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Russie: un célèbre journaliste d'investigation accusé de trafic de drogue

Une photo du journaliste russe Ivan Golunov

Une photo du journaliste russe Ivan Golunov - Yuri KADOBNOV / AFP

Un journaliste russe d'investigation, Ivan Golounov, a été arrêté ce jeudi par la police russe. Accusé de trafic de drogue, il clame son innocence.

La police russe a annoncé ce vendredi avoir arrêté un journaliste d'investigation pour détention de drogue. Une affaire qui selon le journal en ligne russe indépendant Meduza, ou Ivan Golounov travaille, serait montée de toute pièce avec pour but de faire taire le journaliste.

D'après un porte-parole de la police, Ivan Golounov, 36 ans, a été interpellé jeudi dans le centre de Moscou. En le fouillant, les forces de l'ordre auraient découvert un sachet contenant près de 4 grammes de méphédrone, une drogue de synthèse, dans son sac à dos.

Selon la même source, les policiers ont ensuite trouvé lors d'une perquisition à son domicile d'autres sachets avec des stupéfiants et une balance. La branche locale du ministère de l'Intérieur a diffusé des photographies de ce qu'elle présente comme des appareils artisanaux servant à fabriquer de la drogue de synthèse.

Le journaliste est soupçonné de "trafic de drogue" et encourt jusqu'à 15 ans de prison. Il doit être présenté à un juge qui décidera d'un éventuel placement en détention préventive.

Le Kremlin a dit être au courant de l'affaire, tandis que le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, a ordonné au chef de la police moscovite de placer l'enquête sous son contrôle direct. Le parquet a également promis d'étudier "en détail" le cas du journaliste.

Ivan Golounov dément les accusations portées contre lui.

Pour son avocat, "les drogues ont été placées à son insu"

D'après son avocat, Dmitri Djoulaï, Golounov a été frappé à deux reprises lors de sa détention par les policiers. Policiers qui ne lui ont permis de voir son avocat qu'au bout de 14 heures de détention.

Le journaliste s'est également vu refuser le droit de passer un appel téléphonique. La police n'a pas non plus pris la peine d'effectuer des prélèvements ADN sur ses mains ou son sac tel qu'il l'avait demandé dans l'optique de prouver son innocence.

En raison de ces nombreuses violations de protocole, son avocat a indiqué à l'AFP que "de nombreux éléments laissent à penser que les drogues ont été placées à son insu".

"Nous sommes convaincus qu'Ivan Golounov est innocent. De plus, nous avons des raisons de croire que Golounov est poursuivi en raison de son activité journalistique", a indiqué dans un communiqué la direction de Meduza, ajoutant que le journaliste avait "reçu des menaces ces derniers mois" en raison d'une enquête sur laquelle il travaillait.

Ivan Golounov, que son média décrit comme "l'un des journalistes d'investigation les plus connus de Russie", a notamment publié des enquêtes sur les escroqueries menées par les entreprises de microcrédits, sur la crise des déchets à Moscou, sur le partage mafieux du business des cimetières et d'autres affaires de corruption et de détournement de fonds.

"La réputation professionnelle d'Ivan Golounov est sans faille. C'est un journaliste méticuleux, honnête et impartial", a ajouté la direction de Meduza, média basé à Riga pour échapper au contrôle des autorités russes.

Les journalistes russes mobilisés

Une mobilisation de soutien à Ivan Golounoc avait lieu ce vendredi après-midi à Moscou. Mobilisation au cours de laquelle plusieurs journalistes réputés ont été interpellés par la police.

Au moins 12 personnes dont les journalistes d'opposition Ilia Azar et Oleg Kachine ont été embarqués dans un fourgon de la police avec des pancartes exigeant la libération d'Ivan Golounov.

D'après Meduza, ils ont rapidement été relâchés. Aucune charge n'ont été retenues contre eux. Cependant, si la police moscovite avait arrêtée pendant quelques minutes d'interpeller les manifestants tout en dispersant la foule, les arrestations ont très rapidement repris

Reporters sans frontières se dit très inquiet

L'organisation Reporters sans frontières (RSF) s'est pour sa part dite "très inquiète" de l'arrestation d'Ivan Golounov et du "comportement très suspect de la police", qui suggère, selon l'ONG, "des accusations montées de toutes pièces pour faire taire un journaliste d'investigation connu pour ses reportages percutants".

Pour Johann Bihr, responsable de l'Europe de l'Est pour RSF, si l'affaire s'avérait falsifiée cela "marquerait une escalade significative dans la persécution du journalisme indépendant en Russie". 

La Russie figure à la 149e place du classement de la liberté de la presse de RSF en 2019, sur un total de 180 pays.

Aude Solente avec AFP