Le National Geographic consacre sa une à une fillette transgenre, une première

Avery Jackson, une fillette transgenre de 9 ans, fait la couverture du National Geographic. - Capture d'écran National Geographic
"Ce qu'il y a de mieux dans le fait d'être une fille, c'est que je n'ai plus à faire semblant d'être un garçon." Avec ses cheveux colorés, ses yeux marrons, son t-shirt rose et ses leggins assortis, Avery Jackson pose d'un air assuré en une du numéro de janvier du National Geographic.
En choisissant de mettre à l'honneur ce portrait, le célèbre magazine marque une petite révolution dans son histoire: c'est la première fois qu'il consacre sa couverture à une personne transgenre. La fillette américaine de 9 ans a en effet été choisie pour illustrer un dossier sur "la révolution du genre". Pour aborder ce thème, le magazine a rencontré 80 enfants de son âge, afin de les interroger sur leur rapport aux normes de genre et l'impact de ces normes sur leur vie.
Des milliers de réactions
"Si vous voulez savoir comment le genre influence le destin, demandez à un enfant de 9 ans", résume sur Twitter Susan Goldberg, la rédactrice en chef de la publication. Le magazine a interrogé les enfants sur ce qui les rend heureux ou malheureux, ce qu'ils préfèrent dans le fait d'être une fille ou un garçon, ce que leur permet leur genre et ce qu'il les empêche au contraire de faire.
"Le pire, dans le fait d'être une fille, c'est le fait que tu ne peux pas faire ce que font les garçons. Par exemple, ça m'embête qu'il n'y ait jamais eu de fille présidente", explique une fillette originaire du Dakota du Sud.
En parallèle de son dossier, d'un documentaire vidéo et de plusieurs galeries de portraits mettant en scène ces 80 enfants venus de 8 pays différents, le National Geographic a aussi publié un édito pour expliquer le choix de cette couverture, qui a fait réagir notamment sur les réseaux sociaux.
"Des milliers de personnes ont manifesté leur opinion, allant d'expressions de fierté et de gratitude à un véritable acharnement. Quelques-uns ont promis de mettre fin à leur abonnement", décrit Susan Goldberg dans ce texte.
"Chacun porte des étiquettes"
D'après elle, ces commentaires ne sont qu'une infime partie des discussions qui ont lieu actuellement autour du genre. "Aujourd'hui (...) nous parlons de notre compréhension grandissante de la place des gens sur le spectre du genre", poursuit la rédactrice en chef, qui explique avoir choisi Avery parce qu'elle représente la complexité de la conversation actuelle sur cette question et "résume" le concept de "révolution du genre".
"Comme elle, chacun de nous porte des étiquettes apposées par les autres. Celles qui sont des compliments sont portées avec fierté (...) celles qui sont cruelles peuvent être des fardeaux une vie durant", explique Susan Goldberg. "L'étiquette la plus tenace (...) est la toute première que la plupart d'entre nous obtiennent: 'C'est une fille!' ou "C'est un garçon!'"
"Nous préférions une fille heureuse plutôt qu'un fils mort"
Originaire de Kansas City, la jeune Avery, qui n'en est pas à sa première dans les médias, peut compter sur le soutien indéfectible de ses parents. Dans le New York Times, son père Tom est revenu sur le parcours de sa fille, et les raisons qui les ont poussés, lui et sa femme, à l'accompagner dès qu'elle a pu mettre des mots sur ce qu'elle ressentait, à l'âge de 4 ans.
"Plus de 50% des enfants transgenres essaient de se suicider avant la fin de leur adolescence. Un grand nombre d'entre eux y arrivent. Et la raison principale invoquée par ces enfants pour expliquer leur tentative de se faire du mal est le manque d'amour ou de soutien de la part de leur famille et de leurs amis. Ma femme et moi avons décidé que nous préférions avoir une fille heureuse et en bonne santé, plutôt qu'un fils mort", écrit-il dans cette tribune.
Une étude publiée il y a quelques mois par la revue médicale américaine Pediatrics montre que 41% des jeunes transgenres essayent de mettre fin à leurs jours, mais que ce chiffre baisse chez ceux qui sont acceptés par leur entourage. L'étude montre également que chez les jeunes trans non discriminés, la fréquence de troubles mentaux rejoint celle de la population générale.