques à accomplir". "C'était quelqu'un de bien, on avait des projets, un avenir ensemble, on avait des rêves. On était à rien d'y arriver. Jusqu'au jour où...", confie Sabine.
Le 21 décembre 1997, le corps de Mokhtaria Chaïb est découvert dans un terrain vague entre la gare et la cité universitaire atrocement mutilé. Les seins et les parties génitales de la jeune femme ont été découpés de manière quasi-chirurgicale. La jeune étudiante de 19 ans avait passé sa soirée la veille chez un ami, Brice, en compagnie notamment de Sabine. "Elle est morte l'année de sa renaissance", estime Claire Charpentier qui a enquêté sur la personnalité de Mokhtaria Chaïb.
"Elle ne vous a jamais appartenu"
La jeune femme avait décidée de ne plus retourner chez son père en Algérie où elle était destinée à être mariée. Elle avait louée un studio, travaillait pour payer ses études et souhaitait devenir infirmière. "Là on s’aperçoit qu’on a perdu quelqu’un, quelqu’un d’important, une jeune femme qui était plein de vie, qui avait l’intention de devenir infirmière dans l’armée avec sa copine, et sa copine se retrouve aujourd’hui seule", analyse Me Etienne Nicoleau, l'avocat des parties civiles.
Déjà dans la matinée, l'atmosphère a été pesante avec la lecture des rapports d'autopsies détaillant les mutilations subies par Mokhtaria Chaïb. Face au film de reconstitution ou aux photos de la jeune femme de son vivant, en soirée, ou chez des amis, l'accusé va rester les yeux rivés au sol. Jacques Rançon va seulement lever les yeux face à la demande insistante de Sabine.
"Elle était belle, jeune, elle avait la vie devant elle... M. Rançon, vous nous l'avez enlevée, ça nous a brisé mais elle ne vous a jamais appartenu", a lancé la jeune femme devant des jurés et un public en larmes, tout comme l'avocat général. "Dans les propos de cette jeune femme, il n’y avait pas de haine. Il y avait plus l’amour de sa copine. (...) Je pense que c’est un moment fort de ce procès", a confié Me Nicoleau.
"Pardon"
Au terme de cette journée forte en émotions, Jacques Rançon, ancien cariste-magasinier âgé de 58 ans, a fini par présenter ses excuses aux familles des victimes. "Je demande pardon, a-t-il bredouillé. Moktaria et Marie-Hélène n'auraient pas dû mourir. Ce que j'ai fait est très grave. Je ne sais pas dire pourquoi j'ai fait ça." S'il ne peut pas dire pourquoi, il ne veut non plus dire comment. "Je ne pourrai pas raconter. C'est trop dur", a prévenu l'accusé. "Vous croyez que ce n'est pas trop dur pour les parties civiles!", a rétorqué le président de la cour.
"Il a été très marqué, très touché par ce témoignage, a nuancé Me Xavier Capelet, l'avocat de Jacques Rançon. Plus les débats avancent et plus on a la sensation de l’horreur qu’il a pu faire."
Ce mercredi, la cour d'assises de Perpignan va examiner le second meurtre attribué à Jacques Rançon, celui de Marie-Hélène Gonzalez. La jeune femme de 22 ans a disparu le 16 juin 1998. Son corps avait été retrouvé dix jours plus tard décapité, amputé des mains. Les parties génitales avaient été découpées. Sa tête et ses mains seront retrouvées six mois plus tard dans un sac plastique.