Braquage de Kim Kardashian: le veilleur de nuit de l'hôtel, victime collatérale en quête de justice

"Il n'y a pas de sous-victime." Ce lundi 28 avril s'ouvre aux assises de Paris le procès du braquage de Kim Kardashian. Dix personnes, neuf hommes et une femme, sont accusées d'avoir participé au vol à main armée pendant lequel l'influenceuse américaine a été ligotée et s'est vue extorquer des bijoux d'une valeur totale de 9 millions d'euros, dans la nuit du 2 au 3 octobre 2016 à Paris.
Alors que le nom de la star, qui a confirmé sa venue, est sur toutes les lèvres à l'ouverture de cette audience, prévue pour durer quatre semaines, elle ne sera pas seule du côté des victimes. À ses côtés, Abderrahmane Ouatiki, veilleur de nuit de l'hôtel particulier où les faits se sont déroulés, s'exprimera lui aussi en tant que partie civile. Avec la ferme intention de sortir de l'ombre de la milliardaire pour livrer à son tour son témoignage.
"Il a une envie de justice et de vérité. Il ne veut pas qu'on occulte ce qu'il a vécu", relate son avocat, Me Mohand Ouidja, auprès de BFMTV.com.
Menotté et braqué
Le 3 octobre 2016, Abderrahmane Ouatiki prend son service à 21 heures à l'hôtel particulier "No Adress". Cela fait six ans qu'il y travaille en tant que veilleur de nuit, en parallèle de ses études.
En cette période de Fashion Week, l'établissement accueille Kim Kardashian, une cliente régulière. Celle-ci rejoint sa chambre sur les coups de minuit, après un dîner avec des amis. À cette heure avancée, l'hôtel est plongé dans le calme. Jusqu'à ce que, vers 2h35, des individus aux vestes portant l'inscription "Police" sonnent à la porte. Étonné, le réceptionniste leur ouvre.
Rapidement, il se retrouve menotté par ces faux policiers qui le forcent à s'agenouiller et lui demandent avec insistance où se trouve la chambre de "la femme du rappeur". Une arme braquée sur lui, Abderrahmane Ouatiki finit par lâcher l'information.
Il se retrouve à devoir suivre deux des braqueurs jusqu'à la chambre de Kim Kardashian. Pris en étau entre les cris apeurés de l'influenceuse qui lui demande s'ils vont mourir, et l'un des braqueurs qui le menace toujours d'une arme, Abderrahmane Ouatiki essaie de garder son calme.
Une sérénité sur laquelle la star reviendra plus tard, avouant avoir trouvé l'attitude du veilleur de nuit étrange. Ce à quoi ce dernier, la tête froide, répondra qu'il vaut mieux garder son calme lorsque l'on sent l'acier d'une arme braquée sur sa tempe.
"Baladé comme un sac"
À ce moment-là, le réceptionniste ne voit pas seulement une star en Kim Kardashian, relate son avocat, mais aussi "une femme apeurée, qui répète qu'elle a des bébés" dans une langue que, de toute évidence, les braqueurs ne comprennent pas. Alors Abderrahmane Ouatiki endosse aussi le rôle de traducteur. Il explique à l'influenceuse que les individus sont là pour sa "ring" (sa bague, en français).
Lorsqu'ils estiment avoir amassé un butin suffisant, les braqueurs quittent la chambre et entraînent le veilleur de nuit jusqu'au local incendie. Ils l'y enferment alors que celui-ci est toujours menotté. Il devra attendre un long moment, même après l'arrivée des policiers dans l'hôtel, pour que ses menottes lui soient retirées.
"On l'a baladé dans l'hôtel comme un sac", résume Me Mohand Ouidja.
Les jours qui suivent, alors que les feux sont braqués sur Kim Kardashian, retournée en vitesse aux Etats-Unis, Abderrahmane Ouatiki s'effondre petit à petit.
Étudiant le jour, réceptionniste la nuit
Cet Algérien, âgé à l'époque des faits de 39 ans, est arrivé en France en 2003 pour suivre des études de sémiologie. Passionné par son sujet, il obtient deux masters, puis se lance dans un doctorat et prépare une thèse. La journée, il étudie, fait des recherches, écrit. La nuit, il travaille au "No Adress" pour mettre de l'argent de côté. Pendant plusieurs années, il met de côté sa vie de famille. Père d'un enfant qu'il voit très peu, il se dit que celui-ci le remerciera plus tard pour ses sacrifices.
En 2016, il décide de mettre son doctorat en pause et se consacre à son travail le temps de mettre assez d'argent de côté et pouvoir finir sa thèse l'année d'après, explique encore son avocat.
Après le braquage, au mois d'octobre de la même année, ses projets s'écroulent en même temps que son moral. En décembre, un psychiatre de l'hôpital de la Salpêtrière lui diagnostiquera un syndrôme de stress post-traumatique. En parallèle, son titre de séjour expire et il doit quitter la France.
Les mois et les années qui suivent, Abderrahmane Ouatiki observe, "écoeuré", le traitement réservé aux malfaiteurs dans les médias. "Il a très mal pris la romantisation de l'affaire, l'utilisation de l'expression 'papys braqueurs'. Lui, il n'a pas vu des 'papys braqueurs'. Juste des braqueurs", rapporte encore Me Ouidja.
"Monsieur tout le monde" en quête de justice
Démotivé, avec l'impression que son statut de victime s'efface derrière le caractère rocambolesque du braquage, la notoriété de Kim Kardashian et l'âge des mis en cause, Abderrahmane Ouatiki abandonne sa thèse. "C'est comme si tout ce qu'il avait construit ne valait rien."
Aujourd'hui, cet homme discret de 48 ans n'aspire pas à ce qu'on le victimise, mais à ce que ce qu'il a vécu soit reconnu et pris en compte lors du procès, à l'instar de l'autre victime de ce dossier. "Lui, c'est 'Monsieur tout le monde'. Mais il n'y a pas de sous-victime", affirme son avocat.
"Il a perdu une partie de son existence dans cette affaire, on lui a pris ses rêves. On ne laissera pas sa voix être étouffée", poursuit-il.
Abderrahmane Ouatiki devrait être entendu au même titre que Kim Kardashian au tribunal la semaine du 12 mai. Le procès est prévu pour durer quatre semaines au total.