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Mort d'al-Baghdadi: le récit de Trump remis en cause par le Pentagone et la presse

Le site du raid américain qui a permis l'élimination d'al-Baghdadi.

Le site du raid américain qui a permis l'élimination d'al-Baghdadi. - Omar HAJ KADOUR / AFP

Dimanche, Donald Trump a raconté qu'Abou Bakr al-Baghdadi était mort en "criant, en pleurant en gémissant". Ce détail n'a pas été repris par le Pentagone, et la presse souligne qu'il n'a pas pu, alors, assister aux derniers moments du jihadiste.

A 17 heures samedi, sur la foi des renseignements américains mais aussi kurdes, huit hélicoptères de l'armée des Etats-Unis décollaient d'Irak, a rappelé lundi CNN. L'opération "Kayla Mueller", du nom de cette travailleuse humanitaire enlevée par Daesh, violée par Abou Bakr al-Baghdadi et tuée en 2015 alors qu'elle était encore entre les mains des terroristes, venait de commencer.

Embarras au plus haut 

1h10 de vol plus tard, les troupes d'élite, dont des soldats de la Force Delta, débarquaient sur ce site du nord-ouest de la Syrie, dans la région d'Idleb, où elles devaient trouver le soi-disant "calife". Au terme de l'opération, ils avaient capturé deux combattants du mouvement jihadiste ainsi que onze enfants. Deux femmes d'Abou Bakr al-Baghdadi étaient abattues. Fin de partie pour lui aussi: acculé dans un tunnel souterrain avec trois de ses enfants, il s'est tué, ainsi que sa progéniture, en actionnant sa veste piégée. 

C'est le récit que Donald Trump a relayé ce dimanche en annonçant officiellement la mort d'Abou Bakr al-Baghdadi. Il a aussi divulgué d'autres éléments, visiblement plus discutables, vis-à-vis desquels le Pentagone a aussitôt pris de la distance et que la presse américaine a remis en cause.

Le président américain a ainsi assuré que le potentat terroriste était mort "comme un chien", en "criant, pleurant, gémissant". Il est pourtant hautement incertain que le président des Etats-Unis ait eu l'occasion d'assister à l'épilogue au fond du tunnel syrien, et plus encore qu'il ait eu l'occasion d'entendre quoi que ce soit. Dimanche, interrogé par l'émission This Week de la chaîne ABC au sujet des déclarations de son patron, Mark T. Esper, secrétaire à la Défense, renâclait déjà à les reprendre à son compte, se bornant à dire qu'il ne disposait pas des "mêmes détails". Il suggérait en revanche que Donald Trump avait pu s'entretenir avec des membres du commandos ou leurs officiers. 

Avec d'autres mots, le général Mark A. Milley a dit la même chose lundi face à la presse, dont le New York Times. Le président du Comité des chefs d'état-major interarmées, autorité la plus élevée au sein des forces américaines, a ainsi admis qu'il n'avait pas "les mêmes informations" que son président mais que celui-ci avait pu les tirer d'officiers ou de soldats engagés dans l'action. 

Captation

Le quotidien new-yorkais a tenté d'y voir plus clair en tâchant de savoir quelle avait été la nature exacte du suivi de l'opération par Donald Trump dans la "Situation Room" de la Maison Blanche. Les images auxquelles le chef d'Etat a eu accès en temps réel étaient en fait une captation aérienne du site, offrant plusieurs angles de vue, colorée par les signatures thermiques des protagonistes, le tout retransmis sur plusieurs écrans. Les militaires déployés au sol étaient bien équipés de caméras arrimées à leur torse mais elles ne faisaient qu'enregistrer sans diffuser aussitôt. Pour les visionner, il fallait les télécharger a posteriori. Ni le Pentagone ni la Maison Blanche n'avaient donc pu consulter ces images, selon le New York Times, au moment où Donald Trump s'est installé derrière les micros. 

De surcroît, Donald Trump n'a rien pu entendre des échanges sur place. S'il était bien renseigné par des rapports in vivo, à l'instar de Barack Obama, abreuvé d'informations livrées par Leon Panetta, alors directeur de la CIA, lors de l'intervention ayant conduit à l'élimination d'Oussama Ben Laden au Pakistan en 2011, il n'existait pas de communication audio en direct entre le site syrien et la Maison Blanche. 

Un dernier obstacle, bien qu'hypothétique à ce stade, vient gêner le récit de Donald Trump et sa faculté à avoir eu connaissance des derniers instants d'Abou Bakr al-Baghdadi : on ne sait pas si le chien qui a suivi al-Baghdadi dans le tunnel - dont l'action a été saluée sur Twitter par Donald Trump lundi - portait une caméra.

Robin Verner