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Attentats de janvier 2015: la perpétuité requise à l'encontre du principal accusé Ali Riza Polat

Croquis d'audience montrant les accusés  et leurs avocats, lors de l'ouverture du procès des attentats de janvier 2015, le 2 septembre 2020 à Paris

Croquis d'audience montrant les accusés et leurs avocats, lors de l'ouverture du procès des attentats de janvier 2015, le 2 septembre 2020 à Paris - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

Durant deux jours de réquisition, les avocats généraux ont souligné la "part de responsabilité" des 14 accusés dans le "processus mortifère" d'Amedy Coulibaly et des frères Kouachi, demandant une "réponse ferme et équilibrée".

"La cheville ouvrière, la petite main à l'homme de main, le lieutenant au commandant, de la petite frappe au voyou patenté, du fou de Dieu à l'opportuniste cynique." Après trois mois d’audience, les avocats généraux sont revenus en détail lundi et mardi sur les faits reprochés aux 14 accusés du procès des attentats de janvier 2015.

Demandant une réponse "ferme et équilibrée" et estimant que chacun des accusés avait "sa part de responsabilité" dans le "processus mortifère" qui a conduit aux attentats, les avocats généraux ont requis jusqu’à 30 ans de prison à l'encontre d'Hayat Boumeddiene, la veuve d’Amedy Coulibaly et la réclusion criminelle à perpétuité à l'encontre du principal accusé, Ali Riza Polat.

· Ali Riza Polat

Seul à comparaître pour la complicité de l’ensemble des crimes perpétrés par Amedy Coulibaly et des frères Kouachi, Ali Riza Polat a occupé "une place particulière" dans la procédure. C’est une "personnalité atypique", qui a "régulièrement [été] incapable de respecter les règles de l’audience", "intolérant à la frustration, à la contradiction, débordant de toute part, sans filtre", rappelle l’avocat général Jean-Michel Bourlès.

"Il a voulu se réduire au délinquant couteau-suisse", "masquer sa responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés" mais la réalité est, selon le ministère public, toute autre. Ce Franco-Turc de 35 ans avait "un intérêt pour l’idéologie islamiste et violente" et "connaissait indubitablement la proximité de Coulibaly avec les idées jihadistes." L’enquête a par ailleurs démontré une participation dans la "supervision d’achat de matériels, les contacts opérationnels, la recherche d’appartement – qui servira de base arrière aux attentats, dans la recherche de fonds pour financer les attentats." Bref, Ali Riza est "partout", résume l’avocat général, tandis que sa collègue Julie Holveck a requis la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans.

· La filière de Lille: Ramdani, Makhlouf et Fares

Amar Ramdani, est accusé d’avoir recherché des armes dans le nord de la France pour le compte de son "frère" Coulibaly, avec qui il est en contact constant jusqu’au 6 janvier 2015. Séducteur dans le box, l’accusé n’a cessé de répéter qu’il ne "comprenait pas" les actes de "Dolly", surnom du tueur de Montrouge et de l’Hyper Cacher. Les avocats généraux ont requis une peine de 17 années de prison, assortis d’une peine de sûreté des deux tiers pour association de malfaiteurs terroriste criminelle.

Ancien ambulancier, Saïd Makhlouf ne connaissait pas directement les trois terroristes. L’accusation lui reproche d’avoir transporté des armes qui ont servi aux attentats de Montrouge et de l’Hyper Cacher. Lui reconnaît avoir fait des escroqueries avec son cousin éloigné Amar Ramdani, mais nie avoir participé à un quelconque projet terroriste. 13 années de prison ont été requises à son encontre.

Les magistrats ont demandé l'abandon de la qualification terroriste pour Mohamed Fares, requérant 7 ans de prison, assortie d’une peine de sûreté des deux tiers pour association de malfaiteurs terroriste. "Il existe encore des doutes" sur la connaissance "de la destination des armes" qu'on reproche à Mohamed Fares d'avoir vendues, a reconnu Jean-Michel Bourlès. Durant l’audience, l’accusé a "contesté avec mollesse" les faits reprochés, "comme si c’était les risques du métier", a toutefois déploré sa collègue.

· Nezar Mickaël Pastor

L’ADN de Nezar Mickaël Pastor a été retrouvé sur deux armes retrouvées dans l’appartement de Coulibaly à Gentilly (Val-de-Marne), ainsi que sur un gant retrouvé à l’Hyper Cacher. Son risque de réitération est "majoré" selon l’avocate générale, "il a pris la précaution de cacher les preuves" et "n’a pas eu de reconnaissance des faits, nous a juste dit ce que l’on savait", "ne reconnait pas son engagement idéologique malgré les évidences". Face à cet "authentique sympathisant de la cause", le ministère public a requis une peine de 20 ans de réclusion criminelle "compte tenu de la gravité de ses agissements", avec une peine de sûreté des deux tiers.

· La filière belgo-ardennaise : Karasular, Catino, Martinez et Abbad

Alors qu’Abdelaziz Abbad a déjà été condamné pour meurtre, le "risque de récidive majoré", souligne le ministère public. Il a participé "aux démarches en vue de fournir des armes aux frères Kouachi et Amedy Coulibaly", souligne l’avocate générale qui a requis une peine de prison de 18 ans, assorti d’une peine de sûreté des deux tiers.

Avec 22 mentions à son casier, Miguel Martinez est l'un des accusés avec le plus lourd passif judiciaire. Il nie toujours les faits qui lui sont reprochés, en atteste "l’absence de culpabilité" observée par l’expert. 15 ans de réclusion, assortie d’une peine de sûreté des deux tiers ont été requis à son encontre.

Metin Karasular est le "contre-exemple de l’insertion", a jugé l’avocate générale. "Il nie les faits jusqu’à soutenir l’absurdité", s’indigne-t-elle, le décrivant comme un "opportuniste" prêt à tout pour gagner de l’argent, qui a requis une peine de 15 ans de prison.

Enfin, le ministère public a requis une peine de 15 ans, assorti d’une peine de sûreté des deux tiers de réclusion à l’encontre de Michel Catino.

· Willy Prevost et Christophe Raumel

Concernant Willy Prevost, le ministère public a estimé que "le risque de réitération demeure." Durant les trois mois d’audience, il n’y a eu qu’une reconnaissance "tiède" des faits, déplore l’avocate générale, rappelant "la grande proximité avec Couliblay." "Il est dans le cœur du réacteur", affirme encore Julie Holveck, qui a demandé de le condamner à 18 ans de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté des deux tiers.

Christophe Raumel "a reconnu sa participation son implication très tôt dans l’aspect matériel, mais aussi dans l’intentionnalité", a souligné l’accusation, réclamant une peine de cinq ans d’emprisonnement.

· Les grands absents

L’avocate générale a requis à l’encontre de Mohamed Belhoucine, présumé mort, la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de 22 ans, soulignant son "ancrage idéologique" dans le jihad. A l’encontre de son frère Medhi Belhoucine, également présumé mort en zone irako-syrienne, 20 ans de réclusion ont également été demandés, assortie d’une peine de sûreté des deux. Les deux frères se sont "épanouis durant leur séjour syrien", a-t-elle rappelé.

Enfin, pour Hayat Boumeddiene, la veuve d’Amedy Coulibaly qui a fui en Syrie le 2 janvier 2015, le ministère public a requis une peine de 30 ans de prison, assortie d’une peine de sûreté des deux tiers. La "princesse de l'EI (...) a eu un rôle important dans la préparation des crimes commis par son mari", a estimé Julie Holveck, en insistant sur la radicalisation de la jeune femme. "Elle a fait ses choix en conscience."

Esther Paolini Journaliste BFMTV