Face au changement climatique, des mesures d'urgence "dans la bonne direction, mais pas dans le bon tempo"

Des arbres - Image d'illustration - Moise GOMIS / AFP
Au-delà des beaux discours, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a réclamé des "actions concrètes" pour lutter contre le changement climatique. Lors du sommet organisé lundi en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, beaucoup d'États se sont contentés de résumer les actions déjà engagées. Les quelques annonces faites "ne sont pas dans le bon tempo", explique à BFMTV.com Jean-Paul Moatti, président-directeur de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD).
• La neutralité carbone d'ici 2050
66 États ont souscrit au principe d'une neutralité carbone d'ici 2050. Ils s'engagent à réduire au maximum leurs émissions et à compenser ce qui est tout de même émis, par des procédés naturels ou par des mesures pour le climat.
Mais les plus gros pollueurs, États-Unis, Chine et Inde en tête, ne sont pas parmi les pays signataires. Et les engagements ne sont de toute façon pas suffisants pour atteindre les objectifs de la COP21, précise le président-directeur de l'IRD:
"Il faudrait accélérer par cinq les réductions de gaz à effet de serre."
De gros efforts sont produits pour lutter contre le gaspillage d'énergie, par exemple dans le bâtiment, mais ils sont contrebalancés par certaines pratiques de consommation, ajoute Jean-Paul Moatti, citant l'importance des SUV sur le marché automobile américain.
• 19 entreprises de l'agroalimentaire s'engagent pour la biodiversité
Dix-neuf entreprises, parmi lesquelles des géants du secteur agroalimentaire comme Danone, ont présenté une "coalition" pour "protéger et restaurer la biodiversité au sein de leurs chaînes d'approvisionnement et de leurs portefeuilles de produits".
"Ils vont dans la bonne direction", constate le professeur d'économie.
Mais seul un "mécanisme objectif d'évaluation" des engagements pris par les entreprises, mesuré par "un consortium d'experts indépendants", sur le modèle des banques publiques de développement, peut permettre de s'assurer qu'il ne s'agit pas de "baratin".
• Stopper les constructions de centrales au charbon en 2020
30 pays ont rejoint une alliance promettant d’arrêter la construction de centrales à charbon à partir de 2020. La France s’est même engagée à fermer ses dernières centrales à charbon en 2022.
"Cela offre un cadre et une opportunité" estime le professeur d'économie.
Rappelant "qu'un milliard de personnes n'ont pas accès à l'électricité", l'ONU ne peut de toute façon pas exiger de tous les États de se passer de cette source d'énergie.
• 500 millions de dollars pour l'Amazonie
La réunion sur l'Amazonie a permis de débloquer 500 millions de dollars supplémentaires pour l'Amazonie et les autres forêts tropicales. L'objectif est de financer des projets pour la préservation de la biodiversité, le développement d'une chaîne de valeur durable, la gestion durable des sols, la promotion des savoirs traditionnels et la coopération transfrontalière.
"C'est un bon début", juge Jean-Paul Moatti qui regrette que l'ONU ne "puisse pas imposer un accord multilatéral au Brésil".
L'environnement dépend aussi de l'évolution des relations diplomatiques. Ce mardi, Jair Bolsonaro a dénoncé cette aide "coloniale" estimant que "l'Amazonie n'appartenait pas au patrimoine de l'humanité".
169 pistes d'action
Par ailleurs, la plupart des engagements annoncés restent des déclarations de principe, elles n'ont donc aucune valeur contraignante pour les états signataires. S'il y a urgence, Jean-Paul Moatti refuse toutefois de se montrer "pessimiste", estimant que les choses vont dans le bon sens à l'échelle locale.
Dans un rapport sur le développement durable présenté ce mardi à l'Assemblée générale de l'ONU, le président-directeur de l'IRD propose 169 pistes d'action pour le "bien-être de l'humanité".
"Si on veut, on peut tout à fait atteindre les objectifs", assure-t-il.