"No Instrument", premier album de Berywam: la revanche des beatboxers français

De gauche à droite: Beatness, Beasty, Wawad et Rythmind, les quatre garçons de Berywam - Boby
Si le groupe Berywam n'a recours à aucun musicien lorsqu'il se retrouve en studio, c'est parce qu'il n'en a pas besoin. Beasty, Beatness, Wawad et Rythmind, les quatre garçons de la formation, n'ont recours qu'à leur bouche pour faire de la musique. Plus que des chanteurs, ce sont des champions de beatbox; une discipline qui consiste à imiter tous les sons, des percussions aux cordes en passant par les sonorités synthétiques, rien qu'avec leur langue et leur voix.
Ce trompe-l'œil auditif prend forme ce vendredi avec leur tout premier album, sobrement intitulé No Instrument (Polydor), porté par les singles Berridim et Give It Up. Ils ont collaboré avec le producteur 20Syl, membre des groupes Hocus Pocus et C2C, pour réaliser un disque qui oscille entre l'anglais et le français en s'attaquant à tous les styles, de la trap au rap en passant par le dancehall ou l'électro, entièrement instrumentalisé avec un beatbox si réaliste qu'on peine à y croire.
Beatbox de longue haleine
La gestation de ce coup d'essai a été longue: le groupe toulousain s'est formé il y a déjà sept ans sur les scènes des compétitions officielles. Depuis, ils ont enchaîné les succès communs et les belles opportunités qui leur ont permis d'emmener cet art encore très confidentiel sous les projecteurs de la scène populaire.
Dans les locaux parisiens d'Universal, où BFMTV.com les a rencontrés à l'occasion de cette sortie, les Berywam parlent de leur discipline comme d'une "drogue", qu'ils consomment depuis leur jeunesse:
"Le vrai virus vient quand tu commences à faire tes premiers rythmes et à sentir que ça sonne bien", explique Beasty. Tu te vois progresser, progresser, et tu ne lâches plus. Tu regardes les vidéos sur internet, tu décortiques les sons et tu rentres en transe. De vrais geeks." Avant même que ne commence l'entretien, certains s'étaient mis à beatboxer dans l'ascenseur. "On ne s'en était même pas rendu compte", rigole Wawad. "Ça devient un tic."
Stars du secteur
Un tic qui leur a permis, peu à peu, de sortir de l'ombre. D'abord au sein de leur milieu, en étant sacrés champions du monde de beatbox en 2018 à Berlin, puis face au grand public. Après un premier éclat sur la scène d'un télé-crochet italien en 2017, les quatre garçons sont repérés par la production de l'émission Incroyable Talent et entrent dans le circuit: ils concourent dans la version française mais aussi allemande, saoudienne ou encore américaine.
"Une belle vitrine", reconnaissent-ils aujourd'hui. Cela leur a permis de faire la connaissance d'un public international qui les a souvent accueillis à bras ouverts. Les fans asiatiques ont été particulièrement chaleureux, leur permettant de se faire un nom et de se produire dans des pays aussi reculés que le Vietnam, la Thaïlande ou l'Indonésie:
"En Asie, le beatbox est très réputé, de même que la culture hip-hop en général", explique Beasty. "Les beatboxers ou les danseurs de breakdance passent à la télé, ils sont exposés tout le temps... on le voit même au travers de messages qu'on reçoit: beaucoup viennent de Corée."
Cette popularité les a menés à juger le championnat asiatique de beatbox en 2019, à Taïwan. "Quand on s'est produit, c'était l'une des meilleures ambiances qu'on a connues de notre vie", se souviennent-ils. "On jouait nos propres morceaux et le public était fou, totalement enragé, ça partait en pogo... on n'avait jamais vu une ambiance pareille."
Une communauté encore confidentielle
L'occasion de souligner un retard français: "Je trouve que ce n'est pas assez reconnu", lâche Beatness, avant que Beasty ajoute: "En France, le beatbox va être reconnu dans le cadre des reprises. Si on reprend un morceau de Michael Jackson, et qu'on y accole l'étiquette performance. Mais l'idée que le beatbox est un instrument reste à développer auprès du public."
"La communauté existe, mais c'est très niche, alors qu'on a les meilleurs beatboxers", poursuivent-ils. "À l'inverse, il y a de grosses communautés en Asie mais ils ne sont pas tant représentés que ça dans les compétitions internationales. Mais c'est peut-être justement ce côté underground qui nous a donné la niaque."
De fait, leur No Instrument a un goût d'inédit. Aux États-Unis, le groupe Pentatonix a rencontré le succès en chantant a capella, avec des éléments de beatbox. En France, la voie a été ouverte par des groupes tels que les Saïan Supa Crew, qui ont introduit beaucoup d'éléments vocaux dans leurs compositions, ou les Under Kontrol, qui ont sorti un disque de beatbox en 2009. Mais c'est sans doute la première fois qu'un album de musiques originales entièrement beatboxées est édité par une major dans l'Hexagone.
Le coup de pouce du web
S'ils ne peuvent pas rencontrer leurs fans par les canaux traditionnels, ils le font sur internet. En créant un compte TikTok au début de la pandémie pour maintenir le lien avec le public, ils ont vu leur popularité exploser. Leurs vidéos dans lesquelles ils allient beatbox et humour sont aujourd'hui consultées par plus de 11 millions d'abonnés, qui les ont suivis sur les autres plateformes.
Ils s'y prêtent également au jeu des reprises, qui leur ont parfois valu de belles mises en lumière. Notamment lorsque Shakira a tellement apprécié leur version de son titre Girl Like Me qu'elle l'a partagée avec ses 72 millions d'abonnés Instagram. Ou bien le coup de pouce de Shaggy, qui a accepté de collaborer avec eux après avoir vu leur reprise bluffante de It Wasn't Me.
Un autre soutien a été déterminant dans leur trajectoire: celui de Bigflo et Oli, stars ultra-populaires du rap français, qui les accompagnent depuis leurs débuts:
"Ils ont vraiment adhéré au projet et nous ont directement aidés", explique Wawad, qui les a rencontrés il y a une douzaine d'années "sur de petites scènes locales", avant le succès des uns et des autres. "Ils nous ont offert des premières parties, ça nous a permis de rencontrer plein de monde. Ils nous ont vraiment propulsés."
Un privilège qui leur a notamment permis d'occuper les scènes de la Paris La Défense Arena et du Stadium de Toulouse, face à des dizaines de milliers de personnes. Désormais, c'est eux que le public vient voir: ils ont assuré leur propre Olympia en mars dernier. "Et on se focus sur la suite", assurent-ils.