TOUT COMPRENDRE - Parlement européen: sur quoi portent les soupçons de corruption en lien avec le Qatar?

Une onde de choc secoue l'institution européenne. La vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili a été inculpée, ainsi que trois autres personnes, pour "corruption" dimanche en Belgique et écrouée. La justice belge soupçonne d'importants versements effectués par le Qatar pour influencer les décisions de certains députés.
• Comment a éclaté l'affaire?
L'enquête est ouverte dès la mi-juillet, selon le journal belge Le Soir. La justice bruxelloise se penche alors sur l'existence d'une potentielle organisation criminelle infiltrée dans le Parlement européen.
Après des mois de travail en toute discrétion, les enquêteurs passent à la vitesse supérieure vendredi dernier et lancent une vague de perquisitions. Six personnes sont interpellées, à l'issue d'au moins seize perquisitions.
Deux personnes sont remises en liberté, mais les quatre autres sont inculpées et écrouées dimanche pour "appartenance à une organisation criminelle", "blanchiment d'argent" et "corruption", selon le parquet fédéral belge. La justice "soupçonne un pays du Golfe de tenter d’influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen", toujours selon le parquet.
• De quoi sont soupçonnés les eurodéputés?
Concrètement, la justice belge se pose une question: des députés européens ont-ils reçus des pots-de-vin de la part du Qatar pour en faire la promotion?
Selon les pistes étudiées par la justice belge, on évoque des "sommes d'argent conséquentes" et d'éventuels "cadeaux importants" du pays du Golfe pour des personnes situées à des postes influents au sein de l'institution européenne.
Un vote interroge maintenant certains eurodéputés. Le 24 novembre, une résolution condamnant les violations des droits humains au Qatar est débattue, puis votée par le Parlement européen. Le groupe socio-démocrate vote contre le principe même de cette résolution, avant de finalement empêcher l'adoption de plusieurs amendements.
Le groupe a vraiment insisté pour qu'on ne la vote pas. C'était une surprise", confie l'eurodéputé socio-démocrate Niels Fulsgang à BFMTV. Ce vote a-t-il été influencé par des Qataris? Ce sera aux enquêteurs de le déterminer.
• Quelles sont les personnes inculpées?
Parmi les personnes inculpées et écrouées, un nom ressort: celui de la vice-présidente du Parlement européen. Eurodéputée grecque de 44 ans, Eva Kaili occupait son poste de vice-présidente depuis janvier.
Si aucun nom n'a été révélé par le parquet, selon la presse belge, les autres personnes écrouées sont Francesco Giorgi, un assistant parlementaire attaché au groupe Socialistes et Démocrates (S&D), aussi compagnon d'Eva Kaili, l'ancien eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri, désormais à la tête de l'ONG Fight Impunity, et un lobbyiste bruxellois.
Le père d'Eva Kaili aurait lui aussi été inquiété dans cette affaire. Le journal belge L'Echo assure qu'il a été surpris en train de transporter une grosse somme en liquide "dans une valise". Il a été libéré.
• Pourquoi la vice-présidente est-elle plus particulièrement mentionnée dans cette affaire?
Une inculpation concentre la majorité des regards, celle de la vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili, en raison notamment de son poste clé dans l'institution. Faisant partie des personnes dont le domicile a été perquisitionné vendredi, elle a été dans la foulée suspendue de ses fonctions. Ses avoirs ont été par ailleurs gelés par la Grèce, a annoncé Athènes ce lundi.

Particularité dans cette affaire, l'eurodéputée grecque a été prise en flagrant délit, selon une source proche du dossier. Des "sacs de billets" ont en effet été découverts dans son appartement, selon une source judiciaire. Elle n'a donc pas pu bénéficier de son immunité parlementaire et s'est vue retirer son titre et ses fonctions.
Eva Kaili n'a jamais caché sa proximité avec le Qatar et avait vanté un pays "leader en matière de droit du travail", pendant un discours au Parlement européen quelques jours avant l'ouverture de la Coupe du monde.
• Y a-t-il un lien avec la Coupe du monde de football au Qatar?
Potentiellement oui. D'après les enquêteurs belges, les pots-de-vin délivrés aux eurodéputés avaient un but: redorer l'image du Qatar à l'approche de la Coupe du monde, accueillie par le pays du Golfe.
L'événement, qui attire actuellement tous les regards, est largement décrié par certains gouvernements occidentaux et ONG internationales. Ils pointent du doigt la question des droits humains dans le pays, et notamment ceux des travailleurs qui ont œuvré à la construction des stades.
• Quelles sont les suites à attendre?
Les investigations doivent encore se poursuivre. Lors des perquisitions, du matériel informatique et des téléphones ont été saisis par les enquêteurs. Ils doivent être analysés par les enquêteurs.
Du côté du Parlement européen, les révélations ont causé un tollé. Certains élus appellent déjà en faveur de réformes pour garantir l'éthique des députés. Une réunion entre les présidents de groupes au Parlement européen est prévue ce lundi.