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Trois ans après son César, Alex Lutz continu de surprendre avec "Vortex" et "A l'ombre des filles"

Alex Lutz et Françoise Lebrun dans "Vortex" de Gaspar Noé

Alex Lutz et Françoise Lebrun dans "Vortex" de Gaspar Noé - Wild Bunch

Le comédien, césarisé en 2019 pour "Guy", est à l'affiche ce mercredi 13 avril de deux films, "A l'ombre des filles" et "Vortex". Deux films où il dévoile une nouvelle facette de sa personnalité.

Comédien versatile, aussi à l'aise sur scène qu'à la télévision et au cinéma, Alex Lutz est ce mercredi à l'affiche de deux films aux univers très différents, où il incarne deux hommes en pleine crise existentielle. Dans A l'ombre des filles, d'Etienne Comar, il est un chanteur lyrique qui retrouve goût à la vie en animant une chorale dans une prison. Dans Vortex, il incarne le fils impuissant d'un couple basculant progressivement dans la démence.

"Je ne suis pas mécontent [qu'ils sortent le même jour]. Ils sont à la fois très opposés et très complémentaires", analyse pour BFMTV l'acteur. "Ce sont deux films où la question du fonctionnement, ou du dysfonctionnement familial se pose. La question de la filiation se pose aussi, ainsi que celle du deuil, du temps, de ce qu'on a fait correctement ou pas dans notre vie."

Longtemps habitué aux comédies grand public (OSS 117, Turf, Les Aventures de Spirou et Fantasio), Alex Lutz semble avoir changé de registre depuis son César du meilleur acteur. Cette récompense glanée pour Guy en 2019 lui a permis de décrocher des rôles plus dramatiques, comme 5eme Set (2020). Le regard des gens de la profession a changé: "Ça a permis d'intriguer davantage." C'est d'ailleurs Guy qui a incité Gaspar Noé à lui proposer Vortex: "Il avait adoré le film. Il aimait que je sache improviser. C'est sa façon de travailler sur ses films."

Depuis le succès de Guy, Alex Lutz reçoit "raisonnablement" des propositions. "J'en ai, mais je n'ai pas la boîte à lettres qui dégueule de projets toutes les cinq minutes." Il a aussi la chance d'être sur scène, où il défend actuellement son spectacle Alex Lutz: triomphe!, et de pouvoir choisir avec attention ses rôles. "Vous n'acceptez pas tout au prétexte de recevoir plusieurs propositions."

"Immersif"

Il ne s'est pas trompé avec Vortex et A l'ombre des filles, deux films hypnotiques. Impossible de détourner le regard devant ces films, grâce à des dispositifs formels très immersifs. Le premier use du split screen (procédé qui consiste à diviser l'écran en deux), pour accentuer la lente décrépitude d'un couple âgé touché par la maladie d'Alzheimer. Le second emploie le format carré 1:1, pour renforcer l'enfermement vécu par les personnages.

"On est happé", confirme le comédien. "La caméra a quelque chose de presque documentaire [dans ces films]. C'est maintenant presque nécessaire au cinéma. On est tous accompagnés par des petites caméras portatives [avec nos smartphones]. Je pense que ça infuse la grammaire de l'image au cinéma. Prenez Bac Nord, un des grands succès populaires de la saison dernière. On y retrouve ce côté immersif."

Vortex, en particulier, offre une plongée vertigineuse dans la fin de vie, que Gaspar Noé fait vivre presque en temps réel. "On a souvent reproché à Gaspar d'être impoli avec la forme [du cinéma], mais en fait il l'honore. Quand le père se casse la figure et respire pendant des heures au sol, n'importe qui aurait enlevé 35 secondes. Et lui, non. Et encore, il nous l'offre que pendant 2h20. Normalement, c'est un mois, quatre mois, dix-huit mois. Ça veut dire qu'il est quand même très poli avec la forme, et très elliptique."

Un personnage qui s'efface

Avec ces rôles plus exigeants, un nouveau Alex Lutz se dévoile à l'écran. Dans Vortex comme dans A l'ombre des filles, cet acteur connu pour son goût du travestissement s'efface complètement derrière ses personnages, et ce sans exubérance, comme il l'avait fait précédemment dans Catherine et Liliane et Guy. "Guy était un personnage bien moins faste qu'on pourrait le croire", rectifie l'acteur, avant de concéder: "Mais il l'est un peu, parce que c'est un rôle de composition, que j'ai quarante berges et que je faisais un mec de 74 ans."

On retrouve cette tendance à l'effacement dans sa manière de jouer et dans sa voix, qui reste douce dans les deux films, même lorsqu'il doit s'énerver. "Dans le film de Gaspar, c'est un personnage qui s'efface face à son père. Pour le film d'Etienne, je voulais que ce chanteur lyrique ait une voix presque protégée, comme un instrument qu'il a appris à tenir, même dans la colère ou dans l'affrontement."

Vortex et A l'ombre des filles, tournés pendant la pandémie, lui ont permis de tenir au cours de cette période particulière. "Je n'ai pas traversé le confinement en totale facilité. Je l'ai trouvé complexe. Ça me questionnait sur plein de choses. Pour les jeunes aussi. J'ai trouvé que c'était une période surtout difficile pour eux. Injuste et difficile."

Vortex et A l'ombre des filles, qui abordent tous les deux la question du deuil, ont une valeur cathartique. Un sujet qui semble obséder Alex Lutz. Son dernier projet en date, Jour 37, actuellement en post-production, évoquera aussi ce motif. "Dans des périodes comme celle que l'on traverse, c'est intéressant d'avoir ces propositions. C'est intéressant d'explorer ce qui résonne en nous tous actuellement."

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV