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Suicide d'Evaëlle: "sérieuse" ou "cassante", le profil de l'institutrice jugée pour harcèlement sur mineur

Image tirée d'une vidéo de l'AFPTV montrant des photos d'Evaëlle, le 12 déccembre 2019 à Herblay

Image tirée d'une vidéo de l'AFPTV montrant des photos d'Evaëlle, le 12 déccembre 2019 à Herblay - Aurelia MOUSSLY © 2019 AFP

L'enseignante âgée de 62 ans est jugée ce lundi 10 et ce mardi 11 mars au tribunal correctionnel de Pontoise pour harcèlement sur mineur après le suicide d'Evaëlle en juin 2019. "Sérieuse et dynamique" selon l'administration et elle décrite comme "cassante" par certains de ses collègues.

"Sérieuse et dynamique" selon l'administration, "cassante" et "tranchante" d'après d'anciens collègues. Le procès d'une institutrice jugée pour le harcèlement moral d'Evaëlle qui s'est suicidée à 11 ans en 2019 a débuté lundi au tribunal judiciaire de Pontoise.

La matinée a été consacrée à la carrière de l'enseignante et l'audition de témoins. Elle devient professeure en 1987, à 25 ans. "J'ai choisi d'exercer cette profession par choix" après des études de lettres classiques, dit-elle, droite dans son tailleur bleu marine, avec un ton maîtrisé, difficilement audible depuis les bancs fournis de la presse.

Après différents établissements dans le Val-d'Oise, elle arrive en 2016 au collège Isabelle-Autissier d'Herblay, avec la "motivation". "C'était un tout nouveau collège, il y avait tout à construire, un projet d'établissement".

Si son dossier académique brosse le portrait d'une enseignante "expérimentée, sérieuse et dynamique", d'autres éléments décrivent une "professeure autoritaire et cassante", d'après le proviseur du collège arrivé la rentrée suivant le suicide d'Evaëlle.

L'enseignante n'avait pas grand-chose à dire sur la période où Evaëlle était son élève. Alors que certains témoignages ont dressé le portrait d'une professeure dure qui "aimait rabaisser les élèves”, selon BFMTV.

"Il vaut mieux qu'elle reste à la vie scolaire sinon il y aura un mort"

Durant l'enquête, il avait rapporté des propos d'une collégienne. Dans un échange avec cette dernière, l'enseignante lui aurait dit "tu nous soûles" et qu'elle préférait avoir un chien que des élèves. "Tu n'as pas de cerveau", aurait aussi déclaré l'enseignante.

"Il vaut mieux qu'elle reste à la vie scolaire sinon il y aura un mort", aurait encore lancé l'enseignante, selon un assistant d'éducation scolaire.

"On est quelques mois après le suicide d'Evaëlle", s'alarme Me Delphine Meillet, qui représente la famille d'Evaëlle. Avant l'ouverture du procès, elle a déclaré que la famille d'Evaëlle souhaitait "que cette enseignante réalise qu'elle a commis des erreurs vis-à-vis d'Evaëlle".

Le proviseur adjoint, arrivé au collège d'Evaëlle, deux mois après son suicide, a été entendu durant le procès. Durant l'audience, il a indiqué que la professeure ne semblait pas spécialement affectée après le suicide de la collégienne. "Madame B. est restée égale à elle-même, sûre d’elle", a-t-il déclaré.

"Le proviseur nous avait dit de ne pas assister aux obsèques"

À la barre, une ancienne collègue de Pascale B a témoigné de la politique mise en place par l'établissement après le suicide de la collégienne. "Le proviseur nous avait dit de ne pas assister aux obsèques, de ne pas participer à la marche blanche", a déclaré, cette professeure mathématique au collège d'Evaëlle.

Le 21 juin 2019, le père d'Evaëlle a retrouvé sa fille de 11 ans pendue à son lit dans leur pavillon à Herblay (Val-d'Oise), la veille de leur départ en vacances. Dans la journée, elle avait eu un conflit avec un collégien.

Six mois plus tôt, l'adolescente avait tenté de mettre le feu à une poutre de la maison après une rupture amicale. Depuis l'entrée d'Evaëlle en sixième au collège Isabelle-Autissier d'Herblay, les problèmes s'étaient multipliés pour la jeune fille, déjà victime de brimades en primaire.

Au-delà du comportement insultant et violent de camarades, elle faisait face à des tensions avec son enseignante de français au sujet de la mise en place d'un protocole médical relatif à des problèmes de dos.

Dans un premier temps, la situation avait été réglée en interne et Evaëlle, décrite comme précoce, joyeuse mais ayant des difficultés dans les relations sociales, n'appréhendait plus de se rendre en cours de français.

Pourtant, quelques mois plus tard, durant une session consacrée au harcèlement scolaire, l'enseignante avait demandé aux élèves d'exprimer leurs reproches à Evaëlle qui devait ensuite s'expliquer. Face à ses pleurs, l'enseignante s'était énervée et lui avait intimé de répondre aux questions, d'après les récits des élèves.

Ses parents avaient porté plainte contre des élèves et l'avaient changé de collège en février 2019.

Deux anciens camarades de classe jugés

L'ensemble des comportements de l'enseignante ont eu "pour effet une dégradation très importante des conditions de vie de la jeune fille qui s'isolait de plus en plus", a écrit la juge qui a décidé de son renvoi pour harcèlement moral sur mineure et du non-lieu pour homicide involontaire.

Lors de l'instruction, l'enseignante a dit qu'elle avait pu être trop sévère voire "cash" mais qu'elle s'était investie pour les élèves. Au sujet d'Evaëlle, elle n'avait pas réussi à créer un lien avec elle. Âgée de 62 ans, Pascale B. conteste toute forme de harcèlement sur la collégienne.

À la barre, une ancienne collègue de mathématiques a relaté des "remarques tranchantes" et une difficulté par les élèves à comprendre le second degré dont elle pouvait faire preuve.

L'enseignante est également jugée pour avoir harcelé deux autres collégiens. Le procès doit s'achever mardi.

Découlant de la même instruction, deux anciens camarades de classe comparaîtront devant le tribunal des enfants d'ici à la fin de l'année pour le harcèlement moral d'Evaëlle.

Par ailleurs, l'Education nationale a indemnisé la famille au titre du préjudice moral, selon le rectorat de Versailles, en échange de l'abandon d'éventuelles poursuites envers l'État.

Sylvain Allemand et Mélanie Bertrand avec AFP