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Tiakola à l'Olympia: derrière le rappeur, le producteur Dawala, homme de l'ombre de Sexion d'Assaut

Dawala

Dawala - Wati B

Il est à l'origine du succès de ce groupe-phare des années 2010. Le producteur Dawala, à la tête du label Wati B, renoue avec le succès grâce à son nouveau poulain.

Un premier Olympia, est toujours un symbole. Ce dimanche, c'est le rappeur Tiakola qui montera pour la première fois sur la scène parisienne, foulée par tant de stars, face à une salle comble. À 23 ans, le jeune artiste a déjà huit ans de carrière et peut compter sur un public fidèle, une notoriété assise... et une direction artistique experte.

Car Tiakola, dont le premier album solo Mélo vient d'être sacré double platine, est le nouveau poulain de Dawala. Un nom qu'on ne présente plus dans le monde du rap français, puisque ce franco-malien de 48 ans est à l'origine de l'un des plus gros coups de ces deux dernières décennies: c'est lui qui a découvert et lancé Sexion d'Assaut, groupe-phare des années 2010, sur son label Wati B.

"Ce label, c'est un centre de formation, comme Clairefontaine", résume le producteur pour BFMTV.com.

"On va trouver des jeunes de quartiers qui ne sont pas au top niveau, on va leur donner des méthodes de travail et les former sur des années." Avec Sexion d'Assaut, Wati B -structure toute jeune à l'époque - a travaillé "huit ans avant de sortir un gros projet". Aujourd'hui séparés, les membres du groupe ont quitté le label; Gims et Black M, deux d'entre eux, comptent aujourd'hui parmi les pointures de la musique urbaine française.

La passion et la débrouille

Le propension de Dawala à user du jargon footballistique ne vient pas de nulle part. Avant de se découvrir une passion pour la musique, c'est le ballon rond qui l'a fait rêver. Né Badiri Diakité en 1974 à Paris, il est parti l'année suivante au Mali où il a passé toute son enfance, pour ne retrouver la capitale française qu'à l'âge de 11 ans.

À la fin des années 1990, il travaille comme éducateur spécialisé et chaperonne des cours de football en salle dans le XIXe arrondissement, près de la porte de Pantin. Avec les jeunes, il enregistre des morceaux. Faisant jouer ses relations, il convoque plusieurs pointures du rap pour mettre sur pied une mixtape, PSG: Pur Son Ghetto:

"Les Maliens, c'est des familles nombreuses", plaisante-t-il. "J'ai des cousins à Evry, Vitry, Sarcelles, d'où viennent la plupart des gros rappeurs."

Oxmo Puccino, Rohff, 113 ou encore Kery James répondent à l'appel, et la carrière de Dawala est lancée. Dans les années qui suivent, il monte Wati B (diminution de "tout le temps" en bambara), défend ses premiers artistes, puis rencontre les membres de Sexion d'Assaut.

À la recherche des "Numéros 10" du rap

Le parallèle entre la trajectoire des chanteurs de Ma direction et celle de Tiakola est saisissant: comme eux, c'est d'abord au sein d'un groupe, 4Keus, que le rappeur a signé avec le label. La formation a publié une poignée de mixtapes et d'albums entre 2017 et 2020, avant qu'il ne tente l'aventure solo.

Si Dawala estime que ce temps au sein du groupe était nécessaire pour polir son talent, son potentiel "se remarquait direct". Car dans la musique, c'est comme sur le terrain:

"Il y a des attaquants, des latéraux, et des numéros 10, comme Zidane", décrit-il en filant la métaphore.

"Un numéro 10, c'est quelqu'un qui fait des refrains, qui distribue. Gims, Dadju (autre star du R&B sortie de la même crèmerie, NDLR), Tiakola... ce sont des gens qui ont un coffre musical, un don."

Figure controversée

S'il continue de louer les talents de ses anciens protégés, leurs rapports se sont considérablement rafraîchis ces dernières années. En 2019, alors que la reformation de la Sexion d'Assaut piétinait, Gims avait accordé une interview à Konbini dans laquelle il accusait Dawala de bloquer leur come-back: "Les fans qui voudraient un retour du groupe doivent envoyer des messages à Dawala. C’est le seul qui est contre ce projet parce qu’il n’y trouve pas son intérêt financier." Black M avait renchéri, et le hashtag #LibèreLaSexionDassaut est lancé.

"À aucun moment je n'ai bloqué un projet qui nous mettrait en lumière, moi et ma structure", balaie-t-il aujourd'hui sans entrer dans les détails. "Avec le travail qu’on a fait depuis plus de dix ans, bloquer des artistes, ce serait incompréhensible et pas très professionnel."

Finalement, le groupe s'est bien retrouvé pour une tournée au printemps dernier. Mais l'album Le Retour des rois, qui devait l'accompagner, n'est jamais sorti: "Ils sont rentrés au studio, ils ont enregistré les morceaux, et on s'est rendu compte que la magie ne fonctionnait plus", explique Dawala. "Et si des artistes ne valident pas des morceaux, moi je ne peux pas les sortir."

"Quand on est dans une famille, et surtout quand il y a de la réussite, il y a souvent des problèmes", conclut-il.

Multi-entrepreneur

Une réussite à laquelle Wati B goûte de nouveau grâce à Tiakola. Car depuis dix ans, ce label détenu à 30% par Sony Music développe des artistes moins grand public. Peut-être le symptôme d'une industrie musicale dans laquelle tout s'est accéléré ces quinze dernières années:

"La consommation a beaucoup changé, on écoute de la musique pour écouter une ambiance musicale. Sexion d'Assaut, c'était des millions d'albums vendus. Des artistes qui font un million aujourd'hui, il n'y en a plus beaucoup."

Pour autant, sa société continue de se développer et de travailler sur ses activités transversales. Si la boutique parisienne de vêtements streetwear a fermé ses portes, "la marque existe toujours", assure-t-il, et s'est redirigée vers l'équipement sportif. De quoi faire le lien avec l'autre activité qu'il a développée, Wati Sport Consulting, qui cultive de jeunes talents sportifs jusqu'à les faire passer professionnels. L'une de ses recrues, Jason Ngouabi, vient de signer au sein du FC Bastia-Borgo après deux ans passés au SM Caen.

"En triangle, comme le Barça"

En parallèle, il a récemment ouvert un complexe sportif à Bamako avec un terrain de foot, une boutique où sont vendus ses vêtements, une sandwicherie et un service d'aide aux devoirs.

"On a trois pôles: la musique, le sport et le textile. C'est un triangle, comme le Barça: avant ils jouaient positionnés en triangle, ce qui faisait que l'adversaire avait du mal à prendre. Nous, quand l'une des activités focntionne, on investit dans les deux autres."

Malgré tout, Dawala reste l'homme derrière Sexion d'Assaut. Un succès qui a fait date, sans doute parce qu'il a opéré une petite révolution dans le rap français en mariant rythmes urbains et sonorités pop. "Je pense qu’on a mené un combat avec la Sexion d’Assaut qui a changé les mentalités", estime aujourd'hui Dawala. Et qui a fait des émules: à l'écoute du rap mélodieux de Tiakola, difficile de ne pas y voir un héritier...

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV