Irak: le barrage de Mossoul menacerait de céder, un million de personnes en danger

Le barrage de Mossoul, photographié ici le 3 mars 2016, est le 4e plus important du Moyen-Orient. - Safin Hamed - AFP
Le barrage de Mossoul, dans le nord de l'Irak, est-il sur le point de rompre? En 2007, des ingénieurs américains mettaient déjà en garde contre le risque d'effondrement du plus grand barrage du pays (et quatrième du Moyen-Orient), construit sur le Tigre, chargé d'approvisionner en eau et en électricité la majeure partie de la région de Mossoul. Erodée, la structure du barrage, mis en service en 1984, menace en effet de céder à la pression de l'eau retenue. Un rapport américain rendu public au début du mois de février par le Parlement irakien est venu remettre les inquiétudes au goût du jour.
Selon ce document daté du 30 janvier, et rédigé par le corps d'ingénieurs de l'armée américaine, le scénario pourrait être bien pire que ce qui avait envisagé jusqu'alors. "Tous les éléments récoltés au cours des douze derniers mois indiquent que les risques de rupture du barrage de Mossoul sont bien plus importants que ce qui avait été imaginé", prévient ce rapport.
Erosion et manque de maintenance
En cause, l'érosion de la structure du barrage. Le sol de gypse et de calcaire sur lequel a été construit le barrage s'érode au contact de l'eau, ce qui entraîne le creusement de cavités dans les soubassements du barrage.
Conscientes du problème, les autorités irakiennes ont déjà tenté de consolider les fondations de la construction, en injectant du ciment dans les sous-sols, et dans ces cavités. Mais la prise du barrage par les jihadistes de Daesh en août 2014, pendant quelques jours, avant sa reconquête par les Peshmergas, a interrompu les travaux et fait passer la maintenance au second plan. L'état de la structure aurait depuis empiré.
Fin 2015, la compagnie italienne Trevi a signé un contrat de 273 millions d'euros avec le gouvernement irakien pour consolider la structure. La campagne de travaux, qui pourrait durer plus de deux ans, n'a pas encore commencé. Mais le temps presse: en cette saison de fonte des neiges, le niveau d'eau pourrait augmenter de façon significative, renforçant dangereusement la pression sur le barrage.
Des risques humains à grande échelle
En cas de rupture du barrage, la catastrophe serait sans commune mesure. Selon les experts, elle entraînerait la formation d'une vague géante de 20 mètres qui s'abattrait en une heure sur Mossoul, la deuxième ville d'Irak avec 1,5 million d'habitants, située à 50 kilomètres du barrage, et actuellement sous contrôle de Daesh. D'après l'ambassade américaine à Bagdad, 500.000 à 1,5 million de personnes pourraient trouver la mort en l'espace de quelques heures dans ce raz-de-marée géant, si elles ne sont pas évacuées à temps.
Pour se mettre en sécurité, les habitants de Mossoul et Tikrit devront s'écarter de cinq à six kilomètres des rives du Tigre, selon un scénario d'évaluation des risques établi par l'ambassade. Quant à la capitale, Bagdad, pourtant située à plus de 400 kilomètres du barrage, elle ne serait pas épargnée: submergée dans les 3 à 4 jours suivant la rupture du barrage par une vague de 5 mètres, elle pourrait perdre 5.000 de ses habitants, tout comme de nombreuses agglomérations situées sur les rives du Tigre. La catastrophe ferait également des millions de déplacés.
"Nous ne disposons d’aucune information spécifique concernant le moment où pourrait survenir une rupture, mais par précaution, nous tenons à souligner qu’une prompte évacuation constitue la solution la plus efficace pour sauver la vie de centaines de milliers de personnes vivant dans la partie la plus dangereuse du trajet des inondations en cas de rupture", a indiqué l'ambassade américaine fin février.
En guise de comparaison, les experts américains se réfèrent à l'ouragan Katrina, qui avait frappé la Nouvelle-Orléans en 2005, et fait plus de 1.800 victimes. La rupture du barrage de Mossoul serait, selon eux, "mille fois pire".