We Love Green: des festivaliers pris "de vertiges" et "d'étourdissements" après avoir mangé des bonbons au CBD

Cannabis, bonbons et CBD (Illustration). - Elsa Olofsson Flickr
"Vision floutée", "vertiges", "perte d'équilibre"... Pour Thérèsa ou encore Éloïse* (prénom d'emprunt), difficile encore de se remettre du festival We Love Green. Si l'aspect musical du festival était cette année encore, et malgré la pluie, au rendez-vous, ces quelques festivaliers n'ont toutefois pas pu apprécier pleinement la fête.
La faute, selon leur récit, à la consommation d'un bonbon à base de CBD, une des molécules du cannabis. Cette substance psychoactive, autorisée à la vente en France, apporte des effets de détente et de bien-être, sans effets psychotropes, provoqués eux par la molécule de THC, autre composant majeur du cannabis.
"Des étourdissements et des vertiges"
C'est en connaissance de ces subtilités scientifiques que Thérèsa, festivalière du Val-de-Marne, s'est rendue samedi 1er juin sur le stand d'Elix Hemp, marque de produits au CBD, présent lors de We Love Green. Outre des fleurs de CBD et des joints pré-roulés, des "gummies", des bonbons gélatineux, sont proposés, avec des doses plus ou moins fortes.
"Au moment d'acheter le bonbon (NDLR: vendu par lot de deux gummies), le vendeur me prévient que c'était très dosé en CBD et qu'il valait mieux n'en prendre que la moitié puis attendre 30 minutes avant de consommer le reste", relate Thérèsa auprès de BFMTV.com.
Mais Thérèsa, qui avait déjà goûté des tisanes au CBD, n'a pas eu le temps de consommer la deuxième moitié du bonbon. "Environ 30 minutes après avoir mangé la première moitié, j'ai commencé à me sentir de plus en plus mal. Ça a commencé par des étourdissements et des vertiges, puis une vision qui s'est floutée", continue de relater la festivalière, qui a ensuite été prise d'une crise d'angoisse marquée par des pleurs et des tremblements.
"Ça tanguait de partout"
Initialement prise en charge par une association de prévention, et accompagnée d'un ami, Thérèsa est ensuite dirigée vers le personnel de la Croix-Rouge présent sur site. Dans la tente, Thérèsa explique perdre connaissance et se retrouver en hypothermie.
Son récit est corroboré par au moins quatre autres personnes présentes elles-aussi lors de We Love Green, et qui décrivent toutes des ressentis au moins en partie similaires à ce que décrit Thérèsa.
Éloïse est l'une d'entre elles. Avec deux de ses amis, elle a participé au festival le dimanche 2 juin.
"J'ai l'habitude de prendre des bonbons au CBD. (...) Ils nous ont dit que c'était assez fort, et j'ai demandé quelle était la dose de THC: ils nous ont répondu qu'ils ne savaient pas vraiment mais que c'était bien la dose légale, tout en nous mettant en garde de ne pas en consommer deux d'un coup", relate la festivalière.
Les trois participants au festival décident alors de prendre un gummie chacun. "On n'a pas eu d'effet pendant une heure, donc on s'est dit que c'était normal car c'était du CBD et donc que c'était assez léger", explique-t-elle auprès de BFMTV.com. Mais pendant un concert auquel elle assiste, la donne change.
Éloïse raconte tout d'abord être prise de fous rires incessants, au même titre que deux de ses amis. "Ça tanguait de partout, on a eu plein d'effets, et le tout pendant trois heures", raconte la jeune femme.
"On n'avait jamais eu ça. Je ne prends pas de drogue. Tous les trois, nous n'avions pas bu, ni consommé de drogue. Mon ami avait l'impression de planer. Mais une heure encore après, mon autre amie a commencé à se sentir mal comme si elle allait faire un malaise. Elle a eu aussi très froid, comme une hypothermie. (...) Les notions spatio-temporelles étaient complètement altérées, le temps était comme une éternité", déplore Éloïse, qui n'a vu les effets néfastes s'estomper qu'au bout de trois heures, en début de soirée dimanche.
Le commerçant se dit "navré"
Éloïse et ses amis, au même titre que Thérèsa la veille, sont pour le moins abasourdis par les effets ressentis à la suite de la consommation d'un produit considéré comme fort, mais qui reste normalement moins puissant qu'un produit de cannabis "classique" contenant davantage de THC. Quelques jours plus tard, Thérèsa explique être encore secouée par sa mésaventure vécue le samedi 1er juin.
Cette dernière a tenté de solliciter l'organisation du festival We Love Green pour obtenir, à minima, des explications. Sans succès. Le festival n'avait initialement pas non plus répondu à nos sollicitations. Mais dans un courriel transmis à BFMTV.com ce vendredi soir, le festival revient finalement sur les faits. L'organisation souligne notamment que l'association Fêtez Clairs, un organisme "que le festival sollicite chaque année pour la prévention et la réduction des risques en milieux festifs", a bien pris en charge Thérèsa avant de l'emmener vers la Croix-Rouge.
Selon We Love Green, en parallèle, l'association "est allée vérifier la composition du bonbon auprès du stand, et s’est assurée qu’il soit retiré de la vente le dimanche (suite à la demande faîte par le festival)". Cette affirmation reste toutefois contestée par certains des festivaliers qui ont pu, d'après leur témoignage, consommer un bonbon au CBD le dimanche après-midi.
Le festival déclare aussi qu'au total, trois personnes qui avaient consommé un bonbon au CBD ont été observées par la Croix-Rouge le samedi 1er juin. "Il a également été indiqué par la Croix-Rouge que les trois personnes prises en charge pour la prise d’un bonbon au CBD, sont restées quelques temps au poste de secours puis ont toutes pu repartir par leurs propres moyens", précise We Love Green, tout en assurant que le dimanche, aucune prise en charge de la Croix-Rouge n'a pris place en rapport avec la consommation d'un gummie de CBD.
Les festivaliers ayant témoigné de leur mésaventure auprès de BFMTV.com, survenue le dimanche en fin d'après-midi, ne se sont en effet pas rapproché de la Croix-Rouge pour faire constater les effets secondaires néfastes du produit.
De son côté, le directeur de la marque Elix Hemp se dit "navré" de ce que les personnes "ont ressenti". "Je suis là, je ne me sauve pas et je ne disparais pas", assure-t-il auprès de BFMTV.com, assurant se tenir à disposition des festivaliers incommodées par les effets secondaires.
Selon le directeur de l'enseigne, qui affirme que c'est la première fois qu'il fait face à des retours négatifs de ce type, 2.200 bonbons ont été vendus lors du festival. Prévenu dès le "dimanche matin" par les équipes de prévention, la vente des gummies a ensuite été stoppée. Un discours qui semble s'opposer au récit de certains des festivaliers.
Des analyses en cours
S'il réfute profondément la possibilité d'un lot défectueux potentiellement trop dosé en THC, le vendeur penche pour la trop forte concentration du bonbon en cannabinoïdes. Et ce même si, dans une analyse urinaire de l'un des festivaliers ayant consommé le bonbon en question, un taux de THC égal ou supérieur à 50ng/ml de sang a été relevé 24 heures après la consommation. A titre d'exemple, une fiche d'informations des autorités suisses datant de 2021 indique qu'une "concentration entre 3,0 et 4,1 ng de THC/mL de sang entrave la capacité à conduire de la même façon qu’un taux de 0,5 ‰ d’alcool".
Le directeur de la marque assure de plus que ses gummies ne contiennent aucun cannabinoïde de synthèse, comme par exemple le H4-CBD, interdit depuis le 3 juin 2024 en France par l'Ansm (Agence nationale de sécurité du médicament), et qui peut provoquer des effets secondaires indésirables.
L'entrepreneur émet aussi la piste de la tolérance inégale selon les consommateurs et estime surtout que la prévention peut s'avérer plus compliquée lors d'un festival comme We Love Green. Alors, pour s'éviter davantage de soucis à l'avenir, l'entrepreneur assure à BFMTV.com qu'il ne mettra plus en vente de gummies "forts" au CBD lors d'événements de ce type.
"J'ai bien compris, à l'avenir pour les événements grand public, il y a des concentrations (NDLR: de cannabinoïdes) que l'on va oublier même si c'est autorisé. Il y a une gestion qui est plus difficile sur du grand public que comparé à ce qu'on fait en boutique", avance le directeur d'Elix Hemp.
Du côté des victimes, certaines d'entre elles se réservent le droit de porter plainte à l'encontre du festival et du commerçant. La DGCCRF a été mise au courant de la situation, tandis que des analyses urinaires ont été déposées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) pour de plus amples analyses.