Pourquoi y a-t-il autant de brouillard sur le nord de la France en ce début novembre?

Des voitures roulent dans le brouillard sur la N13 le 13 décembre 2012 à Tollevast, près de Cherbourg-Octeville. (photo d'illustration) - CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Depuis de longs jours, une moitié nord de l'Hexagone se réveille dans le brouillard, plongeant les habitants dans un voile de brume humide qui persiste même durant la journée. La ville de Nantes n'a pas connu une seule minute d'ensoleillement depuis le 28 octobre et se rapproche du record de 1956 qui avait enregistré 12 jours consécutifs sans soleil.
Si cette situation météorologique est plutôt classique en automne, il faut que plusieurs conditions soient réunies pour avoir des brouillards et des nuages bas aussi persistants.
Des conditions anticycloniques
D'abord, la bonne nouvelle avec ce brouillard actuel, c'est qu'il ne pleut presque pas. En effet, la longue période de pluies qu'a connue la France a pris fin à la fin du mois d'octobre à la faveur de conditions anticycloniques qui font barrage à l'arrivée de nouvelles précipitations.
L'anticyclone, à l’inverse de la dépression, est une zone où la pression atmosphérique est supérieure à la pression atmosphérique moyenne au niveau de la mer. Si de telles conditions sont associées à un temps calme, sec et ensoleillé en été, en hiver, la situation peut être bien différente, comme on l'observe actuellement.
"Le sol se refroidit lors des nuits anticycloniques en l'absence de couverture nuageuse, l'air froid, plaqué au sol par les hautes pressions sous l'air plus chaud qui le surplombe, peut engendrer de la condensation", explique Météo-France.
Un couvercle qui bloque les nuages bas
Avec les nuits plus longues à l'automne, l'air proche du sol se refroidit rapidement. Le brouillard se forme lorsque la vapeur d'eau se condense dans la couche d'air proche du sol. Plus l'air est froid, moins il peut contenir de vapeur d’eau. Ainsi, lorsque cet air se refroidit, il devient saturé en vapeur d’eau et cette dernière condense pour former des gouttelettes et donc du brouillard.
"Physiquement, les brouillards ne se distinguent ni des stratus ni des nuages. Ils sont constitués de minuscules gouttelettes d'eau qui flottent dans l'air et réduisent la visibilité. Plus le nombre de gouttelettes est élevé, plus la visibilité est réduite", explique le service météorologique suisse.
Le brouillard est donc un nuage bloqué au sol. Avec l'anticyclone au-dessus de nous, il y a beaucoup d'air doux en altitude qui plaque l'air froid au sol, l'air chaud étant moins lourd et donc s'élevant, à l'inverse des masses froides. Cela agit comme un couvercle qui piège l'humidité ambiante près du sol et empêche les grisailles de se dissiper.
On parle de brouillard lorsqu'il est présent au niveau du sol et que la visibilité est inférieure à 1 kilomètre. Selon Météo-France, on parle de brume lorsque la visibilité est comprise entre 1 et 5 kilomètres.
Pas assez de soleil ni de vent
Généralement, le brouillard peut se dissiper en matinée sous l'action du rayonnement solaire. La température de l'air augmente, cet air peut soudain contenir plus de vapeur d'eau et les gouttelettes commencent à s'évaporer.
Toutefois, en automne, le soleil est bas dans le ciel et rayonne pendant moins longtemps. Cela l'empêche de réchauffer suffisamment l'air pour en faire partir l'humidité. Le soleil n'a, en fait, pas assez d’énergie pour assécher l'air et le ciel reste alors couvert.
Le vent peut permettre de brasser la masse d'air et de dissiper le brouillard mais il n'est actuellement pas assez fort pour faire partir la grisaille.
Pour retrouver le soleil, il faut monter en altitude
En ville, le brouillard peut se dissiper plus rapidement dans la matinée car il y fait généralement plus chaud: la chaleur stockée est plus importante qu'à la campagne en raison du bâti et des activités humaines. Ainsi, l'air se réchauffe et s'assèche plus vite et les nuages bas ne persistent pas comme ailleurs.
Autre exception dans cette moitié nord de la France plongée dans la grisaille: les reliefs. En effet, les chanceux qui peuvent s'échapper en altitude y trouvent un temps ensoleillé et un mercure plus doux en passant au-dessus des nuages, qui restent bas en raison des fortes pressions qui plaquent l'air froid dans les plaines.
Ce jeudi, une partie de la Bretagne a bénéficié d'une trouée dans les stratus, ces nuages bas. Celle-ci était très visible depuis l'espace et a été capturée par les satellites de la Nasa ou d'Eumetsat.
De telles exceptions locales peuvent s'expliquer par un vent plus important qu'ailleurs mais également la présence de relief, comme expliqué plus haut. Dans le Finistère, la proximité avec les Monts d'Arrée permet une percée du soleil.
Alors que les sommets sont ensoleillés, cela réchauffe l'air environnant et permet aux nuages "de se dissiper progressivement vers le sud sous l'action d'un léger flux de nord-est asséchant", explique notamment le Télégramme. Ainsi, on mesurait un petit 10°C à Rennes quand il faisait près de 20°C à Brest.
Dégradation de la qualité de l'air
Si cette situation météorologique piège donc l'air froid dans les basses couches de l'atmosphère. Elle peut ainsi, dans le même temps, emprisonner les polluants en jouant un rôle de couvercle, et entraîner une dégradation de la qualité de l'air. Actuellement, on observe un niveau de qualité de l'air fortement dégradé, notamment dans les Hauts-de-France.
En outre, si le brouillard peut parfois peser sur le moral, il est également dangereux car la mauvaise visibilité qu'il apporte constitue un risque pour la circulation sur les routes mais également pour les trains ou même les avions. Il est ainsi important de réduire sa vitesse et de vérifier l'état de ses phares pour bien voir et être vu.
Jusqu'à quand?
Selon les prévisions météorologiques, ces nuages bas vont encore persister quelques jours dans le nord de la France. Au cours de la semaine prochaine, l'Hexagone va basculer dans un flux de secteur nord-est et une nouvelle goutte froide va se positionner sur l'Allemagne.
On devrait ainsi se débarrasser du brouillard mais gagner en instabilité avec de possibles averses, davantage de vent et surtout une baisse du mercure notable, "à cause d'une descente perturbée de nord", explique Météo-France.
Toutefois, selon l'institut météorologique, "les perspectives pour la première partie du mois de novembre ne semblent pas propices à un retour rapide des perturbations d'ouest". "À l’échelle du pays, on pourrait donc avoir une période sèche de plusieurs semaines sur la plupart des régions, ce qui n'était plus arrivé depuis le début de l'automne 2023", prévoit-il.