Turquie : une étudiante française risque 32 ans de prison

Sevil Sevimli - -
La justice turque juge une nouvelle fois, lundi, l'étudiante turco-française, d'origine kurde, Sevil Sevimli. Accusée d'être membre "de la direction d'une organisation terroriste", en l'occurrence le groupuscule révolutionnaire DHKP-C, elle encourt 32 ans et demi de prison.
Emprisonnée pendant trois mois, l'étudiante a été remise en liberté sous contrôle judiciaire le 6 août, un traitement de faveur dû à ses origines françaises et peut-être à la faiblesse du dossier.
Le ministre turc de la Justice, Sadullah Ergin, assure à ses interlocuteurs que la justice détient "des preuves". Elles manquent pourtant d'évidence. Est, en effet reproché à la Française d'avoir participé au défilé syndical du 1er Mai, d'avoir collé des affiches et organisé un pique-nique sur le campus en faveur de l'enseignement supérieur gratuit, de s'être rendue à un concert du groupe de rock contestataire Yorum, où des drapeaux de groupes interdits ont été brandis… Toutes ces activités sont légales et Sevil Sevimli reconnaît y avoir pris part.
En revanche, l'étudiante de 20 ans, qui suivait un cursus Erasmus, a nié certaines des accusations portées contre elle. "Je n'ai jamais eu de rapports avec le DHKP-C et je nes suis pas une dirigeante de cette organisation. Je suis venue en Turquie dans le seul but de connaître la culture de mes parents", a déclaré la jeune fille, qui est née et a grandi en France.
"Le président veillera personnellement "
Pour les ONG de défense des droits de l'Homme en Turquie, l'affaire Sevimli est emblématique des dérives de l'arsenal législatif anti-terroriste mis en place par Ankara pour lutter contre la rébellion du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et l'extrême-gauche. C'est aussi l'avis de la sénatrice (PS) des Hautes-Pyrénées Josette Durrieu qui a rencontré Sevil Sevimli en prison, "son enthousiasme quelque peu imprudent " l'a amené "à participer à des manifestations qui n’étaient pas illégales, mais qui, en l’occurrence, seraient de nature à montrer l’absence de liberté d’expression et de manifestation en Turquie".
Madame Durrieu, secrétaire de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe, s'est "entretenue personnellement avec le ministre de la Justice et le président de la République, qui veillera personnellement à l’évolution de ce dossier", a-t-elle assuré.
Une Turquie de plus en plus autoritaire
Selon les organisations étudiantes, au moins 700 étudiants sont aujourd'hui emprisonnés pour des motifs politiques en Turquie, toujours candidate à une adhésion à l'Union européenne. 105 journalistes sont aussi dans les geôles du pouvoir. La plupart du temps, ces prisonniers politiques sont accusés et condamnés pour des liens supposés avec le PKK, le parti nationaliste kurde. Des liens qui pourraient coûter la peine captiale puisque Recep Erdogan, le premier ministre turque, vient d'évoquer un possible retour de la peine de mort en Turquie.
Le Premier ministre, qui gère son pays d'une main de fer, ne devrait pas, en principe, briguer un troisième mandat puisque la Constitution l'en empêche. Mais décidé à rester en place, il souhaite changer la Constitution, étendre les pouvoirs du président, et briguer ce poste.