Cambrai: enquête autour d'un centre éducatif après le suicide d'un adolescent de 16 ans

Un adolescent de 16 ans s'est suicidé dans la nuit du 9 au 10 juin 2022 au Centre éducatif fermé de Cambrai. - Capture Google Street View
Le 9 juin au matin, le corps d'un adolescent de 16 ans a été découvert dans la chambre qu'il occupait au sein du Centre éducatif fermé (CEF) de Cambrai, dans le Nord, qui accueille des mineurs ayant commis des faits passibles d'emprisonnement, apprend BFMTV de source judiciaire, confirmant une information du Parisien. Le jeune homme s'est pendu à l'aide du câble d'alimentation de son téléphone.
Sous contrat avec la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), l'établissement accueille habituellement jusqu'à douze jeunes âgés de 15 à 18 ans, soit parce qu'ils sortent d'incarcération, soit parce qu'ils s'exposent à une peine de prison dans un futur proche. Comme tous les autres CEF, il permet à ces mineurs de pouvoir continuer à recevoir un enseignement scolaire et de participer à des activités culturelles et sportives, le tout dans un cadre strict.
L'adolescent en question y avait été placé moins d'un mois avant son suicide, dont les causes n'ont pas encore été déterminées. Contrairement à ce qui a pu être dit, aucune information judiciaire n'a encore été ouverte, mais l'enquête suit son cours pour préciser les circonstances de ce drame, rapporte ce jeudi la procureure de Cambrai, Ingrid Gorgen, auprès de BFMTV.com.
Une enquête en cours
Si celle-ci, en poste au tribunal de Cambrai seulement depuis le début du mois de mai, dit n'avoir encore jamais reçu de signalement à propos du CEF de la ville, d'autres acteurs avaient déjà signalé des dysfonctionnements au sein de l'établissement créé en 2013.
"Les dysfonctionnements dans cet établissement sont multiples", déclare ce jeudi le bureau régional FO Justice PJJ Grand Nord, contacté par BFMTV.com. À plusieurs reprises, l'organisation syndicale a, ces dernières années, alerté notamment sur la précarité à laquelle est confrontée le personnel de l'établissement.
Dès 2017, le syndicat dénonçait ainsi un centre mal sécurisé, une banalisation des agressions physiques et verbales envers les éducateurs, eux-mêmes étant confrontés à un rythme de travail insensé.
"Insécurité et abandon"
Fin 2021, des agents du CEF de Cambrai avaient même pris la plume pour alerter le syndicat à propos de leurs conditions de travail. Dans un courrier que nous avons pu consulter, ils faisaient état d'un "grand sentiment d'insécurité et d'abandon", faisant la cible de harcèlement et de menaces de la part des jeunes. Ils rapportaient également qu'il n'était pas rare qu'un éducateur se retrouve à devoir encadrer seul les douze mineurs.
"Une demande d'audience avait été formulée début 2022. Les agents y ont renoncé suite à la pression de la hiérarchie", déclare le bureau régional FO Justice PJJ Grand Nord.
"Pour encadrer ces jeunes, il faut des gens en forme"
"On en arrive à des situations ubuesques. Certains contractuels travaillaient jusqu'à 70 heures par semaine", rappelle aujourd'hui l'organisation syndicale. "Mais pour encadrer ces jeunes, il faut des gens en forme, qui ne sont pas épuisés."
Faute de quoi des drames comme celui qui s'est produit la semaine dernière sont davantage susceptibles de se produire.
"Les jeunes peuvent être livrés à eux-mêmes, et alors peut s'installer un climat de violence."
Suite aux derniers événements, le bureau régional FO Justice PJJ Grand Nord réclame le fermeture de l'établissement afin qu'une véritable inspection puisse avoir lieu, et que les mineurs et le personnel qui étaient présents cette nuit-là puissent être réellement pris en charge. "Il faut que l'administration prenne enfin en considération ce qu'on souligne et dénonce depuis des années." Selon nos informations, la procureure de Cambrai doit se rendre sur place la semaine prochaine.