Les mineurs chiliens marqués durablement

Des policiers à Copiapo devant la demeure de Victor Segovia, l'un des 33 mineurs qui sont restés prisonniers sous terre pendant deux mois. Les "emmurés de l'Atacama" ont été accueilli en héros dans leurs foyers, alors que les détails de leurs 69 jours de - -
par Terry Wade et Juana Casa
COPIAPO, Chili (Reuters) - Les "emmurés de l'Atacama" ont été accueilli en héros dans leurs foyers, alors que les détails de leurs 69 jours de captivité 600 mètres sous terre commencent à émerger, trois jours après leur spectaculaire sauvetage.
Seuls deux des 33 mineurs remontés à la surface mercredi devant les caméras du monde entier ont dû rester à l'hôpital de Copiapo, dans le nord du Chili.
Il est encore difficile de prendre la mesure de leur interminable séjour au fond de la mine de San José, dans le désert d'Atacama. Victor Segovia, l'écrivain du groupe a couché les premiers mots sur le papier, mais ne livre que peu de choses sur son expérience.
"Ce qui est agréable quand on est libre, c'est que, quand on fait un mauvais rêve, on se réveille et on réalise que c'était un rêve. Dedans, on se réveillait au beau milieu du cauchemar", dit-il.
"On a eu des problèmes, comme toutes les familles. On reste longtemps ensemble. Les problèmes commencent... des disputes, mais rien de grave", poursuit-il.
Ariel Ticona, mineur de 29 ans dont le troisième enfant est né alors qu'il se trouvait sous terre, jure, lui, de passer désormais plus de temps avec les membres de sa famille, qui l'ont accueilli avec une pluie de confettis.
Interrogé sur les moments les plus durs de leur séjour au fond de la mine, la plupart de ses compagnons sont restés muets et certains de leurs proches évoquent un pacte conclu pour taire les détails les plus traumatisants.
Certains ont toutefois donné un aperçu de leur calvaire, pendant les 17 jours qui ont précédé leur localisation, après l'effondrement d'une partie des galeries.
"Le pire moment fût celui du second éboulement, lorsque le puits a été entièrement obstrué. J'ai alors pensé que je ne reverrais jamais plus ma femme et que je ne ferais jamais la connaissance de mon futur fils", raconte Richard Villarroel, 27 ans. "Lorsque je priais, je priais en fait pour eux".
"UN ÉTAT TRÈS DÉLICAT"
Les 33, poursuit-il, se sont précipités vers les conduites d'air pour faire brûler des pneus afin d'attirer l'attention des sauveteurs en surface.
Comprenant que leur captivité risquait de durer, les mineurs ont limité leur alimentation quotidienne à deux cuillères de thon et la moitié d'un biscuit sec chacun. Quand leur réserve d'eau minérale est tombée à dix litres, ils ont commencé à boire de l'eau provenant de fûts métalliques contenant des restes d'huile de moteur.
"Nous nous sommes serré les coudes dans les moments difficiles, lorsque nous n'avions plus rien, lorsque nous nous sommes résolus à boire de l'eau qui n'était pas potable",
raconte Franklin Lobos.
Les "miraculés" doivent désormais se remettre de leurs émotions, ce qui prendra sans doute des semaines, voire des mois.
"Certains mineurs sont dans un état très délicat sur le plan psychologique", a déclaré vendredi le ministre de la Santé, Jaime Manlich. "Ils font des cauchemars et se sentent angoissés. Ils vont passer par une période très difficile d'adaptation à la vie normale."
Avant leur localisation, les mineurs ont expliqué avoir été proches du désespoir. Ils ont retrouvé le moral quand ils ont entendu les foreuses s'approcher de la cavité où ils avaient trouvé refuge, bien que l'une d'entre elles les aient manqué de quelques mètres.
Une fois entrés en contact avec une équipe de sauveteurs, ils ont reçu le soutien de psychologues qui leur ont permis de tenir moralement, mais ils subissent désormais le contrecoup de cette épreuve.
"On devrait s'inquiéter de leur évolution psychologique dans le temps, particulièrement après l'euphorie de la période de retrouvailles", souligne John Fairbank, professeur de psychiatrie à l'université de Duke, en Caroline du Nord.
Jean-Loup Fiévet, Grégory Blachier et Jean-Philippe Lefief pour le service français