Le mea culpa du jihadiste français Thomas Barnouin dans une vidéo

Image de propagande captée à Raqqa, en Syrie, lorsqu'elle était aux mains de Daesh. - AFP PHOTO / HO / WELAYAT RAQA
Est-ce une confession sincère ou le repentir stratégique d'un jihadiste capturé cherchant à sauver sa peau? Derrière la caméra, ses geôliers kurdes se contentent-ils d'accoucher leur prisonnier de ses remords ou le mettent-ils en scène pour servir leur propagande? Autant de questions qui se posent en regardant la vidéo mise en ligne ce mercredi sur Internet, où le jihadiste français Thomas Barnouin, figure de la filière d'Artigat, raconte en anglais la trajectoire qui l'a mené de sa France natale aux rangs de Daesh puis à la fin de son équipée salafiste.
Cette vidéo fait suite à une captation similaire: deux jours auparavant, une autre jihadiste française, Emilie König assurait être bien traitée par les YPG kurdes, ou Unités de protection du peuple, qui détiennent plusieurs terroristes français, dont Thomas Barnouin.
Barnouin retrace son parcours
C'est le 17 décembre que ce dernier, avec deux compagnons, est tombé entre les mains des Kurdes près de la frontière irakienne. L'homme, aujourd'hui âgé de 36 ans, le jure devant la caméra: il a été pris alors qu'il venait de déserter l'armée à la bannière noire du "Califat". "J’ai combattu avec Daesh pendant quatre ans, après j’ai compris que c’était des criminels, donc j’ai essayé de les abandonner, mais j’ai été arrêté par les Forces démocratiques syriennes." Après avoir été relancé par un individu qu'on n'aperçoit pas à l'image, il revient sur son parcours:
"En France, j’étais étudiant à l’université. J'étudiais l’histoire et l’arabe. J’étais marié, j’avais deux enfants en France et maintenant j’ai quatre enfants. (...) Je suis arrivé en Syrie avec ma femme et mes deux enfants. Je suis né dans une famille chrétienne, mais je suis devenu musulman en 1999. Puis j’ai étudié en Arabie saoudite entre 2003 et 2006. En 2005, des imams saoudiens m’ont fait basculer dans l’idéologie jihadiste. Une première fois, je suis allé en Syrie, à Damas, depuis l’Arabie saoudite en passant par la Jordanie. J’ai été arrêté et renvoyé en France où j’ai passé trois ans en prison."
A sa sortie de prison, il dit avoir été persuadé de suivre à nouveau le schéma jihadiste par une visite à domicile: "Puis, des musulmans sont venus me voir, disant : 'Nous établissons un Etat islamique en Syrie en ce moment, tu dois venir avec nous pour faire le jihad. J’étais convaincu. Donc, je suis arrivé une seconde fois en Syrie en 2014.'"
Il se retourne contre Daesh
Une bonne part des propos de Thomas Barnouin sont sujets à caution, notamment lorsqu'il dit s'être opposé aux pratiques de Daesh sur place dans les derniers temps de son engagement: "J’ai été arrêté par la police de Daesh en août 2017 car nous étions opposés à la méthodologie de Daesh et à beaucoup de choses. Je suis resté en prison pendant 105 jours. (...) Quand vous êtes arrêté par Daesh, on ne vous dit rien. Il n’y a pas de chef d’accusation. Ils vous prennent et vous jettent en prison, c’est tout. Ils vous battent…"
Des mauvais traitements que ce salafiste issu de la filière d'Artigat, qui peine et soupire tout au long de sa prise de parole, met en regard du respect qu'il prête aux Kurdes vis-à-vis de leurs détenus: "On ne savait pas que vous étiez comme ça, que vous ne torturiez pas, que vous ne battiez pas les prisonniers. Peut-être que si les soldats de Daesh le savaient, ils se rendraient."
Des sous-entendus sur la Turquie
D'ailleurs, s'il est impossible de mesurer la spontanéité ou la contrainte à l'œuvre sous les mots de Thomas Barnouin, on ne peut que remarquer l'insistance avec laquelle il souligne l'incurie voire la duplicité supposées des Turcs, ennemis déclarés des YPG qui ont réalisé la vidéo, dans la lutte contre Daesh. Abordant son voyage de 2014, il dit:
"C’était très simple de faire le voyage. J’ai pris un avion en Espagne vers la Turquie. Puis, j’ai fait Istanbul-Antakya où les gens qui étaient venus me voir chez moi m’ont donné le contact d’un passeur et le passeur m’a introduit en Syrie. Je n’ai pas rencontré de difficulté. J’étais étonné parce que j’étais en prison en France pour des actes terroristes. Donc, en Turquie, je m’attendais à être renvoyé en France mais il n’y a pas eu de problème."
A prendre avec des pincettes
Enfin, Thomas Barnouin dit tout le mal qu'il assure penser à présent de Daesh: "Ce que je pense de Daesh, en toute honnêteté, c’est que c’est une création de services de renseignement. Ce n’est pas une organisation islamique sincère." Il imagine qu'elle a pu être fondée par "d’anciens baassistes et des services de renseignement pour servir certains intérêts au Moyen-Orient", et ne mène la guerre que "pour le pétrole". "Ils ont seulement créé une organisation pour tromper les musulmans, les prendre", déclare-t-il encore. "J'ai été trompé".