Les Suisses votent pour limiter drastiquement la publicité sur le tabac

Un panneau électoral en faveur de l'interdiction de la publicité pour le tabac en Suisse, à Lausanne le 8 février 2022 - Valentin FLAURAUD © 2019 AFP
Les Suisses limitent presque totalement la publicité sur le tabac. Selon la Chancellerie fédérale, ce résultat a été acquis à une majorité de 16 cantons sur 26, et de près de 57% des votants.
"On est extrêmement contents. Le peuple a quand même compris que la santé est plus importante que les intérêts économiques", a déclaré à l'AFP Stefanie de Borba, de La Ligue contre le cancer.
Fumer est une "illusion de liberté", a souligné le docteur Jean-Paul Humair, porte-parole du "Oui".
"On s'est aperçu que c'est important de protéger les enfants et les adolescents contre le tabagisme, et que la publicité est un outil majeur pour obtenir de nouveaux consommateurs", a-t-il dit.
Un pays qui défend habituellement les intérêts économiques de la nation
Le pays alpin, où envir on une personne sur quatre fume, avait jusqu'à présent une législation très permissive dans le domaine de la publicité sur le tabac, notamment en raison du très fort lobbying des plus grands cigarettiers du monde, qui y ont leur siège.
Sur le plan national, seules les publicités à la radio et à la télévision et celles qui visent spécifiquement des mineurs sont bannies actuellement.
Et même si certains cantons avaient déjà durci leurs règles et qu'une nouvelle loi devait entrer en vigueur en 2023, les groupes de lutte contre le tabagisme ont estimé qu'une action beaucoup plus décisive était nécessaire pour protéger les jeunes et ont lancé une initiative populaire.
"Dictature du politiquement correct"
Le texte prévoit l'interdiction de toute publicité pour le tabac là où des enfants ou des adolescents peuvent la voir, par exemple dans la presse, sur des affiches ou internet, au cinéma ou lors de manifestations. Les mêmes règles doivent s'appliquer à la cigarette électronique. La publicité qui ne cible que les adultes, par exemple dans les courriels, restera admise.
Les opposants, parmi lesquels le gouvernement fédéral et le parlement, ont estimé que l'initiative va trop loin.
"Au nom de la protection des enfants, on infantilise les adultes", a lancé Patrick Eperon, porte-parole de la campagne du Non et membre de l'organisation Centre patronal, lors d'un entretien à l'AFP.
C'était l'argumentaire aussi de Philip Morris International (PMI), le numéro un mondial du secteur, qui, comme British American Tobacco et Japan Tobacco, a son siège en Suisse.
D'autres ont dénoncé la tendance hygiéniste qui envahit nos sociétés.
"On parle aujourd'hui de la cigarette, on parlera de l'alcool, de la viande. Cela m'énerve de vivre dans une société où on veut cette dictature du politiquement correct où tout doit être réglé", a réagi dimanche Philippe Bauer, membre de la chambre haute suisse (parti Libéral-radical), sur le plateau de la télévision suisse publique RTS.
La Suisse paie un lourd tribut au tabagisme, avec 9.500 décès par an liés au tabagisme, pour une population de 8,6 millions d'habitants.