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Paris Île-de-France

Paris est-elle toujours la capitale mondiale de la gastronomie?

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Paris est aujourd'hui concurrencée à travers le monde par de nombreuses villes, encensées pour leur gastronomie jeune et créative. Mais la capitale peut continuer de s'appuyer sur son histoire et ses talents.

Macarons, croque-monsieurs, soupe à l'oignon... La gastronomie française rayonne dans le monde entier. Et Paris, qui compte aujourd'hui près de 20.000 restaurants, a souvent été désignée comme la capitale de cet art culinaire. Mais avec l'émergence de nouvelles grandes scènes culinaires à travers la planète, Paris est-elle toujours numéro un?

Accusée, par certains médias anglo-saxons dans les années 2000, de se "reposer sur ses lauriers", comme le rappelle François-Régis Gaudry, journaliste, critique gastronomique, et auteur du livre "On va déguster Paris", paru en novembre aux éditions Marabout, la gastronomie parisienne fait face à la concurrence d'autres grandes villes, qui s'imposent comme des références en matière de gastronomie.

"Aujourd'hui, le talent gastronomique est vraiment partagé dans le monde entier. On trouve désormais des expériences gastronomiques très fortes à Londres, mais également à Tokyo, à Shanghai, à New York. Dans toutes les villes qui ont généralement du pouvoir économique, mais également du pouvoir d'achat."

Jeter un œil aux différents classements et récompenses culinaires, c'est ainsi se rendre compte de l'influence grandissante de nouvelles destinations. Au jeu des étoiles du Guide Michelin, référence à travers le monde, Tokyo surpasse ainsi largement Paris, avec 203 établissements étoilés en 2022, contre 136 pour la capitale - qui reste la deuxième ville la plus étoilée au monde.

En se plongeant dans le classement du World's 50 Best, Paris n'apparait, là aussi, qu'à la 22e place, avec le restaurant Septime. Le top 50 est dominé par Geranium, à Copenhague, Central, à Lima et Disfrutar, à Barcelone. La capitale a toutefois cinq établissements cités dans ce classement, ce qui la place en bonne position, à côté de Mexico, Londres ou Tokyo.

Enfin, en prenant le palmarès La Liste, on retrouve le restaurant parisien de Guy Savoy, tout en haut, à la deuxième position. Et on compte 27 restaurants cités, contre 26 pour Londres ou 23 pour New-York.

Mais passé ces chiffres, et ces classements parfois sujets à débat, Paris garde l'avantage d'un "immense patrimoine" culinaire et d'un "pouvoir d'attractivité" qui lui permet de garder le dessus sur les autres villes, rappelle François-Régis Gaudry.

Le poids de l'histoire

La ville de Paris, considérée comme le berceau de la gastronomie, a aussi pour elle son histoire, même si pendant longtemps, "la grande ville où on mangeait bien, c'était Londres", rappelle François-Régis Gaudry.

En 1765, la capitale voit ainsi apparaître le premier restaurant moderne, tel qu'on peut le connaitre aujourd'hui, ouvert par Mathurin Roze de Chantoiseau. Avant cela, il était plutôt possible de se restaurer dans des auberges ou tables d'hôte, avec un seul plat, une hygiène douteuse et une addition parfois à la tête du client.

C'est surtout au début du 20e siècle que la donne change. En 1900, la capitale accueille l'Exposition universelle, attirant des curieux du monde entier, qui se passionnent alors pour la cuisine parisienne. Et qui donnent à Paris son titre de capitale de la gastronomie.

L'essor des restaurants a ensuite permis à la réputation de la gastronomie française de rayonner sur d'autres villes du pays, comme Lyon, qui se trouvent à un "carrefour de terroirs" bien renommé.

La "meilleure pâtisserie du monde"?

La renommée de Paris passe également par sa pâtisserie. Des recettes inventées et "codifiées" par des grands chefs pâtissiers, comme le Saint-Honoré, le Paris-Brest ou même le célèbre macaron, devenu signature du pâtissier Pierre Hermé. Lui-même avait été formé dans les années 70 par Gaston Lenôtre, figure de la pâtisserie parisienne.

Paris compte aujourd'hui 251 pâtisseries, qui se partagent entre recettes traditionnelles et innovations culinaires. "Non seulement Paris a enfanté les grands desserts traditionnels (...) mais la scène sucrée est d'un dynamisme sans équivalent dans le monde", déclare François-Régis Gaudry.

Un avis partagé par Steve Dolfi, aujourd'hui propriétaire de l'emblématique maison parisienne Stohrer, qui, "sans vouloir être chauvin", estime que la pâtisserie parisienne est "la meilleure pâtisserie du monde, non?"

Une formation reconnue dans le monde entier

D'autant plus, souligne Alessandra Montagne, cheffe du restaurant Nosso dans le 13e arrondissement de Paris, que "toutes ces personnes, qui font de la gastronomie ailleurs, ont été formées en France, la plupart du temps à Paris, et ont travaillé avec des chefs français dans des grands restaurants parisiens."

Car ce qui fait aussi le rayonnement de Paris à l'internationale en termes de gastronomie est la richesse de sa formation, avec des écoles de cuisine prestigieuses, comme l'école Ferrandi ou Alain Ducasse, et des formations au sein de brigades de grands restaurants.

Alessandra Montagne en sait quelque chose. "J'ai trouvé en France tout ce que j'ai cherché niveau formation", raconte la cheffe brésilienne. "La formation culinaire qu'on a à Paris, ou en France en général, c'est impossible à trouver ailleurs."

Stars des réseaux sociaux

Un enseignement culinaire qui permet de faire vivre les traditions gastronomiques dans le temps. Steve Dolfi a par exemple repris la pâtisserie Stohrer, la plus ancienne pâtisserie de Paris, réputée pour son baba au rhum. Le propriétaire des lieux a gardé la recette historique de ce gâteau, mais a aussi remis au goût du jour des pâtisseries plus oubliées, comme le puits d'amour.

À l'inverse, d'autres figures de la pâtisserie misent sur la nouveauté et la créativité, avec des associations originales de saveurs et des designs modernes. Autant d'innovations qui ont notamment permis à Cédric Grolet, chef-pâtissier du Meurice de devenir une "pop star" de la pâtisserie, rappelle François-Régis Gaudry, avec plus de 5 millions d'abonnés sur Instagram.

On peut également citer Christophe Michalak -1 million d'abonnés sur Instagram et à la tête de plusieurs boutiques à Paris mais aussi au Japon- ou encore François Perret, chef-pâtissier du Ritz et personnage principal de la série-documentaire "The Chef in a truck", diffusée sur Netflix.

"C'est cette articulation entre ces tendances, la tradition et la créativité qui fait que Paris continue à rayonner", poursuit le critique gastronomique. "La capitale est à la fois un conservatoire, avec un patrimoine qui s'étale sur plusieurs siècles de créations (...) et en même temps, c'est évidemment un laboratoire."

Une cuisine adaptée aux enjeux actuels

Ces dernières années, la gastronomie parisienne a aussi su se réinventer et s'adapter aux enjeux actuels, avec le développement d'une cuisine "consciente" qui se concentre davantage sur les produits locaux.

Et des produits locaux, le terroir francilien n'en manque pas: les terres agricoles représentent 47% du territoire de la région. Et même si la majorité de ces terres sont des "grandes cultures", la région regorge de produits qui peuvent être utilisés par les chefs parisiens dans leurs recettes: les champignons de Paris, le chou de Pontoise, le poireau de Gennevilliers, le brie de Meaux...

Les chefs parisiens commencent d'ailleurs à migrer au-delà du périphérique pour implanter leurs restaurants, afin d'être au plus près de la source de leurs produits. La meilleure table de France, élue par le guide du Fooding 2023, se trouve d'ailleurs en Essonne, et cultive ses propres fruits et légumes, tandis qu'une partie de sa viande vient de son propre élevage.

Cette utilisation des produits locaux s'inscrit dans cet effort de cuisine "consciente", qui vise aussi à consommer davantage des fruits et légumes de saison, en particulier dans la pâtisserie, qui utilise encore des fruits hors saison. Dans de plus en plus de pâtisseries, il n'est ainsi plus considéré comme normal d'utiliser des framboises en décembre.

Les recettes s'adaptent aussi, pour répondre à une évolution des goûts et des attentes en matière d'alimentation saine. "Quand je faisais mon CAP de pâtisserie, c'était 250 grammes de sucre par litre de lait ou de crème, c'est énorme. Moi, j'en mets 70. Et je vois que ma pâtissière aujourd'hui en met 45-50", explique Alessandra Montagne.

Autant d'atouts qui doivent permettre à Paris de rester toujours en haut de la scène gastronomique mondiale.

Laurène Rocheteau