L'Arabie saoudite exécute 47 personnes, dont une figure de l'opposition

Des femmes saoudiennes protestent contre l'exécution du chef chiite et figure de l'opposition Nimr Baqer al-Nimr, le 2 janvier 2016. - AFP
L'Arabie saoudite a exécuté samedi 47 personnes condamnées pour "terrorisme", dont des jihadistes sunnites d'Al-Qaïda et le chef religieux chiite Nimr Baqer al-Nimr, figure de la contestation contre le régime saoudien, suscitant les critiques de Téhéran et du monde chiite.
Un total de 47 exécutés, au sabre ou par balles
Les condamnés -45 Saoudiens, un Égyptien, un Tchadien- ont été exécutés au sabre ou par balles dans douze villes du royaume, a précisé le ministère de l'Intérieur.
Hormis Nimr Baqer al-Nimr, une majorité de jihadistes d'Al-Qaïda figurent parmi les 46 autres personnes mises à mort alors que le royaume s'inquiète de la menace représentée par les groupes extrémistes sunnites comme Daesh. La liste inclut le nom de Fares al-Shuwail que des médias saoudiens ont présenté comme étant un leader religieux d'Al-Qaïda en Arabie saoudite, arrêté en août 2004.
Al-Qaïda a récemment promis des représailles en cas d'exécution de ces membres. Les exécutés avaient été condamnés, selon les autorités, dans différentes affaires, notamment pour avoir épousé une idéologie radicale, rejoint des "organisations terroristes" et mis à exécution des "complots criminels".
Figure de proue de l'opposition
Le cheikh Nimr al-Nimr, 56 ans, virulent critique de la dynastie sunnite des Al-Saoud, a été la figure de proue du mouvement de contestation qui avait éclaté en 2011, dans la foulée des printemps arabes, dans l'est de l'Arabie où vit l'essentiel de la minorité chiite.
Cette communauté, qui se concentre dans la Province orientale riche en pétrole, se plaint d'être marginalisée dans ce pays majoritairement sunnite. Elle a été victime "de discriminations sectaires", selon le chercheur Toby Matthiesen de l'Université d'Oxford.
L'exécution du cheikh Nimr "provoquera la colère des jeunes" chiites en Arabie saoudite, a mis en garde son frère, Mohammed al-Nimr, contacté par l'AFP. "Il y aura des réactions négatives à l'intérieur du royaume et à l'étranger mais nous espérons qu'elles seront pacifiques", a-t-il déclaré tout en soulignant "rejeter la violence".
Le cheikh Nimr avait été condamné à mort en octobre 2014 pour "terrorisme", "sédition", "désobéissance au souverain" et "port d'armes" par un tribunal de Ryad spécialisé dans les affaires de terrorisme. Son arrestation en juillet 2012 s'était déroulée de manière mouvementée et deux de ses partisans avaient été tués au cours des manifestations qu'elle avait provoquées.
Le neveu du cheikh, Ali al-Nimr, également condamné à mort, ne figure pas parmi les suppliciés. Sa condamnation à mort alors qu'il était mineur au moment des faits avait suscité de vives critiques des défenseurs des droits de l'Homme dans le monde. La France était également montée au créneau pour éviter son exécution.
Indignation dans le monde chiite
L'exécution de Nimr Baqer al-Nimr a suscité l'indignation dans le monde chiite. En Irak, des centaines de personnes ont manifesté dans la ville sainte chiite de Kerbala, certains dirigeants appelant le gouvernement à fermer l'ambassade d'Arabie saoudite récemment rouverte à Bagdad.
Toujours en Irak, un dirigeant de la coalition paramilitaire chiite "hached al-chaabi" (ou Unités de mobilisation populaire), Abou Mahdi al-Mohandis, a accusé "les dirigeants saoudiens de soutenir le terrorisme dans le monde entier en envoyant des takfiris (extrémistes), des armes et des voitures piégées dans les pays musulmans. Ils ont exécuté aujourd'hui le plus honnête homme d'Arabie saoudite".
L'Iran, puissance chiite dont les relations sont tendues avec l'Arabie saoudite sunnite, a promis que Riyad paiera "un prix élevé" pour la mort du cheikh Nimr al-Nimr. Qualifiant "d'irresponsables" les déclarations de Téhéran, le porte-parole du ministère saoudien de l'Intérieur, Mansour al-Turki, a souligné que son pays "croyait en ce qu'il faisait et ne se préoccupait pas de ce que les autres pensent" à ce sujet.
Le Hezbollah chiite libanais a pour sa part condamné "un crime haineux (perpétré) sur la base de fausses allégations, de lois corrompues et d'une logique pervertie qui n'a rien à voir avec la justice". Des manifestations réprimées au gaz lacrymogène ont également éclaté à Bahreïn.
Menaces d'Al-Qaïda
Le 1er décembre, la branche d'Al-Qaïda au Yémen avait menacé de faire "couler le sang" si les autorités saoudiennes décidaient de mettre à mort des jihadistes détenus en Arabie. "Nous entendons parler d'exécutions que le gouvernement des Al-Saoud a l'intention de pratiquer contre des frères moudjahidine actuellement détenus. Nous faisons le serment de sacrifier notre propre sang pour sauver le leur", avait affirmé Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa).