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Paris Île-de-France

Grand Paris Express: le chantier interrompu pour une journée "choc" dédiée à la sécurité

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Le gouvernement souhaite sensibiliser les ouvriers aux accidents du travail ce mercredi. Cinq d'entre eux sont morts sur les 140 sites de construction au cours des trois dernières années, pour une vingtaine de blessés graves.

Pharaonique, titanesque, colossal: les qualificatifs retenus pour décrire le futur réseau du Grand Paris Express traduisent la mesure de ce projet de maillage francilien.

Plus de 7700 personnes sont mobilisées quotidiennement pour le faire sortir de terre, en creusant des tunnels, en posant des voies de chemins de fer ou en déplaçant des charges. Certains au péril de leur vie.

Sur les trois dernières années, cinq ouvriers sont morts sur les 140 chantiers du Grand Paris Express, pour plus de vingt accidents graves. De quoi inspirer à Jean-Pascal François, secrétaire fédéral CGT Construction, un autre superlatif: "le chantier de la grande hécatombe".

Déclic

Seydou Fofana, ouvrier malien d'une vingtaine d'années, est la dernière victime mortelle en date. Il est mort le 6 avril dernier sur le chantier de la ligne 17 du métro, écrasé par une dalle de béton.

Ce nouveau drame a incité le gouvernement à fixer ce mercredi une journée "choc" dédiée à la formation et à la sécurité. L'interruption du travail doit permettre de passer au peigne fin les équipements, surveiller les postures et réviser les consignes.

N'étant pas intégrés au chantier du Grand Paris Express mais à celui des Jeux olympiques, les travaux de construction de la future Adidas Arena se poursuivent ce mercredi dans le 18e arrondissement de Paris. Sur le site, on assure que la sécurité des travailleurs est une priorité. Chaque journée commence par un échauffement en musique pour éviter les risques de blessures.

"Ça nous aide vraiment à se détendre et à avoir une communication avec les autres. C'est très important pour nous", apprécie un ouvrier, casque orange sur la tête et lunettes de protection sur le nez. "Si on ne fait pas ça, il y a quelque chose qui manque. Ça fait du bien", complète un de ses collègues au micro de BFM Paris Île-de-France.

"On a un rôle d'anticipation"

En ce mardi, une formation au montage des échaufaudages est dispensée aux ouvriers. On demande aux gilets jaunes et orange d'assembler les barres métalliques tout en prévenant les risques de chute

"Si on ne le fait pas, c'est l'accident. Donc on fait beaucoup de prévention, pour supprimer l'accident", souligne un membre de l'équipe dédiée aux risques sur le chantier.

L'atelier se déroule sous l'œil attentif de celui qu'on appelle M. Sécurité: Imad Benhamida. "On a un rôle d'anticipation", résume l'intéressé, dont la mission est de rencontrer les travailleurs et de se poser la question suivante: "Est-ce que ce qu'ils sont en train de faire sur le terrain correspond parfaitement à ce qu'on avait prévu?" Selon la réponse, les modes opératoires peuvent être ajustés.

"Luminosité, aération, protections..."

À Saint-Denis également, le chantier du futur centre aquatique olympique suit son cours. Guillaume Ferreux, inspecteur du travail, distille des conseils aux ouvriers. "Si vous tombez, c'est comme un élastique", lance-t-il à l'un d'eux, perché sur une plateforme élévatrice, avant de prendre des photos pour compléter son rapport.

"Le but, c'est de voir les salariés travailler, pour voir un peu les conditions, ce qu'ils vont utiliser comme type de matériel", explicite-t-il. "Luminosité, aération, protections collectives, accès": "Il y a beaucoup de choses".

Cadences imposées

Sur le chantier du Grand Paris Express, les syndicats estiment néanmoins que les formations et les visites des inspecteurs du travail sont insuffisantes.

Après la mort de Seydou Fofana, la CGT de Seine-Saint-Denis avait tiré la sonnette d'alarme "sur les cadences imposées pour respecter les ouvrages du Grand Paris". "Cette pression ne peut qu'être qu'accidentogène", avait fustigé le syndicat dans un communiqué.

Interrogé par BFM Paris Île-de-France, Jean-Pascal François, secrétaire fédéral CGT Construction, dit avoir observé une hausse de quelque 30% de la mortalité sur les chantiers ces dernières années. La suppression des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) par Emmanuel Macron en 2017 en est, selon, lui, une des causes. Ces organisations "au sein de l'entreprise permettaient de pointer les défauts de sécurité et de faire condamner les entreprises".

Autres éléments d'explication: le recours à la sous-traitance, à l'intérim et à des ouvriers parfois peu ou pas formés aux tâches demandées. Jean-Pascal François pointe également la faiblesse des sanctions infligées aux entreprises en cas d'accident du travail.

"La sécurité est notre priorité"

"La sécurité est notre priorité absolue, avait rétorqué Jean-François Monteils, président du directoire de la SGP face aux accusations qui ont fleuri en avril dernier. Ce nouveau drame nous conduit à constater que cette priorité n'est pas suffisamment intégrée par l'ensemble des intervenants sur nos chantiers."

D'où la volonté d'organiser cette journée de sensibilisation. "C’est bien, mais il a fallu attendre cinq décès et (au moins) 20 blessés graves… Les entreprises doivent prendre à bras-le-corps cette question de la sécurité. Ce n’est pas le cas", déplore Jean-Pascal François auprès du Parisien.

Avec 645 accidents mortels du travail en 2021, la France fait partie des pays européens les plus touchés par le phénomène.

Chloé Berthod et Bettina de Guglielmo avec Florian Bouhot