"Pas drôle", "raté": pourquoi la comédie "Papamobile", avec Kad Merad, n'est sortie que dans 7 salles

Comment éviter un bide de justesse? Faire profil bas, s'épargner toute promo, concocter une bande-annonce express, programmer le film à la mi-août, lorsque les spectateurs désertent généralement le plus les cinémas, et choisir une sortie plus que minimale (ce qu'on appelle une "sortie technique" dans le milieu).
C'est en tout cas la stratégie employée par l'équipe de production et de distribution de Papamobile de Sylvain Estibal. La comédie, avec le pourtant très populaire Kad Merad dans le rôle d'un pape frauduleux enlevé par un cartel mexicain, est sortie ce 13 août dans sept petites salles (Avignon, Bagnoles-de-l’Orne, Saverne, Douvaine, Évian-les-Bains et Romans-sur-Isère). Aucune métropole donc, ni de commune en Île-de-France.
En cause? Un film jugé "raté" par son producteur Jean Bréhat (Tessalit Productions, qui a par le passé accompagné des longs-métrages comme L'Empire, La Vérité ou Ma Loute), dont les propos ont été relayés dans Le Canard Enchaîné.
"C’est une comédie pas drôle, selon la plupart de ceux qui l’ont vue. Ça arrive dans le métier", assure-t-il.
Limiter la casse
Même son de cloche du côté des distributeurs. "Le premier montage en 2024 n’était pas satisfaisant, témoigne Violaine Barbaroux, qui pilote The Jokers Films (qui a récemment distribué les jolis Zion, Le Procès du chien ou Le Livre des solutions) dans Le Parisien. Puis le montage définitif s’est révélé décevant, pas seulement pour nous, et pas à la hauteur du scénario, du réalisateur, de ses acteurs et des promesses associées."
The Jokers Films a même souhaité, un temps, se débarrasser purement et simplement de la comédie en la proposant en mai à de potentiels nouveaux acheteurs lors du Marché du film cannois. Hélas. Là encore, elle n'a convaincu personne. Le distributeur, qui avait déjà déboursé environ 80.000 euros pour acheter le scénario, a donc fini par accepter de se charger de sa promotion, en créant une affiche et une bande-annonce d'une trentaine de secondes (ce qui est très peu), mais pas plus.
Anticipant un tollé notoire, la société a donc fait le service minimum en sortant le film sur un très faible nombre de salles (juste ce qu'il faut pour satisfaire les obligations du CNC) et en s'épargnant tout marketing, ou presque. Les frais de sortie habituels pour ce genre de films lui auraient coûté plus de 200.000 euros, apprend-on dans Le Canard Enchaîné. Une manière, donc, de limiter à tout prix les frais et les dégâts.
"Voyage absurde dans notre époque"
Une stratégie que déplore vertement son réalisateur Sylvain Estibal, auréolé du César du meilleur premier film en 2011 pour Le Cochon de Gaza. "[Certains spectateurs] ont jugé le film hors normes, fou, amusant, et ne comprennent pas que sa sortie soit ainsi sabordée", affirme-t-il dans un droit de réponse publié mercredi sur X.
"C'est un voyage absurde dans notre époque, abordant des thèmes sensibles, tels que la religion, le narcotrafic et les migrations avec humour et bienveillance"
Il précise que le "manque de moyens" de son second long-métrage, tourné en 24 jours au Mexique en 2023, ainsi que son côté "nanar" sont complètement "assumés" et "revendiqués". Surtout, le cinéaste souligne le maigre budget de sa fiction (environ 1,2 million d'euros selon lui) et l'absence de soutien public, excepté une enveloppe minime de 30.000 euros du CNC pour le développement du scénario. D'autant que Kad Merad a essentiellement mis son salaire en participation, et ne touchera donc quasiment rien.
Ce dernier, qui avait publié à l'époque une image de la fin du tournage sur Instagram, ne s'est pas encore exprimé sur le sujet, mais son entourage affirme dans les colonnes du Parisien que l'acteur était prêt à en assurer la promotion.
Reste que Papamobile sortira en salles en Allemagne, en Belgique et "dans d'autres pays étrangers", dixit Sylvain Estibal. La comédie sera ensuite disponible sur OCS d'ici quelques mois et, in fine, sur Prime Video en 2026. Avis aux amateurs.