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Pakistan: un blogueur enlevé retrouve la liberté mais reste inquiet pour sa sécurité

Des militants des droits de l'Homme pakistanais montrent une banderole de blogueurs ayant disparus, le 10 janvier à Islamabad

Des militants des droits de l'Homme pakistanais montrent une banderole de blogueurs ayant disparus, le 10 janvier à Islamabad - AAMIR QURESHI, AFP/Archives

Un militant pakistanais ayant critiqué l'extrémisme et les autorités, libéré fin janvier après plusieurs semaines de rétention arbitraire, reste inquiet pour sa sécurité, a-t-il indiqué à l'AFP, au point de ne pas oser détailler les circonstances de sa captivité.

Ahmad Waqass Goraya, qui s'exprime pour la première fois depuis son épreuve, a été enlevé début janvier dans une rue de Lahore, capitale culturelle du pays.

Au moins quatre autres militants ont disparu à la même période, dans des circonstances laissant envisager une implication des services de l'Etat, qui ont un lourd passé en matière de disparitions forcées, selon Human Rights Watch, des opposants et des militants pakistanais.

L'impression de ne jamais revenir

Ahmad Waqass Goraya a été libéré fin janvier, en même temps qu'au moins trois des autres militants, blogueurs ou universitaire. Ce salarié dans l'informatique de 34 ans s'est empressé de retourner aux Pays Bas, où il vit depuis une décennie.

"J'ai eu l'impression que je ne reviendrais jamais, que je ne reverrais jamais mon fils ni ma famille", raconte-il depuis Rotterdam, à l'AFP par téléphone, visiblement tendu.

Comme les autres militants, Ahmad Waqass Goraya, peu connu, avait critiqué sur internet l'extrémisme religieux et la puissante armée pakistanaise. Il a refusé d'évoquer l'identité de ses ravisseurs et de décrire sa rétention, mais il a assuré avec colère que ses critiques des abus de pouvoir au Pakistan ne faisaient pas de lui un traître.

Accusation de blasphème

"Rien de ce que je n'ai écrit n'était contre le Pakistan, rien contre l'islam, j'étais critique des décisions politiques car je souhaite voir le Pakistan s'améliorer", a-t-il martelé.

Ahmad Waqass Goraya a dit craindre les conséquences d'une campagne relayée pendant son absence par la droite religieuse pakistanaise qui l'a accusé d'être un blasphémateur, ce qui le met en danger jusqu'en Europe.

Ces accusations, répandues sur les médias sociaux pakistanais et reprises par des émissions télévisées, reviennent à un appel au meurtre dans ce pays conservateur, où le blasphème est passible de la peine de mort et un mobile de meurtre récurrent.

Selon Ahmad Waqass Goraya, des accusations de blasphème ont été diffusées sur des réseaux sociaux suivis par la communauté pakistanaise vivant aux Pays Bas, ce qui l'a poussé à contacter la police.

Meesha Saeed, la femme de Ahmad Waqass Goraya un blogueur enlevé et Fraz Haider et le frère de Salman Haider, un autre blogueur ayant disparu Salman Haider, le 18 janvier 2107 à Islamabad
Meesha Saeed, la femme de Ahmad Waqass Goraya un blogueur enlevé et Fraz Haider et le frère de Salman Haider, un autre blogueur ayant disparu Salman Haider, le 18 janvier 2107 à Islamabad © AAMIR QURESHI, AFP/Archives

Le Pakistan nie toute implication

Le Pakistan a un lourd passé en matière de disparitions forcées ces dix dernières années, mais la plupart ont eu lieu dans des zones de conflit, le long de la frontière afghane ou dans le Baloutchistan, vaste province du sud-ouest agitée par un mouvement séparatiste.

Pour des observateurs et élus d'opposition, les disparitions organisées en janvier relèvent d'une nouvelle stratégie de l'armée, pour faire taire contestation et dissidence en ligne.

Les autorités ont démenti toute implication dans les disparitions, qui ont entraîné des manifestations dans plusieurs villes pakistanaises de progressistes inquiets d'une réduction de la liberté de parole - un but effectivement atteint, déplore Ahmad Waqass Goraya.

G.D. avec AFP