Paris: détenu à l'isolement depuis 2020, un activiste d'"ultragauche" entame une grève de la faim

Illustration police - AFP
"Ce sont mes opinions politiques qu'on essaie de criminaliser": en détention provisoire depuis fin 2020, Florian D., soupçonné par la justice antiterroriste d'avoir préparé des "actions violentes" avec un groupe d'"ultragauche" en France, a annoncé ce dimanche entamer une grève de la faim.
"Manipulation politique"
"Puisque cette histoire n'existe qu'à des fins de manipulation politique; puisqu'aujourd'hui on ne me laisse comme perspective que la lente destruction de mon être, je me déclare en grève de la faim depuis dimanche à 18 heures", écrit-il dans une lettre diffusée sur un site dédié à son soutien, confirmée par ses avocats à l'AFP.
Depuis son interpellation le 8 décembre 2020, Florian D., 37 ans, est incarcéré à l'isolement et mis en examen pour "association de malfaiteurs terroriste" criminelle. Le 16 février, une assignation à résidence lui a été refusée.
"Je ne réclame à l'heure actuelle que ma mise en liberté en attendant de démontrer le côté calomnieux de cette honteuse accusation", ajoute-t-il.
Sept personnes mis en examen
Selon deux sources proches du dossier, sept personnes sont mises en examen dans cette affaire, et Florian D. est le dernier détenu. Considéré comme le meneur, il avait combattu auprès des Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) au Rojava, dans le nord-est de la Syrie, contre l'Etat islamique.
Selon une source proche du dossier, Florian D. était fiché S et il s'agit du seul dossier d'ultragauche dont le parquet national antiterroriste (Pnat) est actuellement saisi.
"Il nous a informés de sa grève de la faim, nous respectons sa volonté mais nous sommes extrêmement inquiets qu'il se retrouve dans cette extrémité consistant à refuser de s'alimenter pour dénoncer le traitement judiciaire dont il fait l'objet", ont déclaré ses avocats Me Coline Bouillon et Raphaël Kempf, sollicités par l'AFP.
Soupçonné de projets d'"actions violentes" contre les forces de l'ordre
Selon des éléments de l'enquête dont l'AFP a eu connaissance, la justice le soupçonne d'avoir utilisé son expérience auprès des Kurdes pour former un groupe et envisager des "actions violentes" contre des policiers ou militaires français.
"Je suis sans cesse présenté comme 'leader charismatique' alors même que tout mode de fonctionnement non horizontal est contraire à mes valeurs égalitaires", pointe celui qui reçoit le soutien notamment de sites libertaires.
Les sept suspects, de 30 à 40 ans, avaient été interpellés en décembre 2020 en région parisienne, dans l'agglomération toulousaine, en Dordogne et en Ille-et-Vilaine.
Un séjour au Kurdistan syrien
Les enquêteurs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avaient commencé à surveiller Florian D. après son retour du Kurdistan syrien, en janvier 2018.
Selon les éléments de l'enquête, il aurait essayé mi-février 2020, avec d'autres mis en cause, de fabriquer des explosifs sur un terrain privé de Paulnay (Indre) et il est soupçonné de s'être entraîné, sous couvert de jouer à l'Airsoft (tir au pistolet à billes), au maniement des armes à Parcoul-Chenaud (Dordogne). Il aurait aussi cherché à se procurer des armes entre février et octobre 2020, en allant dans une armurerie pour "tuer du poulet".
Dans le camion dans lequel il vivait, les policiers ont saisi notamment des produits chimiques d'usage courant pouvant servir à confectionner des explosifs et un fusil de chasse, et chez une proche, du matériel de protection (casque, masques, filet de camouflage).
"Rien ne valide la thèse élaborée de toutes pièces par la DGSI (...) Ce sont mes opinions politiques et ma participation aux forces kurdes des YPG dans la lutte contre Daech qu'on essaie de criminaliser", juge Florian D., surnommé "Libre Flot".
Déjà cinq condamnations
Florian D., qui menait une vie quasi clandestine selon l'accusation, a été condamné cinq fois, notamment pour violences aggravées et conduite sous l'emprise de stupéfiants.
Avant cette affaire, la dernière saisine connue de la justice antiterroriste pour des faits liés à l'ultragauche remonte à l'affaire de Tarnac en 2008, pour des soupçons de sabotage de lignes TGV. Mais les qualifications terroristes, objet d'un âpre débat, avaient été abandonnées par la justice avant le procès.
D'autres enquêtes concernant des incendies d'antennes relais, attribués à des membres dits d'ultragauche, sont en cours mais pas sous la direction du Pnat.