Lycée délabré à Sevran: rappelés à l’ordre, les professeurs dénoncent "les méthodes d'intimidation" de la direction

Mouvement de soutien au lycée Blaise-Cendrars à Sevran. Une action a été menée ce vendredi 15 mars devant l'établissement scolaire en réponse à la convocation de quatre professeurs par leur direction après une vidéo Tiktok virale.
Dans cette vidéo, élèves et professeurs dénoncent la vétusté de leurs locaux mais aussi le manque de moyens dans l'établissement, et plus globalement dans toute la Seine-Saint-Denis. Des entretiens ont été menés dans la journée pour rappeler aux professeurs le cadre réglementaire et l'exigence de neutralité vis-à-vis des élèves.
Pas de reproches concrets
Un coup de pression de la hiérarchie qui ne passe pas auprès du corps enseignant et des parents d'élèves. "Ces méthodes d'intimidation ne sont pas normales", dénonce Clément Bernard, professeur au lycée Blaise-Cendrars et représentant syndical SNES-FU.
Mélissa Pandor-Margulis, professeure de français et syndicaliste Sud Éducation 93, fait partie des enseignants convoqués. Elle a été reçue par la proviseure du lycée et le conseiller technique vie scolaire et établissement de la DSDEN 93.
"C'est vraiment lui qui a mené l'entretien, je n'ai eu aucun échange avec la proviseure", raconte-t-elle. "On m'a demandé de certifier que je n'étais pas à l'origine de la vidéo. Mais je tiens à rappeler que la mobilisation des élèves est autonome de celle des professeurs. Ce sont deux mouvements différents qui se sont rencontrés à l'initiative des élèves."
"Il ne nous a pas vraiment été reproché de choses concrètes", estime-t-elle. La direction leur reproche globalement deux choses. "La première, le non-respect au droit à l'image des élèves", liste Clément Bernard. "Un reproche qui ne tient pas, vu que ce sont les élèves qui ont filmés, montés et publiés la vidéo."
La direction reproche également aux professeurs d'être sortis de leur droit de réserve. "Sauf que mes collègues sont représentants syndicaux, ils sont militants et pour certains élus au conseil d'administration. On est dans le cadre d'un mouvement de grève, ils sont dans leur droit", souligne le professeur.
"Ce serait difficile de dire que je n'ai pas été intimidée du tout", confie toutefois Mélissa Pandor-Margulis. "Ça fait plusieurs années que je suis fonctionnaire d'État et c'est une partie de mon identité à laquelle je tiens beaucoup. Me retrouver en conflit avec ma hiérarchie, ce n'est pas quelque chose que je souhaite."
"Mais je ressors moins intimidée que quand je suis arrivée car si on ne peut pas me prouver que j'ai fait quelque chose d'interdit, c'est que je n'ai fait que des choses autorisées."
"Je veux montrer que je suis déterminée à continuer à m'exprimer", conclut-elle.
"On est scandalisés"
"Ils ont juste énoncé des faits précis sans porter aucun jugement, sur un problème qui leur est arrivé personnellement dans leur métier", estime Clément Bernard au milieu de la foule en soutien aux professeurs convoqués. "Tout ce que trouve à faire la hiérarchie (...), c'est de les convoquer pour les gronder."
"On est très énervés, scandalisés. C'est un cri d'alerte, on a besoin de moyens dans le 93 dans le but que nos élèves aient cours."
Même élan de colère du côté des parents d'élèves, dont plusieurs sont venus soutenir les professeurs devant le lycée. "J'étais sidérée. C'est quand même quelque chose d'inadmissible, d'inacceptable", confie une mère.
Eux aussi, ont constaté les conditions de travail des élèves. "Tout l'hiver nos enfants avaient froid, il n'y avait pas de chauffage", note-t-elle. "Des fois, ils n'ont pas de chaises."
Alors cette réponse de la direction, c'est la goutte qui fait déborder le vase. "Il y a beaucoup d'intimidation. On attend dehors pour savoir ce qui va se passer."
"Un sous-investissement chronique propre au 93"
Aucune sanction n'a pour le moment été évoquée. Néanmoins, cette convocation sera inscrite à leurs dossiers administratifs et laissera une trace, qui pourrait leur nuire dans le futur. Le corps enseignant du lycée va désormais se réunir et décider des suites du mouvement à Sevran.
La FCPE a appelé à un mouvement "établissement désert" dans tout le département, dans la lignée des actions menées depuis plusieurs semaines afin de demander plus de moyens dans les établissements scolaires de la Seine-Saint-Denis. Collèges et lycées ont donc accueilli une poignée d'élèves chacun ce vendredi.
Une mobilisation que soutient par ailleurs la députée LFI de la circonscription Clémentine Autain.
"Pour connaître l’établissement, j’ai pu constater les problèmes. Ils sont là, les vidéos ne sont pas truquées", a-t-elle déclaré sur BFMTV.
Elle dénonce un territoire qui a d'énormes besoins mais qui a moins de moyens que tous les autres départements. "Je tire la sonnette d’alarme sur les moyens humains vis- à-vis de l’État. La Seine-Saint-Denis subit un double effet: celui de l’Éducation nationale en général, et celui d'un sous-investissement chronique propre au département", souligne-t-elle, à l'instar des centaines de professeurs mobilisés depuis des semaines dans le département pour demander des moyens urgents.