Vers la fin définitive du "califat" de Daesh?
La promesse de Mazloum Kobani est on ne peut plus claire: "nous avons besoin d'un mois pour éliminer ce qu'il reste de Daesh dans ce secteur." Dans une récente interview accordée à l'AFP, le commandant en chef des Forces démocratiques syriennes (FDS) fait le point sur la situation du "califat" de l'organisation jihadiste, du moins ce qu'il en reste, à la frontière irako-syrienne.
"L'opération de nos forces contre l'organisation Etat islamique dans son dernier réduit touche à sa fin et les combattants jihadistes sont désormais cernés dans un secteur" a encore expliqué ce dernier, certains de la victoire militaire syrienne.
Depuis maintenant plusieurs mois et en cette période où la question du retour des jihadistes sur le sol français se pose, le territoire conquis par Daesh?
"Ce Daesh-là est fini"
Pour comprendre l'évolution de ce territoire, il faut remonter à 2015. A cette époque, le projet de Daesh de reconstituer un "califat" prend forme et leur territoire s'étend de l'ouest de Bagdad, comprenant une large partie de l'ouest de l'Irak, à la partie est de la Syrie, en proie à une meurtrière guerre civile depuis 2011.
Fin 2017, Daesh ne disposait plus, sous l'impulsion des FDS et des raids aériens de la coalition internationale emmenée par Washington, que d'une fine bande de terre composée de hameaux dans la province syrienne de Deir Ezzor. Une déroute militaire qui, selon certains experts et témoignages de la population sur place, ne signifiait pourtant pas pour autant l'arrêt des exactions du groupe terroriste.
Comme le signalait en mars 2018 à la RTBF le professeur émérite à l’Université de Gand Rik Coolsaet, "le Daesh de l’époque disposait d’un très grand territoire. il donnait l’impression de réécrire les frontières dans la région mais aussi de réécrire l’Histoire. Ce Daesh-là est fini."
Son collègue Sébastien Boussois, chercheur associé à l’ULB, estimait, toujours auprès du média belge, que cette situation pourrait être plus dangereuse "que lorsqu’il était sur un territoire donné."
"La situation allait vraiment mal"
Pourtant, les différents témoignages d'ancien combattants de Daesh, arrêtés alors qu'ils tentaient de prendre la fuite de l'enclave syrienne, semblent bien signifier une "fin de règne" de l'organisation jihadiste au Levant. Plus tôt dans la semaine, l'AFP a pu rencontrer Alexandr Bekmirzaev, un ressortissant Irlandais arrivé il y a plusieurs années dans la Syrie en guerre.
Lors de cet entretien, ce dernier a relaté sa vie dans les territoires de Daesh et un "califat" qui vit ses dernières heures.
"La situation allait vraiment mal. J'ai cru qu'on allait mourir de faim", affirme ce quadragénaire, arrêté avec sa femme et son fils de cinq ans alors qu'ils fuyaient au milieu des civils abandonnant l'ultime bastion de Daesh.
"Depuis l'été, ils n'ont pas arrêté. Tous les jours, tous les deux jours, des bombardements", détaille Bekmirzaev, naturalisé Irlandais en 2010, mais de père Ouzbek et de mère biélorusse.
Un changement de stratégie?
Bien que Daesh revendique plusieurs attentats ces dernières années dans le monde entier, son empreinte locale semble donc sur le point de s'écrouler définitivement.
Heval Roni, chef des opérations des FDS, a quant à lui assuré que "géographiquement parlant, il ne reste que quatre kilomètres sous le contrôle de Daesh, de Baghouz en allant vers la frontière irakienne". Ces prochaines semaines, les larges opérations militaires devraient ainsi être progressivement abandonnées au profit "d'opérations de sécurité précises" à la frontière irakienne.
Mercredi passé, les FDS se sont emparées de Baghouz, dernier village détenu par Daesh et une contre-attaque des jihadistes a échoué le jour suivant, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Depuis la perte de sa capitale syrienne Raqqa, Daesh semble avoir changé de tactique en activant des "cellules dormantes, le recrutement secret de combattants et des opérations suicide, des attentats à la bombe et des assassinats".
Une stratégie prévue quelques mois auparavant par Sébastien Boussois: "Je pense qu’il y a des choses qui se préparent en douce dans des cellules qui sont pour l’instant en veille. De plus, les profils de radicalisation évoluent sans cesse, comme des caméléons."