Otages libérés: pourquoi les États-Unis ne communiquent pas sur leurs ressortissants prisonniers

Les ex-otages à leur arrivée en France, samedi 11 mai 2019 - François Guillot - Pool - AFP
Moins d'une semaine après la libération de quatre otages dont deux Français au cours d'une opération de l'armée française au Burkina Faso qui a coûté la vie à deux soldats, de nombreuses questions se posent. Si les deux hommes rapatriés ce samedi jusqu'à la base militaire de Villacoublay à quelques kilomètres de Paris ont été accueillis sobrement par Emmanuel Macron et le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, on en sait en revanche beaucoup moins sur les deux autres otages, une sud-coréenne et une Américaine.
Un responsable de l'ambassade de la Corée du Sud à Paris a indiqué que l'otage coréenne est une "simple touriste" qui "voyageait simplement". Son enlèvement par des hommes armés, aurait eu lieu il y a un mois, alors qu'elle tentait de traverser en voiture la frontière entre le Burkina et le Bénin. Elle se trouvait en compagnie de l'Américaine, selon le responsable de son ambassade à Paris.
Prisonnière depuis 28 jours
Vendredi, Tibor Nagy, le responsable du département d'Etat américain chargé de l'Afrique avait, via les réseaux sociaux, remercié la France pour la libération de la ressortissante et selon plusieurs sources, cette dernière aurait été prise en charge par les services américains. La chaîne ABC a souligné de son côté qu'il s'agissait d'une touriste prisonnière depuis 28 jours, comme l'ont indiqué les autorités françaises lors d'une conférence de presse, mais peu d'informations supplémentaires ont filtré. Ce dimanche, le JDD avait d'ailleurs publié une photo des otages où cette dernière avait, sur demande des autorités, été retirée.
Les États-Unis refusent de payer les rançons
Pourquoi un tel manque de communication de la part des autorités américaines? Dans un premier temps, il convient de rappeler que la politique outre-Atlantique concernant les otages est bien différente de celle en France. En 2014, au moment de la capture et de l'exécution de l'humanitaire écossais David Haines par Daesh, le président d'alors, Barack Obama, avait indirectement reproché à la France d'avoir voulu payer la rançon demandée pour ce dernier.
A l'époque, le New York Times avait d'ailleurs expliqué que durant un long entretien avec l'ancien président, ce dernier avait "exprimé sa frustration vis-à-vis du fait que les Français paient des rançons aux terroristes."
Comme le rappelait de son côté Slate, "il a noté que les Etats-Unis ne paient de rançons aux terroristes, mais a remarqué avec irritation que le président français François Hollande dit que son pays ne paie pas, alors qu'en fait, oui."
Officiellement, la politique américaine est claire: il est hors de question de payer une rançon pour un otage et par conséquent, enrichir un groupe terroriste. De fait, la gestion des prises d'otages de ressortissants américains reste floue. Selon Joshua Keating, politologue interrogé par le même média, "la conséquence, c'est que, alors que des dizaines de citoyens européens ont été libérés par des groupes terroristes ces cinq dernières années, très peu d'Américains ou de citoyens britanniques" sont concernés.
L'épineuse question des libérations
Interrogée par Le Figaro, Natalie Maroun, directrice du développement de l'Observatoire international des crises et analyste des médias, estime de son côté que la décision de ne pas payer les rançons peut prendre une dimension plus philosophique. "Cela me semble paradoxal de frapper les djihadistes d'un côté et de négocier avec eux de l'autre", explique-t-elle.
"Pour les Américains, un homme pris en otage est pratiquement un homme perdu. On part du principe que ça fait partie de la prise de risque. Ce qui fait que les négociations aboutissent rarement", poursuit-elle.
Au cours de cet entretien, réalisé en 2014 peu après l'exécution du journaliste James Foley, premier otage américain tué par Daesh, Natalie Maroun détaillait également un certain état d'esprit américain en temps de crise: "Dans une situation de crise, on cherche le compromis, en période de guerre, on cherche, quoi qu'il arrive, à anéantir l'adversaire."