Affaire Grégory: qu'est-ce que la stylométrie, cette technique qui pousse les enquêteurs à interroger une nouvelle fois Jacqueline Jacob?

Le corbeau a-t-il été démasqué? Plus de quarante ans après la mort de Grégory Villemin, un garçon de quatre ans retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne (Vosges), la justice a ordonné, ce mercredi 18 juin, un nouvel interrogatoire de Jacqueline Jacob, grand-tante du garçonnet.
Selon les informations de BFMTV, confirmant celles du Parisien, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon s'est basée sur des expertises en "stylométrie" pour ordonner un supplément d'information aux fins de réclamer la mise en examen de Jacqueline Jacob, soupçonnée d'avoir rédigé la lettre de revendication du meurtre.
La "stylométrie", à la différence de la graphologie, se base sur l'analyse du style d'écriture et la syntaxe d'un texte, dans le but d'identifier son auteur. Contrairement à la graphologie, les experts ne vont pas analyser, ici, la forme des lettres, mais plutôt la syntaxe, le vocabulaire, la récurrence des mots.
Espaces, tics de ponctuation, messages vocaux
Chaque détail compte en "stylométrie": les espaces, mais aussi les tics de ponctuation qui pourraient permettre d'identifier l'auteur d'un texte, en l'occurrence les lettres du ou des corbeaux dans l'affaire du petit Grégory.
Contrairement à ce qu'elle peut laisser penser, la "stylométrie" ne se limite pas à l'écrit. Elle permet notamment d'analyser des messages vocaux en recoupant le vocabulaire qui a pu être utilisé par un locuteur à l'écrit. Il s'agit toutefois d'une technique controversée qui, à l'origine, était utilisée pour identifier d'éventuels plagiats en littérature.
Dans le dossier du petit Grégory, la "stylométrie" est arrivée en 2017 après la commande, par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, d'un rapport d'expertise à une société suisse spécialisée dans cette technique.
À l'époque, il s'agissait, selon les informations de BFMTV, de comparer 24 lettres attribuées au corbeau avec les écrits -11 lettres au total- de quatre protagonistes du dossier: Bernard Laroche l'oncle de Grégory, Christine Jacquot la nourrice, Marcel et Jacqueline Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory.
"J'espère que tu mourras de chagrin, le chef"
Parmi les lettres du ou des corbeaux analysées figuraient quatre lettres de menaces très précises: trois ont été reçues par les parents de Grégory avant sa mort, la dernière est la lettre de revendication du meurtre: "J'espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n'est pas l'argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance pauvre con".
Ces lettres ont été comparées à des écrits personnels des quatre protagonistes du dossier. Notamment une lettre d'amour de Bernard Laroche à sa femme, Marie-Ange ou encore une carte postale écrite par Jacqueline Jacob.
Dans un premier rapport rendu à la justice en 2021 et très complexe, les experts écrivaient déjà qu'il y avait une "forte probabilité" que Jacqueline Jacob soit l'autrice de la lettre de revendication du meurtre du petit Grégory.
Toujours selon les experts, il y a une "forte probabilité" que les 24 lettres des corbeaux qu'ils ont analysées proviennent de cinq corbeaux différents. Parmi ces cinq corbeaux, ils ont repéré "un style hautement similaire" à celui utilisé par Jacqueline Jacob, estimant "qu'au moins" sept des 24 courriers analysés portent sa signature. Dont la fameuse lettre de revendication du meurtre.
Pour rappel, Jacqueline Jacob, mise en examen en 2017 avant que la procédure ne soit annulée un an plus tard pour vice de forme, a toujours nié avoir été l'autrice d'une de ces lettres envoyées par le corbeau.