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"Un miracle": comment le sang-froid et l'expérience du pilote ont évité une issue dramatique à Villejuif

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Instructeur d'aviation depuis 60 ans, Jean-Pierre Trimaille compte plus de 40.000 heures de vol à son actif. Un savoir-faire qui a permis à cet octogénaire d'éviter à l'accident un bilan bien plus lourd.

Un accident dont l'issue aurait pu être bien plus grave. Alors que les habitants du boulevard Maxime-Gorki de Villejuif (Val-de-Marne) sont encore stupéfaits d'avoir vu un petit avion atterrir en urgence entre deux immeubles du quartier lundi 4 décembre, beaucoup s'étonnent surtout de l'issue de cet incident.

Car si les trois occupants du bi-moteur ont été blessés et transportés à l'hôpital par les secours, leurs jours ne sont pas en danger. Un miracle, selon Michel Barry, retraité de l'aviation civile et auteur pour le site Info-Pilote, et qui connaît bien Jean-Pierre Trimaille, le pilote de 80 ans, selon Le Parisien, qui a réalisé cet atterrissage hors norme.

"Poser un avion, qui est un bi-moteur qui est quand même assez lourd, dans une zone urbaine avec des immeubles, et réussir à trouver un passage sans qu’il y ait trop de casse humaine, c’est quand même exceptionnel, c’est quand même un miracle", déclare-t-il auprès de BFMTV.

"C'est surtout là où il ne faut pas tomber"

Le retraité de l'aviation a lui-même eu l'occasion d'avoir Jean-Pierre Trimaille en guise d'instructeur. Ce dernier est, selon lui, la raison même pour laquelle l'incident n'a pas eu d'issue beaucoup plus dramatique.

"A priori, je ne vois pas comment quelqu'un (d'autre) aurait pu s'en sortir. Je ne vois pas comment il s'en est sorti, d'ailleurs", s'étonne Michel Barry, qui précise que le secteur dans lequel l'avion a atterri est "sans doute la zone la plus inhospitalière de la trajectoire d'arrivée sur Toussus-le-Noble, cette zone urbaine de Villejuif, avec des grands immeubles... C'est surtout là où il ne faut pas tomber."

L'avion en question effectuait un vol de formation avec trois personnes à bord, dont le pilote. Aguerri, ce dernier compte plus de 40.000 heures à son actif, ayant fondé sa propre école d'aviation dans les années 80.

"Il est content que dans notre école, ce soit lui qui ait eu ce problème-là, parce qu’il est de loin l’instructeur le plus expérimenté de notre société", expliquait ce mardi le fils de Jean-Pierre Trimaille à nos confrères de TF1, assurant qu'aujourd'hui son père "va bien" et qu'il est heureux "d'avoir survécu ça".

Pour Michel Barry, le pilote a su faire preuve d'un sang-froid hors pair durant la panne, qui a nécessité cet atterrissage d'urgence.

"Il a appliqué sans doute les consignes qu’on donne dans ce cas-là, c’est-à-dire viser entre les immeubles. Tant pis, les ailes resteront, mais au moins on sauvera les meubles avec le fuselage, qui passera entre les immeubles", explique-t-il à BFMTV. "Il a appliqué à la lettre tout ce qu’il enseigne depuis 40 ans, et visiblement ça a pas trop mal marché."

Autant de capacités de pilote qui ont fait de Jean-Pierre Trimaille un "instructeur né".

"Quand on a 40.000 heures de vol, on est fatalement un très grand pilote. C’est quelqu’un qui a touché à toutes les disciplines de l’aéronautique: ça va du planeur, de l’aviation agricole, ça va de l’aviation militaire, ça va de la voltige... C'est quelqu’un de très pédagogue, de très calme, de très posé, de très efficace en tant qu’instructeur. Les élèves adorent voler avec lui."

Une panne des deux moteurs

Michel Barry assure pour autant qu'il "ne comprend pas" comment une telle panne a pu arriver au pilote, qui affiche aujourd'hui plus de 60 ans de carrière. "C'est le dernier à qui on pouvait s’imaginer qu’une panne grave arrive sur un de ses avions", déclare-t-il.

Le fils du pilote indique à TF1 que l'avion a subi une "panne simultanée des deux moteurs, ce qui est statistiquement improbable". Le parquet a par ailleurs confirmé à BFMTV que l'équipage de l'avion "a déclaré une détresse moteur".

Une enquête de flagrance a été ouverte pour les chefs de "blessures involontaires avec ITT supérieure à trois mois et mise en danger de la vie d'autrui", confiée à la gendarmerie des transports aériens et au commissariat de police du Kremlin-Bicêtre. L'enquête doit permettre de déterminer les circonstances exactes de l'accident et l'origine de la panne.

Pour Michel Barry, une chose est sûre: l'issue aurait pu être bien plus grave. "Les trois sont légèrement blessés, mais rien de grave", assure-t-il. "Le miracle complet." Les trois passagers étaient toujours hospitalisés ce mardi en début d'après-midi.

Ironie du sort, Jean-Pierre Trimaille avait fêté début 2023 ses 60 ans d'instruction. Au site Info-Pilote, il avait souligné l'importance pour un instructeur de faire preuve d'une certaine capacité d'adaptation.

"L’instructeur doit savoir s’adapter à la personnalité de chaque individu qu’il forme, et non l’inverse. Chaque élève requiert une approche différente. Cette facette de l’aviation, je ne m’en lasse pas. J’apprends toujours" déclarait-il en février dernier.

Jeanne Daudet avec Laurène Rocheteau