"Cela ne me fait ni chaud ni froid": l'inquiétant profil de Dahbia Benkired, jugée pour le meurtre de Lola Daviet

Des riverains déposent des mots et des fleurs près du portrait de Lola lors d'une manifestation commémorative pour la fillette, à Fouquereui (nord), le 21 octobre 2022 - DENIS CHARLET © 2019 AFP
Qui est vraiment Dahbia Benkired? Accusée d'avoir tué, torturé et violé Lola Daviet, 12 ans, avant d'abandonner son corps dans une valise déposée dans une rue du 19e arrondissement de Paris, elle comparaît, ce vendredi 17 octobre, devant la Cour d’assises de Paris.
Au fil de l'instruction et des interrogatoires, la femme de 27 ans n'a cessé de dérouter par sa personnalité marginale et son absence d'empathie face à la gravité des faits qu'elle reconnaît. Un profil psychologique complexe, au centre de cette affaire.
"Cela ne me fait ni chaud ni froid"
Les enquêteurs croisent pour la première fois l'accusée le 14 octobre 2022 lorsque les caméras de surveillance captent Dahbia Benkired entrant dans l’immeuble du 119 rue Manin avec Lola. La jeune adolescente n'en ressortira jamais vivante.
Moins de deux heures plus tard, elle réapparaît seule, avec une nouvelle tenue, tirant deux valises et une grande malle noire. C’est dans cette caisse que le corps de Lola sera retrouvé quelques heures plus tard, ligoté, scotché et marqué de traces faites par un couteau. Au lendemain de cette macabre découverte, Dahbia Benkired est interpellée et interrogée.
En garde à vue, les enquêteurs sont pour la première fois confrontés à la personnalité déroutante de la suspecte. Face à eux, Dahbia Benkired nie d'abord, avant de faire des aveux glaçants. Froidement, elle reconnaît avoir tué et abusé de Lola. Lorsque les enquêteurs lui montrent les photos de la jeune victime, encore une fois, la personnalité de l'accusée désarçonne.
"Cela ne me fait ni chaud ni froid", déclare-t-elle.
Mobiles délirants et passage à l'acte détaillé
Durant ses différents interrogatoires, devant les enquêteurs ou la juge d'instruction, Dahbia Benkired décrit avec une grande précision les sévices qu'elle a infligés à la victime. Le viol, la mise à mort, les gestes… Dans les moindres détails. Un récit entrecoupé par des phrases dénuées d'empathie pour la jeune victime.
"Cela vous intéresse, la mort d'une petite? Pas moi", assène-t-elle par exemple lors d'une audition.
Pourtant, ces répliques glaçantes sont parfois remplacés par des propos hallucinés concernant le mobile du meurtre. Parmi les scénarios les plus délirants, l'accusée indique avoir scotché la tête de Lola jusqu’à recouvrir tout le visage, car elle avait vu en elle un "fantôme" ou un "diable". Une manœuvre qui conduira à la mort par asphyxie de Lola.
Un autre mobile, semblant dérisoire à la vue de la violence des faits, est aussi avancé par Dahbia Benkired. Peu avant la découverte du corps, la suspecte avait eu un vif échange avec la mère de Lola, dont le mari est le gardien de l'immeuble, au sujet d’un pass d'accès. Une dispute que l'accusée avance un temps pour justifier ses actes.
Concernant le viol, elle indique avoir forcé Lola à des actes sexuels pour "son plaisir". "Tout ce que je lui ai demandé de faire elle l'a fait, jusqu'à mon plaisir (...)", déclare-t-elle froidement en garde à vue.
Une vie entre précarité et errance
Décrite par l'une de ses sœurs comme la "mauvaise graine" de la famille, le parcours de vie de l'accusée semble des plus cabossés. Arrivée d'Algérie en 2016, Dahbia Benkired est au moment des faits sans emploi, sans titre de séjour et sans logement stable. L'accusée vit alors dans la précarité et consomme régulièrement du cannabis en grande quantité.
Elle avait fini par s'installer temporairement chez l’une de ses sœurs, Friha B., dans un appartement du 119 rue Manin, dans le 19e arrondissement de Paris, le même immeuble où vivait la famille de Lola Daviet.
Dahbia Benkired est née et a grandi en Algérie, dans un milieu social modeste. Selon ses dires, elle a été rapidement confrontée à d'importantes violences intra-familiales et à des abus sexuels. Durant ses interrogatoires, elle indique avoir été victime d'un viol dans son enfance.
Jeune adulte, elle finit par arriver en France pour rejoindre sa mère. Malgré une scolarité difficile, elle finit par obtenir un CAP, mais elle ne trouve pas de travail en raison de "la dégradation de sa situation administrative". En 2020, elle est fragilisée par les deuils successifs de ses deux parents.
À partir de ce moment, les témoignages recueillis par les enquêteurs dressent le portrait d’une jeune femme désocialisée, désœuvrée, souvent en conflit avec sa sœur. Selon plusieurs voisins, elle se faisait appeler "Dina", fréquentait peu les habitants de la résidence, et passait ses journées à errer dans le quartier.
"Des traits narcissiques et délirants"
Les experts psychiatres décriront lors de l'instruction une personnalité impulsive, immature, présentant des "traits narcissiques et délirants" mais sans pathologie psychiatrique avérée. Un profil instable, certes, mais jugé pénalement responsable. "Sa comparution devant une Cour d'assises apparaît adaptée", indique à BFMTV, l'une de ses avocates, Maître Lucile Bertier.
L'un des enjeux du procès, ce 17 octobre, sera d'arriver à dégager un mobile aux gestes d'une accusée au profil déroutant. "Cette compréhension, indispensable aux parties civiles pour qu'elles puissent faire leur deuil, participe également à ce qu'une décision de justice soit rendue de façon efficiente", conclut Maître Lucile Bertier.
Reste à savoir quelle attitude aura l'accusée à la barre. Depuis son placement en détention provisoire, Dahbia Benkired s'est fait remarquer par l'administration pénitentiaire notamment en se tapant la tête contre les murs, en mangeant du plâtre et se dénudant.