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L'auteur de BD Lewis Trondheim rend sa médaille de chevalier pour dénoncer l'inaction du ministère de la Culture

Lewis Trondheim en train de rendra sa médaille de chevalier des arts et des lettres

Lewis Trondheim en train de rendra sa médaille de chevalier des arts et des lettres - Lewis Trondheim

Le dessinateur a décidé de rendre sa médaille de chevalier des Arts et des Lettres pour dénoncer l'inaction du ministère de la Culture face à la situation précaire des artistes-auteurs. Il nous explique sa démarche.

L'auteur de BD Lewis Trondheim, Grand Prix 2006 du Festival d'Angoulême, a pris la décision de rendre sa médaille de chevalier des Arts et des Lettres reçue en 2005 pour dénoncer l'inaction du ministère de la Culture face à la situation précaire des artistes-auteurs. "Le ministère de la Culture n'est pas mon ministère. Les auteurs sont saignés à blancs par ce gouvernement", indique le dessinateur dans une vidéo publiée ce mardi sur YouTube, où il fait mine de se taillader les veines avant de répandre de l'encre rouge sur sa médaille.

Un geste symbolique immédiatement soutenu par les auteurs, et la Ligue des auteurs professionnels, et sa présidente Samantha Bailly, qui a décidé cette semaine de quitter son poste, "écœurée", par l'enterrement du rapport Racine, texte salué par la profession, et qui devait sauver les métiers de la création en France. Lewis Trondheim souligne de son côté le manque de légitimité de la ministre: "Ce n'est pas une ministre de la Culture, mais quelqu'un qui faisait des blagues de cul aux Grosses Têtes", dénonce Lewis Trondheim, contacté ce mercredi matin par BFMTV.

"On risque de mourir"

Le créateur des Formidables Aventures de Lapinot dit n'avoir "aucun espoir" avec sa vidéo: "Je l'ai fait pour moi, pour me dire que j'avais fait quelque chose", précise-t-il. "Je ne pense pas qu'elle changera la donne, sauf si derrière des auteurs rendent aussi leur médaille. Si tout d'un coup 1.000, 2.000, 5.000 auteurs rendent leur médaille en mettant du rouge dessus, ça peut donner quelque chose."

Lewis Trondheim est cependant "très étonné" de l'engouement suscité par sa vidéo: "Il y a plein d'auteurs qui m'ont remercié d'avoir fait ça. Je ne suis pas Bilal ou Joann Sfar qui fait des films. Si Bilal le faisait, ce serait plus intéressant. Quelle légitimité j'avais? Ce n'était pas évident." La légitimité, il l'a pourtant. Trondheim a fait partie avec Jul et Denis Bajram du groupe de dessinateurs à avoir déjeuné avec le président Emmanuel Macron lors du Festival d'Angoulême 2020:

"C'est pour ça que ça m'enrage encore plus, d'avoir passé du temps, d'avoir cru", grogne le dessinateur. "De ce que j'ai vu du déjeuner, ils avaient compris tout à fait la légitimité de notre demande. Ils connaissaient le dossier. Ils étaient tout à fait d'accord avec nous. Puis, derrière, il y a eu le travail de sape du syndicat national de l'édition, des sociétés d'auteurs (la SACD, la société des gens de lettres), qui ne représentent pas les auteurs, mais les droits d'auteur. On est là, on essaye de bien faire les choses, et on n'obtient rien."

Pour l'avenir, Lewis Trondheim se montre plutôt pessimiste: "Je pense que le gouvernement ne fera rien, dans la mesure où il y a les élections présidentielles l'année prochaine. Ils ne vont pas bouger. Ils vont passer la patate chaude aux suivants, qui ne feront rien de plus. Comme je dis dans la vidéo, on ne peut pas bloquer la France sur les autoroutes. Les auteurs n'ont pas de capacité de nuisance. La seule chose qu'on a, c'est notre capacité à avoir des idées et à agir comme des abeilles en piquant chacun un petit peu. Mais on risque juste de laisser notre dard dedans et de mourir comme Samantha Bailly ou Denis Bajram, qui ont tout donné pour un résultat nul jusqu'à présent."

La fronde des auteurs se durcit depuis quelques mois. Plus de 770 auteurs et autrices de BD - parmi lesquels des stars comme Marion Montaigne, Fabcaro et Boulet, des Grands Prix d'Angoulême comme André Juillard et Cosey et de jeunes talents prometteurs comme Timothé Le Boucher - doivent boycotter le festival d'Angoulême en juin prochain en signe de protestation contre l'enterrement du rapport Racine.

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV