Canicule: pourquoi faut-il végétaliser les villes?

Des personnes passent devant un mur végétal de la rue d'Aboukir, à Paris, le 13 juillet 2019. - ALAIN JOCARD / AFP
C'est la troisième vague de chaleur en deux mois à peine en France. Ce mardi, la barre des 30°C sera dépassée sur la majeure partie du pays. Et les villes suffoquent. Il fera 38°C à Toulouse ou 37°C à Bordeaux. Le mercure va continuer de grimper. 41°C sont par exemple attendus dans la capitale en fin de semaine.
En ville, il fait beaucoup plus chaud qu'en zone rurale. Lors de la canicule de 2003, la surmortalité s'est élevée à 141% à Paris contre 40% en zone rurale ou dans les petites agglomérations. Les "îlots de chaleur urbains", causés par le manque de végétalisation, la bétonisation et la pollution, entraînent d'importantes différences de températures entre ville et campagne.
Alors qu'avec le dérèglement climatique, les canicules pourraient être deux fois plus fréquentes en France d’ici 2050, la végétalisation des villes devient une mesure d'urgence.
Îlots de chaleur urbains
Comment expliquer de tels écarts de températures? En ville, il y a une importante accumulation de chaleur et le mercure ne baisse quasiment pas la nuit lors d'épisodes caniculaires comme celui-ci. "Les activités humaines et le fonctionnement humain avec le bâti - les rues, les constructions en hauteur et en béton, le goudron - gardent la chaleur et empêchent l'air de circuler", explique Divya Leducq, enseignante-chercheuse en urbanisme au CNRS et à l’Université de Tours, spécialisée dans le développement urbain durable, à BFMTV.com.
Plus une surface est sombre, et surtout minérale et non-poreuse, plus elle absorbe le rayonnement du soleil et accumule la chaleur le jour. Ces matériaux omniprésents en ville restituent cette chaleur pendant la nuit et empêchent un refroidissement de la zone urbaine. En outre, les activités humaines et la pollution rejettent de l'air chaud et font grimper le mercure dans les villes.
Les arbres pour faire baisser les températures
Pour lutter contre les chaleurs extrêmes en ville, les experts appellent à la végétalisation. À Paris, l'architecte et conseiller scientifique de France Nature Environnement (FNE) Tangui Le Dantec a fait la démonstration de l'intérêt des végétaux lors de la vague de chaleur du mois dernier. Il a ainsi enregistré une température de 59,8°C au sol Place de la République alors que le mercure redescend à 24,8°C quelques mètres plus loin, à l'ombre des arbres. Un contraste impressionnant.
Les dalles grises de la place accumulent la chaleur. À l'inverse, les arbres apportent de l'ombre, et donc empêchent les infrarouges de passer. La couleur verte des arbres attire moins la chaleur que les couleurs foncées. De plus, ils pompent l’humidité présente dans les sols pour ensuite l’évacuer par évaporation et ils interceptent les rayons du soleil. Il s'agit ainsi de déminéraliser et désimperméabiliser les villes.
"Les arbres ont une importante propriété rafraîchissante intrinsèque et, en plus, ils permettent l'absence de matériaux non-naturels qui entraînent des accumulations de chaleur", explique Divya Leducq.
"Toute végétalisation est bonne à prendre"
Alors comment s'y prendre? "Toute végétalisation est bonne à prendre", lance la chercheuse. Il faut ainsi végétaliser les murs "avec des plantes grimpantes par exemple", les pieds des arbres, les rues ou encore les toits des bâtiments.
"Un toit noir comme Paris, c'est 89°C en pleine chaleur, alors qu'avec un toit végétalisé, on tombe à 29°C", explique Anne Sénéquier, médecin et co-directrice à l’Observatoire de la Santé à l’IRIS sur BFMTV.
Divya Leducq explique également qu'il ne "suffit pas d'avoir un grand parc dans la ville" puisque les grands espaces de pelouse ne sont pas suffisants et qu'il "faut de l'ombre, avec des arbres". De plus, la chercheuse met l'accent sur l'importance "de la végétalisation à proximité de tout le monde", notamment avec des squares dans les quartiers, par exemple.
"Il faut choisir des espèces d'arbres liées au microclimat local, peu consommatrices d’eau, qui produisent beaucoup d’ombre donc avec un feuillage important, qui poussent vite, et qui sont pérennes dans le temps", détaille-t-elle.
Modifier la morphologie des villes
Une rénovation en profondeur des villes est donc nécessaire pour durablement les rafraîchir. "Il y a un coup d'accélérateur à donner", affirme Divya Leducq, déplorant que l'on cherche souvent à guérir les "symptômes" plutôt que les "causes profondes" de ces îlots de chaleur urbains.
"Ça ne va pas assez vite", abonde dans le même sens Anne Sénéquier sur BFMTV.
Au-delà de la végétalisation des zones urbaines, il faut également repenser la morphologie des villes et des constructions. Il s'agit également de lutter contre la pollution, notamment celles des transports ou des climatisations, qui entraînent des hausses de températures importantes et s'ajoutent aux conditions initiales peu favorables pour lutter contre les canicules dans les villes.