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Police-Justice

Chevaline: trois pistes, un tireur et (au moins) un complice

Des gendarmes sur les lieux de la tuerie, le 6 septembre 2012, deux jours après le drame.

Des gendarmes sur les lieux de la tuerie, le 6 septembre 2012, deux jours après le drame. - -

Une enquête de la BBC est venue apporter des éléments nouveaux sur le meurtre de quatre personnes en Haute-Savoie en septembre 2012. Le portrait-robot d'un suspect va être diffusé dans les prochains jours.

Cela fait plus d'un an que les enquêteurs tentent en vain de remonter la piste du tueur de Chevaline et de comprendre son geste. Régulièrement, des pièces de puzzle s'emboîtent, de nouvelles surgissent. Dernière en date: l'existence d'un complice, mise au jour par la BBC. La télévision publique britannique a également diffusé des déclarations de Zaïd al-Hilli, le frère de l'une des victimes. L'occasion de faire le point sur les derniers rebondissements sur l'affaire.

> La piste familiale privilégiée

Le 5 septembre 2012, Saad al-Hilli est exécuté de plusieurs balles dans la tête avec sa femme et sa belle-mère, sur un chemin forestier. Cette famille britannique d'origine irakienne se trouvait alors en vacances sur les bords du lac d'Annecy. Un cycliste de la région, Sylvain Mollier, a également été abattu. Les deux filles du couple, présentes sur les lieux, ont survécu à la tuerie, l'une d'elles ayant été blessée.

Depuis juin dernier, la piste familiale est privilégiée après l'interpellation près de Londres de Zaïd, le frère aîné de Saad al-Hilli. Pour les enquêteurs, le mobile de la tuerie pourrait être un désaccord autour de l'héritage familial, pour lequel les deux frères avaient entamé des démarches en 2004. A l'issue de sa garde à vue, Zaïd al-Hilli a été relâché, faute de preuves.

> La piste irakienne dans l'impasse

A la BBC, cet homme de 54 ans a admis l'existence d'un conflit autour de la succession parentale. Lors de leur dernière conversation, qui portait sur une maison dont ils avaient hérité de leur mère, son frère de 50 ans l'aurait agressé physiquement. Zaïd al-Hilli a néanmoins nié avec force avoir orchestré l'exécution de Saad pour ce motif.

Les origines irakiennes de la famille al-Hilli, qui avait immigré en Grande-Bretagne en 1971, ont également fait l'objet des soupçons des enquêteurs. En novembre 2012, une commission rogatoire internationale a été adressée à l'Irak afin d'obtenir des informations sur ce sujet, mais cette démarche est restée lettre morte.

> L'espionnage industriel, dernière piste en date

Troisième piste plus récemment évoquée par les enquêteurs, "celle de l'espionnage industriel et du transfert de technologies", selon les termes du procureur de la République à Annecy, Eric Maillaud. Ingénieur de métier, Saad al-Hilli travaillait dans l'aéronautique et la défense, deux secteurs sensibles. Plus précisément, pour une entreprise anglaise spécialisée dans les satellites civils.

"Son entreprise travaillait pour de nombreux Etats étrangers", soulignait Eric Maillaud début septembre. "Et qui dit 'Etats étrangers' et 'espionnage industriel' peut aussi indiquer l'intervention de services secrets". Selon les enquêteurs, l'homme possédait également "beaucoup plus de données que son seul emploi ne justifiait".

> L'hypothèse Mollier bottée en touche

Zaïd al-Hilli, lui, accuse les enquêteurs français de négliger une autre piste. Celle du cycliste français, Sylvain Mollier, retrouvé mort sur le lieu de la fusillade. Dans l'enquête, ce Français qui travaillait pour une filiale d'Areva a toujours constitué une victime collatérale. Mais selon le frère de Saad al-Hilli, les enquêteurs "couvrent quelqu'un dans cette région et ils le savent". Pour l'homme, "[Sylvain] Mollier était impliqué dans des disputes familiales et était un étranger pour sa riche famille".

Réaction quasi-immédiate du procureur d'Annecy. "S'il s'était constitué partie civile, il aurait pu connaître le dossier et se rendre compte que les enquêteurs avaient fait le maximum pour explorer la piste Sylvain Mollier, mais qu'elle ne donne rien", a rétorqué lundi Eric Maillaud. Le magistrat a en outre déploré les aveux tardifs de Zaïd al-Hilli sur le conflit avec son frère alors que "dans ses premières déclarations", c'était "l'entente parfaite".

> Le complice: un élément nouveau

Dans l'enquête de la BBC, deux témoins-clés relatent également avoir vu un motard et un 4x4 à proximité des lieux du crime. Brett Martin, le cycliste britannique qui a découvert les corps, indique ainsi avoir croisé une moto au moment où il arrivait sur les lieux. Un garde-forestier français a de son côté témoigné avoir vu un motard vêtu de noir se diriger vers le parking où la famille a été tuée.

Ce suspect est connu des enquêteurs depuis le début. Son visage barbu a été furtivement aperçu par des agents de l'Office national des forêts, lorsqu'il a relevé la visière de son casque. Mardi, le procureur Eric Maillaud a indiqué qu'un portrait-robot de cet homme allait être diffusé dans les prochains jours.

Le magistrat se veut néanmoins prudent. Pour le moment, a-t-il indiqué, "rien ne permet d'affirmer que le motard est l'auteur des crimes." Les deux témoins interrogés par la BBC confirment d'ailleurs la présence sur les lieux d'un autre véhicule, un 4x4 BMW X5 dont le volant est situé à droite - caractéristique des véhicules anglo-saxons. A leur bord, au moins un homme, "légèrement chauve et à la peau sombre".

Depuis longtemps, les enquêteurs ont abandonné la piste de plusieurs tireurs pour celui d'un seul, qui a rechargé son arme. Un scénario qui laisse néanmoins la placé à d'autres complices présents sur les lieux.

Mathilde Tournier