Avec "Man's Best Friend", Sabrina Carpenter livre un septième album tiède et sans saveur

Sabrina Carpenter, dans son clip "Manchild". - Polydor
Man's Best Friend, c'est d'abord l'histoire d'une controverse. Un an tout juste après Short n' Sweet, le septième album studio de Sabrina Carpenter, annoncé un matin de juin, avait créé la surprise…avant de susciter la polémique. La couverture présentait l'artiste de 26 ans à quatre pattes, l'expression hagarde et les cheveux tirés par un homme dont on ne voyait pas le visage. Un cliché qui avait relancé le débat sur l'hypersexualisation des artistes féminines - imagerie rétrograde banalisant les violences domestiques ou pied de nez émancipateur au patriarcat?

Les attentes sur cette compilation, sortie ce vendredi 29 août, étaient forcément immenses. Une pochette provocatrice renfermerait-t-elle des titres aussi explosifs ? La collaboration avec Jack Antonoff - faiseur de tubes de Lana Del Rey, Taylor Swift ou encore Kendrick Lamar - garantirait-elle des claques musicales à chaque piste ? Hélas, il n'en est rien.
Sabrina Carpenter livre un album dansant, divertissant même, mais ô combien sans éclat. Prévisible comme tout et très loin de la fraîcheur de son Short n' Sweet, sorti un an plus tôt, et porté par des succès flagrants comme Espresso ou Please Please Please.
Quelques pépites
Douze titres durant, l'autrice-compositrice brode sur son créneau fétiche - ses relations avec les hommes, sa vision sarcastique du couple et de la masculinité, et des histoires d'amour qui, cette fois, finissent mal. Si le disque aux sonorités pop, disco et country se pare d'une amertume nouvelle - sans tomber dans la noirceur - il demeure l'impression, presque mécanique, que l'artiste donne au public ce qu'il souhaite, sans aucune authenticité ni réflexion politique. Une sexualité hétéronormée et libérale, tout juste calibrée pour faire parler d'elle.
Signature de Carpenter, nombreuses sont les chansons qui distillent quelques touches d'humour pour ne pas dire d'espièglerie. À l'instar de Manchild, single qui ouvre et porte l'album, avec ses synthés pop usées mais efficaces - dans lequel la chanteuse reproche à un homme, son immaturité.
Ou encore Tears, qui détaille son excitation grandissante face à un amant qui assume des tâches ménagères - quoi de plus attirant que laver des assiettes et monter une armoire Ikea, il est vrai. L'intérêt de cette chanson s'arrête malheureusement là - le morceau vaguement disco paraît déjà entendu, à commencer par l'accroche, une pastiche au désormais éculé Yes Sir, I Can Boogie de Baccara.
Les badineries et les moqueries laissent aussi place à des chansons de rupture - voire de revanche. Difficile de ne pas penser à Barry Keoghan, dernière relation connue de l'artiste dans Never Getting Laid. Dans cette chanson, Sabrina Carpenter souhaite, à son ex, "une vie pleine de bonheur / Et une éternité sans jamais (se) faire baiser". Un titre réussi, soutenu par des synthés doux et glacés peu entendus jusqu'ici dans le répertoire de l'artiste.
Le très rythmé House Tour - dans lequel l'icône pin-up invite un homme dans sa chambre - surprend avec ses percussions et sa rythmique à la Michael Jackson. Ces deux compositions sont - malheureusement - les seules pépites de l'album. Des titres bien moins attendus que les sons mielleux comme We Almost Broke Up Again Last Night ou Don't Worry I'll Make You Worry.
Disco et country fades
Du reste, n'est pas ABBA ou Dolly Parton, qui veut. Sabrina Carpenter rend hommage à ses idoles sans pouvoir en supporter la comparaison. Comme Go Go Juice - itinéraire d'une femme dans un bar après sa rupture - qui verse dans la country pop sans grande imagination. Dans ce registre, on préfère encore la renaissance de la country queer par Chappell Roan avec son titre The Giver.
Goodbye aussi ne dépasse - inévitablement - pas l'ombre d'ABBA et des génies Benny Andersson et Björn Ulvaeus (la chanteuse en est d'ailleurs tellement fan qu'elle a d'ailleurs nommé ses deux chats en hommage aux deux compositeurs du groupe suédois). Dans cette chanson, qui clôt l'album, Sabrina Carpenter dit adieu à son ex : "Au revoir signifie que tu me perds pour toujours".
Avec Man's best friend, Sabrina Carpenter nous perdrait-elle pour toujours ? Après ces douze titres inégaux - pour ne pas dire décevants -, on a plus envie de dire "à bientôt, peut-être" qu'"adieu". Avec l'envie de retrouver la vivacité de Short n' Sweet, et nos amours d'autrefois.