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Macron critique la couverture des attentats islamistes en France par les médias anglo-saxons

Le président de la République, Emmanuel Macron.

Le président de la République, Emmanuel Macron. - Ludovic Marin / pool / AFP

Dans un échange téléphonique raconté par l'un des éditorialistes vedettes du New York Times, le président accuse certains médias anglo-saxons de méconnaître les spécificités culturelles françaises.

Emmanuel Macron alimente à nouveau le débat identitaire entre France et États-Unis déclenché par l'assassinat de Samuel Paty. Le président de la République s'est plaint auprès du quotidien américain The New York Times de la couverture par plusieurs médias de langue anglaise des récents attentats jihadistes commis dans l'Hexagone. Il les accuse notamment de "légitimer" la violence de par leur incompréhension du contexte français.

"Lorsque la France avait été attaquée il y a cinq ans, toutes les nations du monde nous avaient soutenus", déclare Emmanuel Macron, cité dans la version française d'un article publié dimanche soir sur le site du prestigieux quotidien new-yorkais.

"Et quand je vois, dans ce contexte, de nombreux journaux qui je pense viennent de pays qui partagent nos valeurs, qui écrivent dans un pays qui est l'enfant naturel des Lumières et de la Révolution française, et qui légitiment ces violences, qui disent que le cœur du problème, c'est que la France est raciste et islamophobe, je dis: les fondamentaux sont perdus", ajoute le chef de l'État.

"Différence de valeurs"

Dans le même article, le journaliste du New York Times Ben Smith écrit qu'Emmanuel Macron accuse les médias anglophones, et américains en particulier, de chercher "à imposer leurs propres valeurs à une société différente". Il leur reproche, toujours sous la plume de Ben Smith, de ne pas comprendre "la laïcité à la française - une séparation active de l'Église et de l'État qui date du début du XXe siècle".

"La société américaine a été une société ségrégationniste et elle a bâti ensuite un modèle multiculturaliste qui est au fond la coexistence d’ethnies et de religions côte à côte. (...) Notre modèle est universaliste et pas multiculturaliste", constate le chef de l'État.

"Dans la société, je me fiche de savoir si quelqu’un est noir, jaune, blanc, s’il est catholique ou musulman, il est d’abord citoyen", ajoutet-il. Et Ben Smith, chroniqueur et éditorialiste vedette de la rubrique médias du New York Times, d'admettre sous sa plume à l'existence d'une "véritable différence de valeurs" entre la France les États-Unis.

"Les Français lèvent les yeux au ciel devant le christianisme démonstratif des États-Unis. Et les sorties de M. Macron sur le voile ou les menus à l’école, tout comme les plaintes du ministre de l’Intérieur sur les rayons halal dans les supermarchés, se heurtent à l’importance qu’accordent les Américains à la tolérance religieuse et à la liberté d’expression protégée par le premier amendement de leur constitution", écrit-il.

"Condoléances pudiques"

La France a subi ces dernières semaines trois attentats jihadistes: une attaque fin septembre à l'arme blanche qui a fait deux blessés près des anciens locaux de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, la décapitation le 16 octobre du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty qui avait travaillé avec ses élèves sur les caricatures du prophène Mahomet publiées par Charlie Hebdo, et une attaque au couteau qui a fait trois morts fin octobre dans une basilique de Nice.

Après l'assassinat de Samuel Paty, Emmanuel Macron avait exprimé son soutien à la liberté de caricaturer et son gouvernement avait lancé une série de procédures judiciaires et administratives contre des associations musulmanes françaises soupçonnées de complaisance avec l'islamisme radical. À la suite de quoi, le président turc Recep Tayyip Erdogan l'avait accusé de défendre le blasphème contre l'Islam, et avait appelé ses concitoyens à boycotter les produits français.

Dans un long entretien accordé à la revue géopolitique Le Grand Continent, le président français a pointé du doigt les "condoléances (...) pudiques" de certains dirigeants, en particulier dans le monde musulman. Il a également prévenu qu'il n'allait pas, concernant le droit à la caricature, "changer" le droit français "parce qu'il choque ailleurs".

Jules Pecnard avec AFP Journaliste BFMTV