Dernière ligne droite pour les candidats au poste de procureur de Paris

La nomination du futur procureur de la République devrait avoir lieu d'ici le mois de novembre. - Loïc Venance - AFP
Qui pour prendre la tête du parquet de Paris? Les candidatures pour succéder au procureur François Molins prennent fin ce lundi à minuit, pour une nomination d'ici novembre. Un candidat devrait être rapidement proposé par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), lequel donnera son avis après l'avoir auditionné. Le gouvernement pourra passer outre cet avis.
Parmi les noms qui circulent pour succéder à François Molins, l'un revient avec insistance: celui de Rémy Heitz, 54 ans, actuel directeur des affaires criminelles et des grâces (DACG). Il a été nommé en août 2017 à ce poste réputé être le plus important de la Chancellerie, après celui de garde des Sceaux. Rémy Heitz, le "Monsieur sécurité routière" sous Jacques Chirac entre 2003 et 2006, a un parcours atypique qui l'a mené à la fois dans les ministères et dans les différentes arcanes de la magistrature. Vice-procureur de Paris de 2001 à 2002, il a également présidé le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis), le deuxième plus grand de France, entre 2011 à 2015.
Polémique autour du processus de nomination
Mais si un nom apparaît en tête de liste, les appels à candidatures n'ont cessé de se succéder, présentant un large éventail d'aspirants. Le dernier en date a été lancé il y a une semaine par le ministère de la Justice et a nourri l'agacement du monde de la magistrature, alors même que Nicole Belloubet avait déjà reçu des prétendants cet été. Selon Le Canard enchaîné et Le Monde, Emmanuel Macron est personnellement intervenu pour s'opposer aux candidats retenus par sa ministre. En déplacement à Pau vendredi, à l'occasion du congrès de L'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), Nicole Belloubet a tenté d'éteindre l'incendie en rejetant toute "intervention" d'Emmanuel Macron. "Ce mot-là n'est pas opportun", a-t-elle déclaré, estimant qu'il n'est "pas anormal qu'il y ait un dialogue" sur le choix des procureurs entre le président qui les nomme par décret et la garde des Sceaux.
La garde des Sceaux avait reçu en juillet trois prétendants à la tête du parquet de Paris. Le procureur de Lyon, Marc Cimamonti, était, de sources concordantes, son favori, mais le poste de procureur général de Versailles lui a été proposé le 24 septembre, concomitamment au nouvel appel pour celui de procureur de Paris. Nicole Belloubet a réaffirmé qu'il n'était "pas du tout anormal de proposer le poste à d'autres candidats" dès lors qu'un amendement, qu'elle va proposer, va "changer la nature du poste de procureur de Paris en créant par dissociation un poste de procureur anti-terroriste". Donc "certains candidats qui avaient postulé ont vu la nature du poste évoluer", a-t-elle dit.
"Affaiblissement" de la ministre de la Justice
Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature (SM), voit dans cet imbroglio un "affaiblissement" de la ministre de la Justice. "On constate un rapport de force qui lui est défavorable depuis qu'elle exerce. Depuis le début, elle n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre", a-t-elle commenté.
"C'est l'image de toute la justice qui pâtit de ces consternantes manœuvres", a critiqué à Pau Virginie Duval, qui a cédé sa place de présidente de l'USM dimanche.
"Car quelles que soient les qualités du futur procureur de Paris, son autorité et son indépendance seront d'emblée contestées et ses décisions dans les affaires sensibles seront suspectes", a-t-elle estimé.
Elle a réitéré la nécessité de "mettre fin à ces suspicions en améliorant le statut des magistrats du parquet". La réforme constitutionnelle, dont l'examen a été suspendu à cause de l'affaire Benalla, prévoit d'interdire à l'exécutif de passer outre l'avis du conseil de la magistrature pour la nomination des hauts magistrats du parquet. Une mesure qui reste toutefois insuffisante pour les syndicats.