Attentat au Rouvray: l'Eglise, cible privilégiée des terroristes?

L'église de Saint-Etienne de Rouvray. - Google StreetView
Alors que l'enquête ne fait que débuter, la prise d'otages meurtrière à Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, rouvre le débat sur la protection des lieux de culte face au terrorisme. Le mode opératoire des preneurs d'otages particulièrement violent - égorgement et tentative d'égorgement sur un autre otage dont le pronostic vital reste engagé - rappelle les exécutions perpétrées par des groupes islamistes radicaux. Des vidéos de décapitations servent en effet régulièrement la propagande de Daesh, qui a revendiqué cette attaque. Contre une petite église de la banlieue de Rouen, cet assassinat délivre le message que les jihadistes peuvent frapper n'importe où, n'importe qui, n'importe quand.
Un genre d'attaque redouté depuis des mois
Ce n'est pas la première fois qu'un lieu de culte chrétien est ciblé par les jihadistes. En avril 2015, un projet d'attentat contre une église catholique de Villejuif avait été fomenté par Sid Ahmed Ghlam, étudiant algérien de 24 ans se revendiquant de Daesh. L'homme, dont les desseins ont été en partie entravés est soupçonné d'avoir voulu frapper plusieurs lieux chrétiens en région parisienne et d'avoir tué Aurélie Châtelain, professeure de fitness.
A plusieurs reprises, l'Etat islamique a encouragé dans ses communications les attaques contre des lieux de culte chrétiens. Dans son magazine en français Dar-al-islam, l'organisation terroriste appelait l'été dernier à viser "les endroits fréquentés, tel que les lieux touristiques, les grandes surfaces, les synagogues, les églises, les loges maçonniques, les permanences des partis politiques". "Le but étant d’installer la peur dans leur cœur", poursuivaient-ils.
Le lieu de culte frappé mardi est situé dans une commune de 27.000 habitants. Contrairement à des établissements religieux plus renommés, il ne bénéficiait pas de la même protection. Si les quelque 700 écoles et synagogues et plus de 1.000 des 2.500 mosquées sont protégées dans le cadre de l'opération Sentinelle, il est plus difficile d'appliquer un même niveau de sécurité à la totalité des 45.000 églises catholiques, auxquelles s'ajoutent 4.000 temples protestants, dont 2.600 évangéliques, et 150 lieux de culte orthodoxes.
Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l'Intérieur, a ainsi rappelé que la protection des églises participait de "dispositifs individualisés en fonction de la configuration des lieux, de l'affluence, de critères touristiques". Quant à un renforcement supplémentaire et général de la sécurité autour de ces lieux, il serait, selon lui, prématuré d'en parler.
La menace jihadiste contre les églises est ancienne
Jacques Di Bona, ancien directeur adjoint de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste et consultant pour BFMTV, rappelle de son côté que ces menaces jihadistes contre des lieux religieux ne sont pas nouvelles et que la coïncidence avec les Journées mondiales de la jeunesse, (grand rassemblement chrétien qui se tient cette année à Cracovie, en Pologne) n'est pas un hasard.
Jean-Paul Rouiller, du Centre genevois d'analyse du terrorisme (GCTAT) fait pour sa part remonter les menaces d'organisations islamistes radicales contre les chrétiens à l'année 2000. A l'époque, des individus "avaient placé une caméra dans un véhicule Renault pour effectuer des repérages sur le marché de Noël de Strasbourg", aux abords de la cathédrale.
Daesh contre "les Croisés"
"Sous l'ère al-Qaïda, la menace contre les églises n'a jamais conduit à des faits sérieux", poursuit-il. Elle va monter d'un cran avec l'avènement de Daesh, explique le spécialiste.
"Avec l'EI (Etat islamique), l'Eglise est très vite devenue une cible. On joue sur la fracture entre les deux religions et appelle à lutter contre les 'Croisés'. Dans le numéro 5 de Dar al Islam (journal de Daesh, ndlr), il est expressément demandé de s'en prendre aux églises, entre autres lieux. (...) L'égorgement d'un prêtre revêt une portée symbolique énorme".
La référence aux temps des croisades chrétiennes s'inscrit à des fins de propagande. Pour l'expert en terrorisme, l'un des buts de Daesh est atteint. Un "réflexe conditionné" s'est installé dans les médias et la population. "On peut établir des catégories - et ce sera très bien fait dans les jours prochains - décrypter tous les processus et les dynamiques qui ont poussé tel ou tel à passer à l'acte, mais la vérité est que tout est possible. Toutes les personnes 'borderline' qui ont décidé de partir en vrille savent qu'ils vont, comme disait Wharol, avoir leur quart d'heure de célébrité".
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