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Police-Justice

Condamné pour trafic de stupéfiants sur la base de faux PV, il demande la révision de son procès

La commission d'instruction de la cour de révision doit statuer ce jeudi.

La commission d'instruction de la cour de révision doit statuer ce jeudi. - AFP

Aymen I. a été interpellé en avril 2017 et condamné à une peine de prison pour trafic de stupéfiants. Les policiers de la BAC du XVIIIe arrondissement de Paris qui avaient procédé à son interpellation ont reconnu depuis avoir falsifié la procédure.

"Je suis une victime depuis le début de cette histoire, je dis la vérité depuis le début." Aymen I. s'exprime encore avec toute l'émotion de celui qui n'a pas été cru, par la police puis la justice, pendant cinq ans. Condamné en 2017 pour trafic de stupéfiants, la justice a reconnu, à deux reprises en première instance puis en appel, que le procès-verbal de son interpellation était mensonger.

Aujourd'hui Aymen I. demande une révision de son procès. Ce jeudi, la commission d'instruction dira si elle rejette la demande de cet homme de 43 ans ou si elle y répond favorablement. Dans ce dernier cas, deux options: soit la condamnation d'Aymen I. est purement annulée, soit elle est annulée mais avec un renvoi devant une nouvelle juridiction qui rejugera les faits qui lui sont reprochés.

"J'attends cette dernière étape, je veux laver mon honneur", plaide-t-il auprès de BFMTV.com.

Coup monté

Le 17 avril 2017, Aymen I. est contrôlé à bord de son véhicule à l'angle de la rue Carpaux et de la rue Lamarck, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, par deux policiers de la BAC, Karim M. et Aaron B. Le contrôle est motivé par le fait que le conducteur se trouvait au téléphone. A l'intérieur de l'habitacle, les deux fonctionnaires feignent de trouver un pochon de 35,5 grammes de cocaïne.

Garde à vue, défèrement, comparution immédiate, audience renvoyée... le procès d'Aymen I. se tient le 1er juin 2017. Sur la base de la procédure initiée par les deux policiers, l'homme est jugé pour "transport et détention de stupéfiants". Il comparaît également pour "fourniture d'identité imaginaire" et "obtention frauduleuse d'un document administratif". Aymen I. est marié et travaille en France, il n'avait d'ailleurs jamais fait parler de lui.

Au cours de sa garde à vue, les policiers ont en effet découvert que l'homme d'origine égyptienne dispose de faux papiers. Aymen I. crie au coup monté, assure que les policiers mentent, que la drogue ne lui appartient pas. La justice ne le croit pas et le tribunal correctionnel de Paris le reconnaît coupable et le condamne à 10 mois de prison, dont cinq mois ferme. Il écope d'une interdiction de territoire pendant trois ans. La condamnation est assortie d'un mandat de dépôt.

A sa sortie de prison, en juillet 2017, il est immédiatement appréhendé par la police aux frontières, qui le renvoie en Egypte.

"Eléments faux"

L'histoire racontée par les policiers, qui entraînera la condamnation d'Aymen I., est pourtant toute autre et le combat judiciaire de l'homme aujourd'hui âgé de 43 ans prend un nouveau tournant. Revenu en France clandestinement, ce dernier est contacté en juin 2019. Depuis un an, la police des polices enquête sur des fonctionnaires de la BAC du XIIIe, et notamment Karim M. et Aaron B., après un signalement de la commissaire sur les méthodes de certains de ses effectifs et d'une plainte.

Nazim B. a été interpellé le 19 avril 2017, deux jours après Aymen I. A bord de son véhicule, les policiers disent avoir retrouvé un pochon contenant 24,4 grammes de cocaïne. Comme pour Aymen I. Nazim B. accuse un autre homme, Ali M., qui venait de l'escroquer, d'avoir placé la drogue dans sa voiture. Ali M. était d'ailleurs dans la voiture d'Aymen I. quelques minutes avant son interpellation.

"Dans les deux cas, la description de la découverte des produits stupéfiants faite par les policiers a permis de justifier l'interpellation", notent les juges qui jugeront les policiers.

Au cours de l'enquête, Ali M. reconnaîtra d'ailleurs que la drogue retrouvée dans la voiture d'Aymen I. n'appartenait pas à ce dernier. "J'ai appelé Aymen I. à la demande de Karim M. pour qu'il se fasse contrôler au téléphone au volant", déclare-t-il aussi. Six policiers et deux informateurs, dont Ali M., sont jugés en février 2021, soupçonnés d'avoir favorisé leurs indics en procédant à des interpellations illégales au regard de la procédure pénale.

"Les modalités d’interpellation, les motifs d’interpellation et la découverte de la drogue prétendument visible et donc vue par les policiers prévenus justifiant le passage de la procédure de contrôle routier en procédure de délit flagrant sont les éléments faux des deux procès-verbaux", écrit le juge du tribunal correctionnel.

Une condamnation qui existe toujours

La condamnation de Karim M., brigadier de 44 ans au moment des faits considéré comme le chef officieux de la brigade, et d'Aaron B. pour "faux en écriture" - ils ont été relaxés des autres chefs dont le trafic de drogue - est confirmée par la cour d'appel de Paris en juin 2021 qui juge "les faits d'une particulière gravité ayant été commis par un fonctionnaire de police". Toutefois la juridiction estime qu'il n'est pas possible d'établir à qui appartenait la drogue découverte dans le véhicule.

Dès la mise en examen des policiers en 2019, la juge d'instruction en charge du dossier sur les soupçons portant sur les policiers avait, elle, demandé à ce que la situation d'Aymen I. et celle de deux autres personnes, victimes des méthodes des policiers, soit "réexaminée en urgence". Nazim B. renvoyé pour trafic de stupéfiants n'a pas encore été jugé. Il ne le sera pas. Ibrahima D. est toujours incarcéré, il est libéré. Aymen I. a lui déjà purgé sa peine.

Au procès qui se tient devant le tribunal correctionnel de Paris en février 2021, Aymen I. se constitue partie civile et est reconnu victime. Il obtient 35.000 euros de dommages et intérêts.

"Son casier judiciaire a été officiellement effacé mais sa condamnation existe toujours", rappelle Me Joseph Hazan, l'avocat d'Aymen I.
https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV