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Sommet Trump-Poutine: quels territoires pourraient faire l'objet d'un "échange" entre la Russie et l'Ukraine?

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Donald Trump a annoncé que ses discussions avec Vladimir Poutine pour résoudre la guerre en Ukraine seraient basée sur un "échange de territoires". Mais Volodymyr Zelensky a d'ores et déjà prévenu que "les Ukrainiens n'abandonneront pas leur terre aux occupants"

Des territoires "échangés", et des vies qui risquent de basculer à jamais. Les Ukrainiens attendent dans l'angoisse les résultats du sommet prévu vendredi 15 août, en Alaska, entre Vladimir Poutine et Donald Trump.

Les deux hommes vont se rencontrer pour la première fois depuis le début de l'invasion russe en 2022 pour tenter de trouver une manière de mettre fin au conflit. Mais Kiev et les dirigeants européens redoutent que le sommet ne débouche sur une issue défavorable à l'Ukraine.

Le président américain est resté vague sur ses attentes, disant espérer une rencontre "constructive" avec son homologue russe. Il a seulement insisté sur le fait que les négociations seraient basées sur un "échange" de territoires entre l'Ukraine et la Russie "au bénéfice de chacun", selon lui.

Vers une cession complète du Donbass?

Le terme d'"échange" a de quoi étonner. L'armée russe contrôle en effet 20% de l'Ukraine, tandis que l'armée de Kiev n'occupe plus aucun territoire russe depuis son retrait de la région de Koursk en mars dernier. Difficile donc d'imaginer un autre scénario que celui de territoires ukrainiens qui basculeraient définitivement dans le giron russe.

Mais lesquels? Actuellement, l'armée russe est présente dans tout l'oblast de Lougansk (est) ainsi que dans une large partie des oblasts de Donetsk (est), Zaporijia et Kherson (sud), sans compter la péninsule de Crimée annexée en 2014.

Selon le Wall Street Journal, Vladimir Poutine a déclaré à l'envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, qu'il accepterait un cessez-le-feu complet si l'Ukraine consentait à retirer ses troupes de toute la région orientale de Donetsk. La Russie contrôlerait alors toute la région du Donbass, où les séparatistes favorables à Moscou combattent depuis 2014.

Gel de la ligne de front

Toujours selon le Wall Street Journal, la proposition russe prévoit une première phase qui verrait l'Ukraine se retirer de Donetsk avant un gel de la ligne de front. Lors d'une seconde phase, Vladimir Poutine et Donald Trump conviendraient d'un plan de paix définitif, qui serait ensuite négocié avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ont précisé des sources européennes citées par le journal. 

Les oblasts partiellement occupés du sud de l'Ukraine, Kherson et Zaporijia, font eux aussi l'objet de spéculation. Dans ces régions, le président russe proposerait cette fois de suspendre la guerre sur les lignes de front actuelles avant de négocier des échanges avec l’Ukraine.

"La Russie ne lâchera pas ces deux oblasts, parce qu'ils forment un corridor terrestre qui relie le Donbass à la Crimée", avance auprès de BFMTV Ulrich Bounat, analyste géopolitique et chercheur associé chez Open Diplomacy.

"Ça permet de désenclaver la péninsule qui pour l'instant n'est reliée au territoire russe que par le pont de Kertch", un édifice régulièrement ciblé par les forces ukrainiennes, ajoute-t-il.

Le risque de "concessions majeures" à Vladimir Poutine

Le plan russe proposé à Donald Trump suscite une grande inquiétude à Kiev et chez les dirigeants européens, alors que le président américain s'est souvent montré perméable à la propagande du Kremlin.

"Ils craignent que Donald Trump ne s'engage sur des concessions majeures à Vladimir Poutine pour arracher un cessez-le-feu. Les Ukrainiens seraient alors dans une situation d'extrême faiblesse avant même d'être invités à la table des négociations", expose Ulrich Bounat.

Pour les dirigeants européens, le cessez-le-feu est un préalable à toute discussion. Dans un communiqué commun, la France, l’Italie, l’Allemagne, la Pologne, le Royaume-Uni et la Commission européenne plaident pour qu'ensuite, "la ligne de contact actuelle" soit "le point de départ des négociations".

Zelensky prêt à des concessions territoriales?

De son côté, Volodymyr Zelensky a fait savoir que "les Ukrainiens n'abandonneront pas leur terre aux occupants" et ne se "retireront pas du Donbass". Selon Ulrich Bounat, le président ukrainien laisse ainsi entendre que Kiev pourrait à l'inverse abandonner des zones déjà sous contrôle russe.

"Les Ukrainiens savent maintenant depuis un moment que oui, de facto, certains territoires sont sous contrôle russe et ne seront pas récupérés par la force", souligne le chercheur.

"C'est quelque chose de plus ou moins acté, même s'il n'y aura jamais de reconnaissance juridique de la part des Ukrainiens que les territoires occupés par la Russie sont des territoires russes", poursuit-il.

Pour le chancelier allemand Friedrich Merz, l'Ukraine "est prête à discuter de questions territoriales" mais pas d'"une reconnaissance légale" de l'occupation par la Russie de certaines parties de son territoire.

"Les questions territoriales (...) ne seront négociées que par le président ukrainien", a de son côté martelé Emmanuel Macron, pour qui "il n'y a pas aujourd'hui, de manière sérieuse, des schémas d'échanges territoriaux qui sont sur la table".

Par le passé, Volodymyr Zelensky s'était déjà dit prêt à des concessions territoriales si l'Otan protège les territoires contrôlés par l'Ukraine. Mais depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a toujours refusé d'accorder les "garanties de sécurités" réclamées par Kiev.

François Blanchard