Quand Bill Clinton déclarait son admiration pour Lionel Jospin

Bill Clinton et Lionel Jospin à Washington en 1999. - Joyce Naltchayan - AFP
Ils se tutoient en se donnant du "Bill" et du "Tony". et se font des confidences étonnantes telles que éviter de se promener nu à la Maison Blanche, toujours avoir une banane dans la main et porter des pulls en cachemire écossais. La bibliothèque présidentielle de Bill Clinton a rendu publiques 500 pages de retranscriptions de conversations téléphoniques de 1997 à 2000 qu'il avait avec Tony Blair, le Premier ministre britannique de l'époque.
Les documents viennent d'être déclassifiés mais beaucoup de propos du Premier ministre britannique sont effacés et censurés, la bibliothèque Clinton n'ayant pas le droit de publier toutes les déclarations faites en privé par un dignitaire étranger. Le chef du gouvernement britannique travailliste (1997-2007) et le président américain démocrate (1993-2001) se parlent très régulièrement et leurs conversations à bâtons rompus débutent souvent par des saillies et des traits d'humour de l'un ou de l'autre.
Une admiration pour Jospin
Les deux hommes aiment aussi parler de leurs collègues des autres pays. Ainsi, l'une des pépites de dans ces conversations réside dans la déclaration d'amour de l'ancien président américain à Lionel Jospin, alors Premier ministre. Le 31 juillet 1998, les deux hommes parlent de Jospin, après une visite du Français à Washington. "Hillary et moi, nous l'aimons et aimons sa femme", s'enflamme Clinton. Le président remarque que "l'anti-américanisme est inné" en France, tant "à gauche" que chez les "gaullistes". Mais, ajoute à propos de Jospin: "J'ai toujours tellement admiré ce type".
A l'occasion de l'arrivée au pouvoir en France du socialiste Jospin, Premier ministre de 1997 à 2002, son homologue travailliste britannique s'inquiète auprès du démocrate américain des "eaux agitées de l'Union monétaire européenne avec la victoire de Jospin", dans un appel daté du 10 juin 1997. "Mais cela pourrait t'offrir un peu plus d'espace", tente de rassurer Clinton. "Ouais, peut-être que cela va m'offrir plus de place", consent Blair. "C'est tout simplement très difficile de demander à un gouvernement socialiste (...) de ne rien faire d'autre que de couper les dépenses quand on a 13% de chômage", juge le président des Etats-Unis.
"Nu à la Maison Blanche"
Plus léger. Alors que Blair doit arriver à Washington un soir d'avril 1999, quelques heures avant le retour d'un voyage de Clinton, et qu'il lui demande s'il peut dormir à la Maison Blanche dans le lit qui a accueilli son illustre prédécesseur Winston Churchill, le président lui répond: "Tant que tu ne t'exhibes pas nu avant de prendre ton bain. Tu es trop jeune et trop svelte".
"Je vieillis dans ce foutu boulot. Bill, c'est super", lui rétorque Blair, à l'époque âgé de 45 ans, en acceptant l'invitation.
En février 1999, les deux hommes parlent aussi du commerce international de bananes, mais la conversation dérive rapidement.

A l'époque, le vice-président américain Al Gore s'était rendu à Londres pour rencontrer le vice-Premier ministre britannique John Prescott. Le numéro deux de la Maison Blanche s'était amusé du fait que le bureau de son hôte n'avait pour seul élément décoratif qu'une coupe de fruits contenant des bananes.
"Mes conseillers ne me laissent pas te parler sans que j'ai une banane dans la main. Je suis assis ici avec une grosse banane, moche et trop mûre", rigole Clinton au téléphone.
Sujets de discordes
"Maintenant, Bill, je pense que nous devrions dire un mot du Kosovo", l'interrompt le Premier ministre britannique, en pleine crise dans cette ancienne province serbe devenue ensuite un pays indépendant. Car les deux anciens chefs d'Etat avaient quelques sujets de discordes comme celui-ci mais le Proche-Orient, la construction européenne, l'économie, la mort de la Princesse Diana dans un accident de voiture à Paris le 31 août 1997 ou encore l'Irlande du Nord.
Les deux comparses plaisantent encore sur la passion de Clinton pour les "pulls en cachemire écossais", surtout lorsqu'il joue au golf, ce qui pourrait "déplaire aux Irlandais". Les deux dirigeants ont joué un rôle crucial pour la mise sur pied du fameux accord du Vendredi saint du printemps 1998 censé mettre un terme au conflit en Irlande du Nord. "Quand j'en aurai terminé ici, je veux être fait citoyen honoraire du Royaume-Uni et avoir un siège (d'élu) en Ecosse près d'un bon parcours de golf", confie le président américain à son interlocuteur.