Affaire Thomassin: une enquête pour enlèvement ouverte pour retrouver l'ancien espoir du cinéma français

Gérald Thomassin, dans le film de Jacques Doillon, "Le premier venu", en 2008. - Pyramide Distribution
Depuis près de deux mois, les proches de Gérald Thomassin sont sans nouvelles de lui. L'ancien espoir du cinéma français, césarisé en 1991 pour son rôle dans Le petit criminel de Jacques Doillon, a disparu le 28 août dernier alors qu'il a pris place dans un train en direction de Lyon où il était convoqué pour une confrontation judiciaire dans le cadre d'une enquête sur un meurtre pour lequel il est mis en examen.
Dans un premier temps, une enquête a été ouverte pour "disparition inquiétante" après le signalement de sa disparition par son ancien beau-frère et colocataire. Le 17 septembre, le parquet de La Rochelle a décidé de requalifier les faits et d'ouvrir une enquête pour "enlèvement", cadre de procédure plus adapté et des moyens d'enquête plus larges, a appris BFMTV confirmant une information du Progrès. Contacté, son avocat n'a pas souhaité réagir.
"Impatient d'aller à Lyon"
Cette disparition le 28 août a rajouté du mystère à une affaire qui dure depuis 11 ans. La veille, Gérald Thomassin quitte la petite ville de Rochefort, en Charente-Maritime, où il réside, à bord d'un train direction Lyon. Il a composté son billet, a salué son colocataire qui l'accompagnait, puis est monté dans le train. Depuis, il n'a pas donné signe de vie et son portable ne sonne plus. "Il était impatient d'aller à Lyon", a assuré son frère Jérôme à RTL. Selon lui, il s'agissait pour Gérald Thomassin de s'expliquer lors de ce rendez-vous judiciaire qui aurait pu l'innocenter.
Le 19 décembre 2008, le corps de Catherine Burgod est découvert au fond du relais communal de La Poste de Montréal-la-Cluse, petite commune de 3500 habitants dans l'Ain. Cette mère de famille de deux enfants et enceinte est morte poignardée de 28 coups de couteau. Entre 1400 et 3000 euros ont disparu. Les premières années de l'enquête ne donnent rien. L'ADN masculin retrouvé sur les lieux du crime n'est pas identifié. A l'époque, Gérald Thomassin vient de jouer pour Jacques Doillon dans Le nouveau venu, après une traversée du désert.
Libéré après deux ans de détention provisoire
C'est aussi en 2008 que son addiction aux drogues est révélée. Il vit en face du relais communal et vient y chercher chaque mois son RSA. Les gendarmes se mettent sur la piste Thomassin. Il est placé en garde à vue une première fois en 2009, puis relâché. En 2013, il est à nouveau interpellé. Les enquêteurs se basent sur une écoute téléphonique entre Gérald Thomassin et son frère. Sous l'emprise de stupéfiants, il s'accable:
"Je vais aller les voir pour leur dire que c'est moi (...) Je ne suis pas coupable, mais comme ça je saurai la vraie histoire (…). Je vais avouer (...)".
Aveu? Parole de drogué? Ou d'un homme soupçonné alors qu'aucun élément de preuve, comme l'ADN par exemple, n'est établi? Gérald Thomassin est mis en examen pour le meurtre de Catherine Burgod. Après deux ans de détention provisoire, il est remis en liberté une première fois en 2015. Puis une deuxième fois en 2016 après avoir été remis en prison pour avoir enlevé son bracelet électronique. Entre temps, un autre homme est inquiété, considéré alors comme le complice de Thomassin, qui clame son innocence.
Un complice
Habitant Montréal-la-Cluse, il s'émeut de la remise en liberté de l'acteur en appelant la gendarmerie. Anthony V. habite la commune et il connaissait Gérald Thomassin. A l'époque des faits, il consommait de l'alcool et des drogues dures. "Ce n'est pas un marginal, insiste Me Gwennhaël de Clercq, son avocat. Il vit depuis des années chez ses parents, une famille dans laquelle il n'y a aucune difficulté." Les gendarmes décident alors de l'entendre.
Après cette audition, un gendarme affirme avoir recueilli, hors procédure, les aveux d'Anthony V. dans lesquels il explique "avoir fait le gué" lors du meurtre de Catherine Burgod. Mais l'intéressé martèle: il n'a jamais tenu de tels propos. Lui est en liberté depuis novembre 2017 sous contrôle judiciaire. La thèse d'un meurtre commis par Thomassin avec la complicité de cet homme est bousculée par l'apparition d'un nouveau suspect dans cette affaire.
Un nouveau suspect
En 2018, contre toute attente, l'ADN d'un homme "matche" avec celui découvert dans le relais communal de La Poste. A cette époque, Mamadou D. est interpellé dans une toute autre affaire. Ses empreintes sont prises et inscrites au FNAEG, fichier national des empreintes génétiques. C'est là que le lien est établi. Cet ambulancier nie toute implication dans la mort de la postière mais reconnait s'être rendu sur les lieux, avoir pris l'argent mais avoir paniqué et s'être enfui quand il a vu le corps. Un élément de preuve "extrêmement lourd" et des contradictions au fil des auditions, assure la défense des deux complices présumés.
"Il était jeune, il a pris l'argent, il n'allait pas s'en vanter", plaide son avocate Me Noachovitch, qui clame l'innocence de son client. En 2015, Gérald Thomassin a été renvoyé aux assises, signifiant qu'il y avait des indices graves et concordants à son encontre. Avant que ce renvoi soit annulé par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon.
Le 29 août, les trois mis en cause devaient se retrouver dans le bureau des juges d'instruction lyonnais en charge de ce dossier. Seulement deux étaient présents, en l'absence de Gérald Thomassin. Mais la rencontre a permis de confirmer un élément: les trois hommes ne pouvaient se connaître. "Ils ne sont pas de la même génération, ils n'ont pas fréquenté la même école, ils n'habitaient pas le même quartier, n'avaient pas d'amis en commun", confirme une source proche du dossier.