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"Une incompréhension totale": la douleur des parents d'Évaëlle après la relaxe de son enseignante accusée d'harcèlement

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Marie Dupuis, mère d'Evaëlle, une adolescente qui s'est suicidée en 2019, déplore la relaxe de l'enseignante de sa fille qui était jugée pour "harcèlement", ce jeudi 10 avril. L'avocate des parents a annoncé faire appel sur le volet civil.

"Je suis dans l'incompréhension totale." Très émue, la mère d'Evaëlle, adolescente qui s'est suicidée en 2019, a réagi après l'annonce de la relaxe de l'enseignante de sa fille, qui était poursuivie pour "harcèlement".

"Les faits et les témoignages étaient là. Ils n'ont pas été entendus", soutient Marie Dupuis. "La décision d'aujourd'hui est inadmissible", a complété l'avocate des parents d'Evaëlle, Delphine Millet, qui a annoncé faire appel sur le volet civil. "En appel, la justice peut encore évoluer", espère la mère d'Evaëlle. Sur le volet pénal, seul le parquet peut faire appel et a dix jours pour se manifester.

La mère de l'adolescente dit avoir "vraiment envisagé" ce scénario. "Je n'étais absolument pas confiante ni dans un sens ni dans l'autre parce que je sais que la justice peut être dure."

"La justice fait corps avec l'Éducation nationale"

Pour la mère d'Evaëlle, "certaines motivations ne correspondent à la réalité". Elle ajoute: "Je pense qu'il va falloir qu'on réexplique les choses encore une fois lors de notre appel."

Marie Dupuis soutient que "la justice cautionne le comportement de cette professeure et qu'elle a le droit de se comporter comme ça vis à vis de nos enfants". Elle affirme qu'il y a eu "de la maltraitance". Ajoutant: "On ne peut pas le nier. La justice fait corps avec l'Éducation nationale. Comment se sortir de ce dilemme-là?"

"Un coup de massue"

"J'ai l'impression qu'on légitime le comportement de cette professeure", complète Sébastien Dupuis, père d'Evaëlle. "Je suis tétanisé, j'ai même du mal à réflechir. C'est vraiment un coup de massue même si on s'était préparé à une éventuelle relaxe."

"On a l'impression que c'est un peu de la faute d'Evaëlle", poursuit-il en relatant son sentiment à l'issue du procès. "En fin de compte, on n'écoute pas les enfants, on n'écoute pas Evaëlle, on n'écoute pas les 30 élèves qui ont témoigné."

"La justice n'est pas prête"

"J'avais une question ces derniers jours: est-ce que la justice va être prête à rendre une condamnation? Je pense que la société est prête à entendre ce genre de choses. Visiblement, la justice n'est pas prête et l'Éducation nationale encore moins."

Évoquant le sujet du harcèlement scolaire, Marie Dupuis estime qu'il "faut faire évoluer" la loi, qui n'existe "que depuis 2022". Ajoutant: "Notre fille ne pouvait même pas être jugée au titre de harcèlement scolaire mais seulement harcèlement moral."

"On a protégé des enfants"

"Il s'est passé des choses importantes", souligne la mère d'Evaëlle, qui soutient qu'il y a eu "une justice humaine". Au sujet de la suspension de la professeure mise en cause, les parents affirment être "sincèrement persuadés" d'avoir "protégé des enfants sur ces cinq dernières années".

Ce jeudi 10 avril, Pascale B., 62 ans, a été relaxée par le tribunal correctionnel de Pontoise des poursuites pour harcèlement sur la pré-adolescente. Lisant ses motivations détaillées, la présidente du tribunal a notamment considéré que les éléments à charge étaient "discordants, indirects, peu circonstanciés" ou relevant de "comportements adaptés et légitimes s'agissant de l'autorité dont doit faire preuve un enseignant en classe".

"La pire journée de toute ma vie"

En 2018-2019, Pascale B. avait eu dans sa classe pendant plusieurs mois la collégienne avant qu’elle ne change d’établissement et se suicide en fin de 6e. Lors du procès, l’enseignante avait clamé son innocence. "Ce qui me blesse, c’est qu’on me dise que je suis responsable de la mort d’Evaëlle", avait-elle déclaré, martelant: "Je n'ai pas humilié Evaëlle". Les collègues de Pascale B. avaient dressé un portrait contrasté de l'enseignante. "Autoritaire et cassante" d'un côté, "bienveillante et aidante" de l'autre.

Pour les parents de la jeune adolescente, le passage à l'acte de leur fille a été conditionné par un moment bien particulier. Durant une session consacrée au harcèlement scolaire, l'enseignante avait demandé aux élèves d'exprimer leurs reproches à Evaëlle qui devait ensuite s'expliquer. Face à ses pleurs, l'enseignante s'était énervée et lui avait intimé de répondre aux questions, d'après les récits des élèves.

"Ce n'était pas dans le but de la mettre en difficulté mais essayer de régler ce problème relationnel dans la classe", s'était justifiée la prévenue. Mais pour Evaëlle, comme elle l'avait raconté à sa mère, "c'était la pire journée de toute ma vie".

Arthus Vaillant