Pourquoi le projet de réaménagement de l'intérieur de Notre-Dame fait débat

Alors que le diocèse doit présenter ce jeudi le projet de réaménagement de l'intérieur de la cathédrale Notre-Dame devant la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA), de nombreuses informations sur ce qu'il contient ont déjà fuité.
Art contemporain, projections vidéo, bancs amovibles avec des lumignons pour remplacer les chaises, éclairages qui changent en fonction des saisons... Voilà un avant-goût de ce que souhaite faire le diocèse.
Cette modernisation prévoit un parcours aéré pour les fidèles et les touristes venant visiter le monument, organisé autour d'un axe central. Les quatorze chapelles délabrées bien avant l'incendie doivent également être nettoyées. Et plusieurs artistes contemporains comme Ernest Pignon-Ernest, Anselm Kiefer ou Louise Bourgeois pourraient voir leurs oeuvres orner les murs de l'intérieur de la cathédrale d'après Le Monde.
Mais avant le vote de la CNPA prévu à la mi-journée après une délibération à huis clos, des voix s'élèvent déjà contre le projet du diocèse qui n'est pas du goût de tout le monde. Ce mardi 7 décembre, une centaine de personnalités ont signé une tribune, publiée conjointement par La Tribune de l'Art et Le Figaro, mettant en garde contre "une nouvelle menace sur Notre-Dame-de-Paris". L'animateur Stéphane Bern, le philosophe Alain Finkielkraut font notamment parti des signataires.
"Aucune des oeuvres anciennes" touchée
C'est également le cas de Didier Rykner, rédacteur en chef du site de La Tribune de l'Art et historien de l'art, qui au micro de BFM Paris, dénonce cette modernisation de l'intérieur de l'édifice qu'il juge absurde et injustifiée. Pour le journaliste, le diocèse se sert de l'incendie pour apporter des changements.
"Aucune des œuvres anciennes n'a été touchée. Il n'y a aucune raison finalement de faire ça. Justifier un réaménagement complet parce qu'on n'est pas capable d'entretenir l'existant me choque. On veut utiliser des méthodes modernes comme les projections sur les murs dans un endroit qui n'est pas fait pour cela. Dans un endroit qui a une certaine tradition", explique Didier Rykner à BFM Paris.
Les opposants au diocèse regrettent que ce dernier veuille "modifier profondément l'intérieur", notamment en démantelant les autels de Viollet-le-Duc, qui l'a restauré au 19e siècle, ou en enlevant une partie de son décor des chapelles "pour le remplacer systématiquement par de l'art contemporain".
"C'est ce qui est gênant je trouve, le côté systématique. Qu'on mette une ou deux œuvres d'art contemporain pourquoi pas mais dans une cathédrale médiévale qui s'est vu adjoindre un certain nombre d'œuvres d'art au cours du temps, ça pose problème", regrette Didier Rykner.
"Un esprit médiéval par Viollet-le-Duc"
Il souhaite une cathédrale rénovée donc mais avec avec une restauration à l'image de l'architecture de Viollet-le-Duc, "à peu près ce qu'on avait avant mais nettoyé", précise l'historien de l'art.
Les opposants au projet ne sont pas non plus convaincus qu'il trouvera une résonance avec les visiteurs de la cathédrale.
"Je ne sais pas si ces millions de gens qui ont été très touchés par cet incendie souhaiteraient que tout soit bouleversé dans cette cathédrale. Ils veulent peut-être la retrouver comme ils l'ont connu ou comme ils l'imaginent", explique à BFM Paris Denise Charensol, de l'association de défense du site Notre-Dame et ses environs.
Un point sur lequel Didier Rykner la rejoint: "Ils veulent voir les oeuvres d'art que renferme Notre-Dame, un décor qui a été créé au cours du siècle, en particulier au 17e siècle dans un esprit médiéval par Viollet-le-Duc."
Réouverture en 2024
Tous ne sont néanmoins pas opposés à ce réaménagement de l'intérieur de l'édifice, comme Edouard de Lamaze, le président de l'observatoire du patrimoine religieux qui y voit une bonne chose.
"Il est fondamental que nous puissions faire à l'intérieur de Notre-Dame, aussi bien un centre d'accueil cultuelle, un centre d'accueil culturel et un centre d'accueil touristique. C'est ça le projet et en cela il est fort intéressant à mon sens", explique Edouard de Lamaze au micro de BFM Paris.
La réouverture de Notre-Dame-de-Paris est prévue pour avant les Jeux Olympiques de Paris en 2024.