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"Humiliation", "menaces"... Flore Benguigui, ex-chanteuse de L'Impératrice, accuse le groupe de violences psychologiques

Flore Benguigui avec L'Impératrice à Coachella le 12 avril 2024

Flore Benguigui avec L'Impératrice à Coachella le 12 avril 2024 - Amy Sussman / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Après son départ de L'Impératrice, la chanteuse Flore Benguigui accuse le groupe de pression et d'humiliations et dénonce le sexisme dans l'industrie de la musique.

Pendant près d'une décennie, elle était le visage de L'Impératrice. Flore Benguigui le sera restée jusqu'en septembre dernier et l'annonce de son départ du groupe aux trois millions d'écoutes par mois sur Spotify. "Pour d'autres horizons", était-il affirmé officiellement à l'époque.

"Quitter ce projet dans lequel j'ai mis toute mon âme et mon énergie pendant 9 ans est en effet la seule façon de protéger ma santé, physique et mentale, qui a été sérieusement mise à mal ces dernières années", écrivait Flore Benguigui en septembre sur Instagram pour justifier son retrait du projet.

Aujourd'hui, Flore Benguigui raconte, dans une interview filmée à Médiapart, le calvaire qu'elle affirme avoir vécu aux côtés des cinq hommes qui forment toujours L'Impératrice, dénonce des violences psychologiques, des humiliations et autres pressions, ainsi que le sexisme ordinaire qui gangrène l'industrie musicale.

"On m'a toujours répété que j'étais une mauvaise chanteuse, que je chantais faux, pas assez fort", commence la chanteuse dans son entretien à Médiapart.

"Pendant les 9 années que j'ai passées avec eux, c'était toujours la voix qui passait en dernier. Donc je devais m'adapter tout le temps", ajoute-t-elle, racontant avoir été forcée à "prendre des cours d'à peu près tout." Elle ajoute: "J'ai perdu toute confiance en moi dans tous les domaines qui sont censés faire partie de mon métier."

"Je méritais qu'on me rabaisse"

"J'en suis arrivée à un point où je me disais que je ne méritais pas d'être là, que je ne méritais pas le succès de L'Impératrice, de faire toutes ces tournées dans le monde entier et qu'à l'inverse, je méritais d'être traitée comme ça. Je méritais d'être traitée comme ça, qu'on me rabaisse. Pour moi, c'était normal d'être maltraitée, malheureuse."

De peur d'être "virée", Flore Benguigui raconte avoir voulu se rendre "indispensable" à la vie du groupe, quitte à "laver et repasser les tenues de scène." "Ça me permettait de garder ma place", résume la chanteuse, qui raconte que le groupe contrôlait jusqu'à ses réseaux sociaux et ses interventions sur scène.

Dans son interview à Médiapart, l'artiste accuse également certains membres du groupe de comportements déplacés, alternant entre "love bombing", avec "beaucoup de cadeaux", et humiliations, voire "menaces physiques". "Ils pouvaient me hurler dessus devant les autres membres du groupe (...) Une fois, un des membres du groupe s'est montré physiquement menaçant envers moi et ça a failli aller assez loin."

"J'étais complètement sous emprise", résume la chanteuse.

Jusqu'à perdre sa voix

Mais Flore Benguigui va plus loin et raconte que ces années d'isolement lui ont valu de perdre son principal outil de travail: sa voix. Pendant un an et demi, la chanteuse passe des examens médicaux et doit se cacher derrière des voix enregistrées pour assurer les concerts. "Une humiliation énorme", pour une artiste.

"J'étais en dépression, sous anxiolytiques et j'essayais de sauver la face parce que je ne voulais pas que ça se sache (...) c'était ma hantise que le public découvre que j'étais une imposture gigantesque", raconte Flore Benguigui, ajoutant qu'il n'y "a eu aucune remise en question de la part du groupe."

À cette pression s'ajoute celle du calendrier du groupe, qui doit, après l'album Tako Tsubo paru en 2021, enchaîner avec un autre, accompagné d'une nouvelle tournée.

"C'était l'argent qui guidait tout le processus créatif", explique-t-elle, en participant à la réalisation d'un nouveau disque, Pulsar, paru le 7 juin 2024.

"Beaucoup de textes parlent, de façon à peine déguisée, de mon état", commente Flore Benguigui, évoquant notamment le titre de l'album, qui renvoie à "l'étoile morte qui brille encore." "C'était exactement ce que j'ai vécu pendant des années", résume l'artiste.

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Alors en septembre dernier, elle annonce sur les réseaux sociaux son départ de L'Impératrice. "Si je ne partais pas avant la fin de l'été, je ne sais pas comment j'aurais pu survivre", se souvient-elle.

L'Impératrice "découvre la gravité des faits partagés"

En réponse à l'entretien de Flore Benguigui, les membres du groupe L'Impératrice, qui ont trouvé depuis une autre chanteuse, affirment à Médiapart qu'ils "découvrent la gravité des faits et des ressentis partagés" par l'artiste. S'ils se disent "tristes de cette situation" et conscients de "ce que le groupe lui doit", ils martèlent que "les situations décrites par Flore [Benguigui] ne correspondent pas à la réalité des faits."

"Si l’investissement et l’attention que nous lui avons apportés n’ont pas suffi, nous ne pouvons que le regretter, concluent les musiciens. En tout cas, nous lui souhaitons tout le meilleur pour la suite."

L'Impératrice, connu à l'international et écouté par quelque trois millions d'auditeurs par mois sur Spotify, est actuellement en pleine tournée en France et à l'étranger, jusqu'à l'été 2025.

Lucie Valais Journaliste BFMTV