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Michel Boujenah: "Quand je vois les gens rire, j'ai l'impression de servir à quelque chose"

Le comédien Michel Boujenah.

Le comédien Michel Boujenah. - Renaud Corlouer

ENTRETIEN - Michel Boujenah est de retour à la Gaîté-Montparnasse à Paris avec Ma vie (encore plus) rêvée. Un seul en scène émouvant, drôle et parfois grave.

Sa madeleine à lui, c'est un beignet à l'huile. Michel Boujenah revient sur la scène du Théâtre de la Gaîté-Montparnasse avec un spectacle déjà étrenné en 2013, Ma vie rêvée devenu, après un petit lifting Ma vie (encore plus) rêvée. Il y est toujours entouré de ses personnages fétiches, comme Simone Boutboul, l'archétype de la mère juive.

On y retrouve une bonne partie de la famille Boutboul: la tante qui analyse son psy, le cousin qui a perdu l'accent. Il y a aussi un petit garçon aux questions métaphysiques et Brigitte, la copine de mai 68, aux nichons formidables. Et puis Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Kim Jong Un. Un seul en scène émaillé de fou-rires avec le public, de moments tendres et d'autres plus graves.

Nous avons rencontré Michel Boujenah dans un bar du VIIe arrondissement de Paris où il a ses habitudes, attablé devant un café, des tartines et une assiette de saucisson.

Depuis 1980 et votre premier spectacle, Albert, vous avez peu quitté les planches...

La scène, c'est toute ma vie. C'est ma source, c'est là où je suis né. C'est l'endroit où j'ai passé le plus de temps de toute ma vie, j'ai calculé. Plus qu'au lit ou à la maison. Quand je vois les gens rire ou bouleversés, j'ai l'impression de servir à quelque chose. C'est là qu'est ma place, c'est chez moi et vous êtes tous chez moi et je vais vous faire rentrer dans mon rêve.

Pourquoi vous y aventurez-vous aussi sur le terrain politique?

La fonction des artistes, ce n'est pas d'échapper au monde mais de le voir autrement. La question n'est pas de ne pas parler de choses qui font mal. Mais le fait d'en parler, ça fait du bien, et surtout d'en rire. Quand je me moque de Marine Le Pen, on sent un soulagement dans la salle. Ca leur fait du bien et à moi aussi. Il y a un côté exutoire pour nous tous.

Avez-vous toujours autant "joué" avec le public que vous le faites aujourd'hui?

Non. Mon premier spectacle, il faisait 1h15, il ne faisait pas 1h15 et 20 secondes. Chaque geste, chaque position de tête, de pieds, tout était calculé. Là aussi, c'est très très précis, mais ça ne se voit pas. C'est magique le théâtre pour ça, de rendre la représentation unique: 'ce soir ce n'est que pour vous'. Le théâtre c'est ça, même si vous jouez le même texte. 

"J'ai pas envie de me retrouver avec le FN dans 5 ans"

Quel est le rôle de ces apartés avec les spectateurs?

Les apartés avec le public, cela rend le spectacle unique. Même si vous jouez un texte écrit, ce sera différent tous les soirs. Hier, il y avait un mec, c'était surréaliste la chemise qu'il avait. En plus il était gros donc il y avait du tissu. Il était magnifique, j'étais mort de rire, lui aussi. On était très contents, tous, qu'il ait mis cette chemise. Mais ce n'est pas gratuit. Ca créé un lien de complicité et de tendresse entre le public et le spectacle qui fait que tout est possible. Et à la fin, quand je parle des attentats et de la mort, on est ensemble. Le secret c'est de faire sauter la complaisance par le rire.

Pourquoi dîtes-vous dans votre spectacle qu'on est "dans la merde"?

Il y a 7 millions de gens qui vivent avec moins de 700 euros par mois en France. On traverse une crise, on attend tous la reprise. On a envie que Macron, il gagne. J'ai envie que le pays aille mieux. J'ai envie qu'on aille tous mieux, qu'il y ait du boulot pour tout le monde. J'ai pas envie de me retrouver avec le Front national dans 5 ans.
La démocratie, ça se protège, il faut être tout le temps vigilant. C'est l'effort de tous tout le temps. Je comprends que quand on est perdu et qu'on ne croit plus à nos hommes politiques et qu'il y a une inflation idéologique comme ça, je comprends tout à fait qu'on aille vers les charlatans. C'est comme la maladie. Si vous êtes malade et que vous voyez tous les médecins du monde et que ça ne marche pas. Si vous tombez sur un type qui est plus ou moins un guérisseur, qui va vous donner l'impression que vous allez mieux, ça va devenir votre dieu.

Pour quelles raisons parlez-vous de Cyril Hanouna dans votre spectacle?

C'est une autre planète pour moi. Je n'ai pas très bien compris ce qu'il fait. J'y suis allé une fois, mais je n'ai pas compris ce que je foutais là, j'étais totalement décalé. Le fait que ça marche ne doit pas être le seul argument qui justifie l'existence de ça. Il y avait un type qui disait: 'Quel est le coupable, celui vend la drogue, ou celui qui la consomme?".

"Je suis allé une fois chez Hanouna, je n'ai pas compris ce que je foutais là"

Votre vie rêvée dans le spectacle est-elle proche de votre vie?

Il y a des choses qui sont vraies dans le spectacle, mais je ne peux pas dire que c'est vrai. Jusqu'à 16 ans, j'ai eu un terrible zézaiement. Je dis dans le spectacle que ce n'est pas vrai. C'est ma pudeur, c'est le masque. J'ai besoin de mes masques, de mes personnages. J'adore faire de ma vie une fiction. Comme ça, j'ai l'impression que ma vie est une grande aventure.

Etes-vous une mère juive?

Oui. Il y a une blague qui dit: 'Vous savez ce que c'est un père juif? C'est une mère normale'. En ce moment, je dors très mal, parce que je me suis trompé dans l'inscription à la fac de mon fils.

Avez-vous des projets au cinéma?

Oui, j'écris un scénario. C'est l'histoire de deux frères. Ce n'est pas la suite de Père et fils. Ce sont deux frères qui sont fâchés à mort, et qui ne sont pas vus depuis 10 ans. L'aîné est parti à la mort du père à Katmandou et il revient. On va découvrir qu'il n'était pas du tout parti à Katmandou, qu'il était le seul à savoir quelque chose sur le père. Il a gardé le secret pour protéger les autres. C'est un film sur le sacrifice au fond. Mais c'est drôle.

michel boujenah - ma vie encore plus rêvée

Théâtre de la Gaîté-Montparnasse, 26, rue de la Gaîté, 75014 Paris

Du mardi au samedi à 21h, matinée le dimanche à 15h.

Magali Rangin