André Bamberski jugé pour le combat de sa vie

André Bamberski a consacré plus de 30 ans de sa vie à faire condamner celui qu'il tient pour le meurtrier de sa fille. - -
Peut-on faire justice soi-même? André Bamberski, 76 ans, encourt cinq ans de prison pour l'enlèvement et la séquestration de Dieter Krombach, 79 ans. Il devra répondre jeudi devant la justice du rapt de Dieter Krombach, organisé le 17 octobre 2009 devant son domicile en Bavière, afin de le livrer à la justice française.
Le Français a reconnu avoir agi pour faire en sorte que l'Allemand soit enfin jugé en France pour sa responsabilité dans la mort en 1982 de Kalinka, fille de Bamberski et belle-fille de Krombach.
"J'étais saturé surtout du point de vue de l'esprit. Pour moi, c'était la seule décision. Je ne me suis pas posé la question de savoir si c'était légal ou pas légal", confie André Bamberski à BFMTV. "Ça devait être fait envers et contre tout, même si je dois faire un peu de prison. Les autorités judicaires et politiques françaises devraient me remercier d'avoir assumé cette arrestation", esime celui qui ne parle pas d'enlèvement, ou de séquestration, mais d'arrestation.
"Une cause juste"
Dans la nuit du 17 au 18 octobre 2009, le médecin allemand avait été retrouvé ligoté, bâillonné et blessé au visage, sous le porche d'un immeuble situé à 200 mètres du tribunal de Mulhouse. André Bamberski avait lui-même prévenu la police, afin qu'elle aille défaire de ses liens le médecin allemand, et qu'elle l'interpelle.
Le père de Kalinka s'était ensuite lui-même rapidement rendu à Mulhouse, où la police n'avait pas eu de mal à l'interpeller pour l'interroger.
Jusqu'à cet épisode, le Dr Krombach vivait libre outre-Rhin malgré le mandat d'arrêt dont il faisait l'objet en France à la suite de sa condamnation par contumace. La justice allemande, de son côté, l'avait définitivement blanchi en 1987 dans cette affaire où il avait reconnu avoir fait de simples injections à Kalinka, pour aider la jeune fille de 14 ans à bronzer.
A la suite de son interpellation à Mulhouse, le Dr Krombach a pu comparaître devant une cour d'assises en France. Il a ainsi été condamné à deux reprises à 15 ans de réclusion criminelle, fin 2011 puis fin 2012, pour violences volontaires aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Sa condamnation est devenue définitive début avril, après le rejet de son pourvoi en cassation.
Lors du dernier procès Krombach, à Créteil en décembre 2012, l'avocat général avait salué le rôle joué par André Bamberski dans cette affaire. "Sans lui, il n'y aurait jamais eu de procès. (...) Il y a eu cet enlèvement, mais la cause est juste", avait-il souligné.
De longues années de traque
André Bamberski a consacré de longues années de sa vie à son combat judiciaire contre Dieter Krombach. L'ancien expert comptable a traqué le meurtrier de sa fille au fil de ses multiples déménagements, se rendant régulièrement en Allemagne pour s'assurer de son adresse. Et réussissant même à convertir à sa cause certains des voisins du médecin allemand.
Il a reçu les équipes de BFMTV dans sa maison de Toulouse où son combat se matérialise par des centaines de dossiers éparpillés dans la maison. Il a raconté la traque pour suivre Dieter Krombach, s'aidant parfois d'un détective privé et diffusant des tracts dans son voisinage. Et quand il a appris en 2009 que son ennemi s'apprêtait à partir au Rwanda, il a décidé d'agir.
"Je ressens de la pitié pour Krombach. Au bout de 32 ans, la haine s'estompe", raconte-t-il aujoud'hui.
Le face-face entre les deux hommes n'aura pas lieu jeudi au tribunal de Mulhouse. Dieter Krombach ne quittera pas la prison de la Santé à Paris pour assister à l'audience en raison de son état de santé.