Île-de-France: vers une disparition des groupes communistes et insoumis à la région

L'Hémicycle du Conseil régional d'Ile-de-France à Saint-Ouen. - MARTIN BUREAU / AFP
Les groupes communistes et insoumis amenés à disparaître au Conseil régional? Une réunion des groupes politiques de la région Île-de-France avait lieu ce mardi, en vue de modifier le règlement intérieur.
Une proposition, approuvée des groupes Île-de-France Rassemblée et UDI, réclame ainsi l'augmentation du nombre minimal d'élus de sept à dix pour se constituer en groupe à la région.
Ce changement reste toutefois à entériner lors de la prochaine séance du Conseil régional, mais cette modification pourrait conduire à la disparition des groupes communistes et LFI, qui comptent respectivement sept et huit élus.
LFI critiquée au Conseil régional
À l'origine de la réunion de la commission, un incident de séance impliquant la conseillère régionale et députée insoumise Sophia Chikirou en mars dernier. L'élue avait filmé le processus de vote de la nouvelle présidence de la Commission des finances. Elle avait menacé de diffuser l'enregistrement sur les réseaux sociaux, alors que la commission n'était pas publique.
"Sans intervention de sa part, il y aurait eu un problème de légalité du vote. Son intervention a permis de faire un vote dans l'isoloir", défend Vianney Orjebin, président du groupe LFI-A à la région.
Le groupe LFI-A a notamment été accusé par l'exécutif de "bordéliser" le débat à la région. "Depuis le début de la mandature, certains élus d’extrême-gauche -en particulier ceux issus de La France insoumise- confondent l’hémicycle de la région avec celui de l’Assemblée Nationale… voire avec les jeux du cirque", peste le groupe Île-de-France Rassemblée à notre micro, se défendant se rogner les droits de l'opposition.
"Séances à rallonge, invectives, rappels au règlement permanents, débordements, violences verbales, intrusions de militants dans des visioconférences à huis clos, menaces de diffuser publiquement des enregistrements illicites… La sérénité de nos travaux est considérablement affectée", insiste le groupe de Valérie Pécresse.
Reproche
Un reproche sans doute renforcé ces dernières heures, alors que le conseiller LFI Christophe Prudhomme a scandé "Louis XVI, on l'a décapité, Macron, on peut recommencer" devant les locaux de Renaissance à Paris lors d'une manifestation contre la réforme des retraites ce dimanche.
La majorité de Valérie Pécresse a d'ailleurs annoncé des sanctions à l'encontre de l'élu. "La LFI est dangereuse pour la République", réagissait ce lundi Vincent Jeanbrun sur Twitter, concernant les propos de Christophe Prudhomme.
Les élus communistes n'ont pas tardé à réagir à cet amendement. Dans un communiqué, leur présidente Céline Malaisé dénonce une volonté de Valérie Pécresse de "décapiter" les deux groupes d'opposition.
Le parti communiste "a toujours siégé" au Conseil régional d'Île-de-France rappelle-t-elle.
"On a passé 1h15 sur cette modification, commente de son côté Jonathan Kienzlen, président du groupe socialiste à BFM Paris Île-de-France. C'est un scandale, c'est une atteinte et une attaque à la démocratie régionale. Depuis 2015, il y a un point de non-retour", réagit-il.
Les groupes supprimés dès le 31 mai
Un problème qui concerne les oppositions de gauche et les groupes de l'exécutif pour les macronistes qui se sont abstenus. "L'ensemble des mesures proposées par l'exécutif s’inscrivent dans le débat qu’ils ont avec les oppositions de gauche et leur attitude en commission et en séance", appuie Aurélie Taquillain, la présidente du groupe de la Majorité présidentielle à la région.
"En cas d’application de cet amendement, la droite et le centre supprimeraient dès le 31 mai deux groupes existants du Conseil régional", déplorent les communistes. Avant d'en arriver là, une nouvelle commission est prévue le 25 mai prochain. L'exécutif régional fera alors une proposition de règlement, soumise au vote le 31 mai prochain.
Mais pour les communistes, "cette suppression entrainerait notamment la disparition de tout temps de parole en séance pour les élu.es issu.es de ces deux groupes, mais aussi le licenciement des collaborateurs et collaboratrices à leur service".
Les élus en appellent à Valérie Pécresse: "la décision est dorénavant entre [ses] mains". Les communistes critiquent la "tentative de suppression de deux groupes politiques d’opposition", ce qui "constitue une attaque démocratique inédite dans une région française". Ils dénoncent une méthode "lâche et violente" à l’encontre de l’opposition de gauche, démocratiquement élue.
Le groupe communiste évoque un "coup de force", illustrant selon lui "la fragilité d'une majorité régionale abîmée depuis l'aventure présidentielle de Valérie Pécresse". Le groupe pointe également la "fébrilité" de la majorité régionale, dont les "mauvais coups contre les services publics, notamment de transport et des lycées, sont mis à jour par le travail des élu.es d’opposition", ajoutent les communistes dans leur communiqué.
Le président du groupe régional LFI-A estime quant à lui que "Valérie Pécresse est désavouée par sa propre majorité". "C'est elle qui a accepté le seuil de 7 [membres par groupe] en début de mandat", rappelle Vianney Orjebin.
"Les élus siégeront toujours"
De son côté, l'UDI temporise. "Il n'y aura pas de disparition de La France Insoumise et le Parti Communiste à la Région, c'est caricatural : leurs élus siégeront toujours, ils auront toujours des moyens humains, ils auront toujours du temps de parole en séance en fusionnant ou en rejoignant des groupes d'opposition existants", assure Jean-François Vigier, président du groupe UDI.
Le président du groupe socialiste, Jonathan Kienzlen, suggère quant à lui que cette décision pourrait être "un amendement d'appel pour faire passer le reste des demandes". Notamment les modifications concernant le temps de parole, qui a "déjà été réduit de 40%", poursuit-il, ajoutant que la droite "n'utilise pas le sien".
"Aujourd'hui, 75% du temps de parole est trusté par l'opposition, il y a une course à la radicalité pour asseoir son leadership", expliquait un proche de l'exécutif à BFM Paris-Île-de-France.
"L'abaissement du seuil du nombre d'élus est une simple mesure technique pour diminuer le temps aujourd'hui perdu en séance", confirme Jean-François Vigier, président du groupe UDI. "Les séances plénières sont devenues beaucoup trop chronophages (...) et ne permettent pas en réalité aux élus de travailler utilement pour les Franciliens sur leurs dossiers", commente-t-il.
La proposition de l'augmentation du nombre minimal d'élus par groupe a également fait bondir les communistes élus à la ville de Paris.
"J'en appelle à la responsabilité des groupes MoDem, de Pierre-Yves Bournazel, Florence Berthout, Delphine Bürkli et Maud Gatel", réagit Nicolas Bonnet-Oulaldj, président du groupe communiste à la ville de Paris sur Twitter. Et de menacer, "et si on applique la même règle au conseil de Paris Anne Hidalgo ?"
Dans ce nouveau règlement, d'autres mesures ont été adoptées pour des "séances plus fluides et dynamiques", déclare l'UDI, qui précise que comme à l'Assemblée nationale, "chacun pourra s'interpeller librement".